Salon du Bourget: Les stands israéliens masqués et cloisonnés par des panneaux noirs
Face à une décision jugée "scandaleuse et sans précédent", le ministère des Affaires Etrangères accuse la France de mettre à l’écart les entreprises israéliennes, concurrentes des industries françaises

Le ministère israélien de la Défense s’est insurgé lundi contre la décision, prise en toute dernière minute prise par les organisateurs du salon de l’aéronautique du Bourget au nom du gouvernement français, d’interdire aux entreprises israéliennes de promouvoir des systèmes d’armes offensives, la veille de l’ouverture du salon dans les installations de l’aéroport du Bourget, et ce malgré une décision du tribunal judiciaire de Bobigny, qui avait débouté mardi la requête d’associations qui lui demandaient de bannir ces entreprises au nom du risque de perpétuation de crimes internationaux.
La décision a été par la suite confirmée par la cour d’appel de Paris.
Selon le ministère israélien de la Défense, il s’agit d’une décision sans précédent ailleurs dans le monde, mise en œuvre de nuit après alors que les responsables de la défense israélienne avaient terminé l’installation de leurs stands.
Les organisateurs du salon ont érigé des murs noirs pour isoler les pavillons israéliens des autres exposants au rang desquels figurent notamment la Turquie, la Chine.
Qualifiant la décision de « scandaleuse et sans précédent », le ministère a accusé la France de se cacher derrière des considérations « politiques » pour mettre à l’écart les technologies israéliennes, fortes concurrentes des industries françaises de Défense — d’autant plus au moment où Israël mène ce qu’il qualifie de « guerre nécessaire et juste » contre des menaces régionales.
Le président israélien Isaac Herzog a dénoncé une décision « scandaleuse ».

