Rue des rosiers : la deuxième vie d’André Niego, mort lors de l’attaque
Sur recommandation d'un cardiologue, les enfants cachent l'assassinat d'André à sa mère et mettent en place un stratagème afin de la protéger
Journaliste Société-Reportage

Il est 13h15, ce 9 août 1982, lorsqu’un commando fait intrusion dans la salle du restaurant de Jo Goldenberg, rue des rosiers à Paris. Explosion d’une grenade, rafale de pistolets-mitrailleurs WZ 63. Les terroristes cagoulés prennent rapidement la fuite dans les rues du Marais sans cesser de tirer.
Mohamed Bennemou, André Hezkia Niego, Denis Guerche Rossignol, George Demeter ainsi que Grace Cuter et Anne Van Zanten, deux citoyennes américaines, perdront la vie. Plus de 20 autres personnes seront blessées.
Le Times of Israel avait déjà rapporté le témoignage du fils d’André Hezkia Niego, Manuel, qui réclame aujourd’hui à l’instar d’autres victimes, que la France obtienne l’extradition des suspects principaux de cet attentat attribué au groupe terroriste palestinien Abou Nidal.
En deuil depuis plus de 37 ans, les victimes demandent aujourd’hui justice, avec urgence.
Suite à la parution de cet article, le Times of Israël en français a été contacté par Jacqueline Niego, la soeur d’André qui a souhaité apporter des éléments supplémentaires sur la vie de son frère adoré et qui a levé le voile sur deux parties de l’histoire d’André Hezkia Niego, aux détails extraordinaires.

La consolation que le temps apporte parfois, ne semble pas avoir adouci la douleur que ressent Jacqueline Niego, 37 années après que son frère lui a été arraché.
Elle nous a fait parvenir le discours qu’elle a prononcé l’année dernière, face à la grille du restaurant Jo Goldenberg, son cousin, désormais fermé, lors d’une cérémonie commémorative.
A travers ses mots, prononcés d’une voix tremblante, on aperçoit les contours de la personnalité d’André Hezkia Niego, grand frère sauveur et protecteur. Durant la Second Guerre mondiale, alors que les enfants de la famille sont retenus dans un orphelinat par les autorités françaises, tandis que leur mère est internée dans un camp, il prend les choses en main.
Jacqueline raconte : « Tu me donnais à manger en bouche alors que je refusais de me nourrir. J’avais alors à peine 3 ans, ma soeur 6 ans, et toi André 9 ans ».
« Toi, André toujours présent, tu m’as ensuite sauvée de la dépression et de la maladie ».

« Toi qui est tombé sous les balles alors que tu étais au téléphone dans le restaurant de notre cousin Jo Goldenberg, et que tu as été achevé au sol, toi rescapé de la barbarie nazie et de la collaboration française, tu as été assassiné par la barbarie terroriste et antisémite ».
« Toi, mon frère ainé que nous avons dû faire revivre ma soeur et moi, pendant plusieurs années pour cacher la vérité de ta mort tragique à notre mère cardiaque sur le conseil de son cardiologue, nous avons eu recours à un ami qui avait une voix proche de la tienne et qui lui donnait des nouvelles en se faisant passer pour toi ».
Jacqueline a couché dans un livre tous ses souvenirs, la guerre, leur parcours d’enfants cachés et la disparition de son frère – « pour les enfants ».
En attendant, Jacqueline, Manuel et les autres victimes voient se succéder les grands procès des attaques terroristes de ces dernières années : le procès du frère de Mohammed Merah, Abdelkader, fut celui, du moins symbolique des attaques de Toulouse en 2012; le procès contre Mehdi Nemmouche suspecté d’être l’auteur principal de l’attaque du musée juif de Bruxelles est en cours; et le procès des attentats de Paris (Charlie Hebdo, Montrouge, Hyper Cacher) est annoncé pour 2020.
« Et des victimes et des témoins de l’attentat de la rue des Rosiers n’ont toujours pas été interrogés, » regrette Guillaume Denoix de Saint Marc, président de l’Association française des victimes du terrorisme.
Aujourd’hui Jacqueline Niego « en appelle au président de la République pour que justice soit (enfin) faîte ». Trente-sept années après les faits.