« Nous avons été choqués de constater ce matin que les pavillons israéliens étaient bouclés et verrouillés, empêchant tout accès pendant le salon. Des entreprises israéliennes ont signé des contrats avec les organisateurs, ils ont payé (…) C’est comme créer un ghetto israélien (…) Je trouve cela scandaleux et cela doit être corrigé immédiatement », a déclaré le chef de l’Etat israélien sur la chaîne française LCI.
Les stands de cinq entreprises israéliennes ont été ceints de bâches noires lundi matin car ils présentaient des armements « offensifs », comme ceux susceptibles d’être utilisés à Gaza, en violation du cadre agréé en amont avec les autorités israéliennes, a indiqué à l’AFP une source française proche du dossier.
Neuf exposants venant d’Israël, l’un des pays leaders des capacités militaires de pointe dans l’aérospatial, sont présents au Salon du Bourget, un nombre en « forte décroissance », de 70% par rapport à l’édition de 2019.
« Hier soir, après avoir installé notre stand et nous être préparés pour le salon, on nous a demandé de retirer certains de nos systèmes du stand », a expliqué Boaz Levy, PDG d’Israel Aerospace Industries (IAI), dans un communiqué.
« Nous avons tenté de négocier avec eux, mais il semble que ces ordres viennent des plus hautes sphères de Paris. Ce matin, lorsque nous sommes arrivés sur notre stand, nous avons été choqués de découvrir que nous étions bloqués par des cloisons noires érigées pendant la nuit, qui nous rappellent les jours sombres où les Juifs étaient séparés de la société européenne. »
Dans une vidéo filmée par la chaîne publique israélienne Kan, des employés de l’événement ont été vus en train de recouvrir des inscriptions pro-Israël écrites par des représentants israéliens sur les cloisons noires en signe de protestation contre cette décision.
וזו כתובת המחאה שנרשמה בידי אנשי התעשיות הבטחוניות וכוסתה בידי אנשי היריד. pic.twitter.com/Dw7MoTh0Ht
— Dov Gil-Har (@DovGilHar) June 16, 2025
« Derrière ces murs se trouvent les meilleurs systèmes de défense utilisés par de nombreux pays. Ces systèmes protègent l’État d’Israël aujourd’hui. Le gouvernement français, au nom de la discrimination, tente de vous les cacher ! », ont écrit les représentants israéliens.
« L’industrie israélienne inquiète profondément [les Français], car elle ne se contente pas de présenter ses produits au salon, elle prouve également leur efficacité dans la pratique », a déclaré Amir Baram, directeur général du ministère de la Défense.
« Quand vous entendez : ‘Pas de problème, les Israéliens ne présenteront que les composants défensifs et non les composants offensifs’, ne vous y trompez pas. Il ne s’agit pas seulement d’une question de politique – qui, à mon avis, est totalement antisémite, flagrante et grossière – mais aussi d’une exclusion pour des raisons commerciales », a-t-il ajouté.
La société de défense Rafael, qui fait partie de la délégation israélienne au salon aéronautique, a déclaré dans un communiqué :
« Cette mesure est discriminatoire, sans précédent et contraire aux principes de partenariat que les salons internationaux sont censés respecter. »
« Cette tentative de nous réduire au silence ou de nous marginaliser ne diminue en rien notre pertinence, elle ne fait que souligner l’impact croissant de nos technologies et de nos valeurs », a-t-il poursuivi.
Le ministère de la Défense avait précédemment annoncé qu’il participerait au Salon du Bourget malgré les annulations de vols en provenance d’Israël et le conflit avec l’Iran.
Le pavillon du Directorat de la Coopération internationale en matière de défense du ministère, connu sous le nom de SIBAT, et les stands de diverses entreprises de défense devaient ouvrir comme prévu, mais les présentations ont été réduites en raison des perturbations dans les transports.
Le Premier ministre François Bayrou a inauguré lundi matin le salon, en Seine-Saint-Denis, plus ancien et plus grand rendez-vous aérospatial au monde, marqué cette année par les guerres, militaires et commerciales, et l’innovation.
???????????????? Scandale au Salon du Bourget : la France a exigé le retrait des armes offensives israéliennes, puis a fait ériger un mur noir autour des pavillons israéliens. Israël dénonce une censure “honteuse”, motivée par des intérêts politiques — et la crainte d’une concurrence… pic.twitter.com/hVpxvkTbxL
— Chrystopher Barolin (@ChrysBarolin) June 16, 2025
Voici comment les sociétés de défense israéliennes ont découvert les stands au Salon international du #Bourget ! Couvert d'un drap noir et bloqués, impossible d'y avoir accès ! Surtout ne pas montrer l'image d'Israël, une décision prise par les organisateurs, au nom du… pic.twitter.com/LkGdB7K5YJ
— Matthias Inbar (@MatthiasInbar) June 16, 2025
Les élus du département n’étaient pas présents à l’arrivée du chef du gouvernement, contrairement à la tradition, en signe de protestation contre la présence d’entreprises israéliennes, alors qu’Israël vient de lancer une offensive contre l’Iran et reste en guerre contre le Hamas après l’attaque du 7 octobre 2023 lancée par le groupe terroriste islamiste palestinien.
Les accusations de génocide et crimes de guerre contre Israël se multiplient, venant d’experts de l’ONU, de groupes de défense des droits humains et de pays de plus en plus nombreux. Israël les rejette.
Amnesty International a dénoncé « la présence de sociétés vendant des armes utilisées à Gaza » au Salon international du Bourget, qui s’est ouvert lundi, et « les livraisons de matériel militaire français à Israël », démenties par Paris.
« Alors que les révélations de transferts d’armes vers Israël se multiplient, ouvrant la voie à de potentielles poursuites judiciaires pour complicité de crimes internationaux, le gouvernement français continue notamment – et en dépit de ses affirmations – à faire parvenir des composants de matériels de guerre pour fabriquer des armes en Israël », accuse l’ONG dans un communiqué.
« Les États qui continuent à l’heure actuelle de transférer des armes à Israël doivent savoir qu’ils violent leur obligation d’empêcher le crime de génocide et qu’ils risquent de devenir complices de ce crime. Les entreprises de l’armement n’échappent pas non plus à ce risque de complicité », écrit Amnesty, qui a lancé à l’occasion de l’ouverture du salon de l’aéronautique et de l’espace un faux site internet intitulé « salon du Génocide ».
L’exécutif français dément de son côté régulièrement les accusations d’ONG sur des livraisons à Israël d’armes autre que défensives ou destinées à la réexportation.
Le Grand rabbin de France Haïm Korsia était présent en revanche pour l’accueil de François Bayrou, ainsi que plusieurs ministres, dont celui des Armées Sébastien Lecornu, un temps pressenti pour Matignon, et Eric Lombard (Economie), ainsi que le chef d’Etat-major des armées, Thierry Burkhard.
M. Korsia, invité en tant qu’ancien aumônier de l’armée de l’Air, n’a pas voulu commenter la polémique sur la présence d’Israël, vivement critiquée, jusqu’à faire l’objet de recours en justice.
Organisé par le Gifas, Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales, le salon du Bourget se tient de lundi jusqu’à dimanche inclus. Il ouvrira aussi au public de vendredi à dimanche (20 au 22 juin).
n janvier, le président français Emmanuel Macron avait déclaré que les entreprises israéliennes seraient autorisées à participer à l’édition de cette année, avait indiqué le bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu après un entretien téléphonique entre les deux dirigeants.

L’an dernier, Macron et Netanyahu avaient eu une passe difficile après que Macron eut tenté de restreindre la participation des entreprises israéliennes à un salon français de l’armement et appelé à l’arrêt des exportations d’armes vers Israël en raison de la guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza. La tentative d’imposer des restrictions aux exposants avait finalement été invalidée par un tribunal.
En octobre dernier, après l’annonce par le gouvernement Macron qu’il empêcherait les entreprises israéliennes d’exposer au salon Euronaval, Yoav Gallant, alors ministre de la Défense, avait qualifié cette décision de « honte pour la nation française et les valeurs du monde libre ».
Cinq mois plus tôt, le gouvernement Macron avait également tenté d’entraver la présence d’entreprises israéliennes à un salon consacré à la défense terrestre et à la sécurité, mais cette décision avait également été invalidée par les tribunaux.