Seul moins d’un tiers des Israéliens juifs font confiance au Grand-Rabbinat
L'étude annuelle sur la confiance du public dans les institutions nationales révèle une diminution de la confiance au fil des ans, quel que soit le niveau de pratique des sondés
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
Moins d’un tiers des Israéliens juifs disent avoir une grande confiance dans le Grand-Rabbinat, selon les données d’une récente enquête de l’Institut israélien de la démocratie (IDI).
Parmi les Juifs laïcs auto-proclamés, qui représentent 41 % de la population juive d’Israël, moins de 10 % disent avoir confiance dans le Grand-Rabbinat – le taux le plus bas jamais atteint.
Le sondage publié la semaine dernière, qui a évalué la confiance du public dans les institutions nationales, a révélé que 30 % des Israéliens juifs en 2022 ont déclaré avoir « assez » ou « très » confiance dans le Grand-Rabbinat, l’organe gouvernemental qui supervise tous les aspects officiels de la vie juive en Israël, à savoir le mariage, le divorce, l’enterrement, la conversion et la certification de la casheroute.
C’est le même niveau en moyenne qu’en 2021, ce qui peut être considéré comme une légère victoire pour le Rabbinat puisque l’enquête a montré une moindre confiance dans presque toutes les autres institutions publiques en 2022 par rapport à l’année précédente.
La foi du public dans le Grand-Rabbinat est particulièrement significative car le gouvernement actuel, le plus religieux de l’Histoire d’Israël, a explicitement appelé à étendre le pouvoir du Rabbinat et à limiter la surveillance, en particulier dans les tribunaux rabbiniques.
Les personnes qui s’identifient comme religieuses ont tendance à avoir une plus grande confiance dans le Grand-Rabbinat que celles qui se disent laïques ou massorti (conservateur). L’année dernière, 71 % des Israéliens ultra-orthodoxes, ou haredim, ont déclaré avoir confiance dans le Rabbinat, tout comme 54 % des Israéliens nationalistes religieux, contre 33,5 % des massorti et 9 % des Israéliens laïcs.
Et pourtant, si l’on considère les tendances à plus long-terme, la confiance du public dans le Rabbinat n’a cessé de diminuer au cours des 20 dernières années parmi tous les Israéliens juifs, qu’ils soient haredim ou laïcs.
Cette baisse a été plus significative chez les Israéliens massorti et laïcs, où elle est passée de 50 % et 32 % en 2003, respectivement, à leurs niveaux actuels de 33,5 % et 9 %. Mais elle est aussi clairement visible parmi les Israéliens haredim et nationalistes religieux, qui sont passés de 80 % et 76 % en 2003, respectivement, à leurs niveaux actuels de 71 % et 54 %.

L’année 2017 a vu seulement 20 % des Israéliens juifs faire confiance à l’institution. Cependant, cela semblait être une sorte d’aberration causée par un certain nombre de scandales très publics impliquant d’anciens grands rabbins, qui ont été largement couverts par la presse dans les semaines précédant le sondage.
Ariel Finklestein, un chercheur de l’IDI qui se concentre sur le Rabbinat et les questions de religion et d’État, a déclaré que le déclin constant de la confiance du public dans le Grand-Rabbinat est probablement le résultat de changements au sein de l’institution, à savoir qu’au fil des ans, elle est devenue de plus en plus associée au judaïsme haredi.
« C’est vrai à la fois en termes de personnalités et en termes de décisions. Cela a un effet sur la confiance du public », a déclaré Finklestein au Times of Israel.
En moyenne, de 2003 à 2022, la confiance du public dans le Grand-Rabbinat a chuté de 46 % à 30 %.
Alors que d’autres institutions publiques ont connu des hauts et des bas au fil des ans, le Grand-Rabbinat a connu un déclin relativement constant au cours des 20 dernières années. Il a également commencé avec beaucoup moins de confiance que toutes les autres institutions, à l’exception des partis politiques.
Le Grand-Rabbinat se soucie-t-il du fait que la plupart des Israéliens n’ont pas confiance en lui ? C’est difficile à dire.
Le Times of Israel a contacté le Grand-Rabbinat à maintes reprises pour discuter de cette question, mais après avoir promis à plusieurs reprises de répondre, un porte-parole du Rabbinat a déclaré qu’il se refusait à tout commentaire.
Actuellement, le Grand-Rabbinat n’a pas particulièrement à se préoccuper des sentiments du public, car il dispose de ce que les économistes appellent un « marché captif ». À quelques exceptions près, les Israéliens juifs doivent passer par le Rabbinat pour les événements fondamentaux de la vie comme le mariage, le divorce et l’enterrement, quels que soient leurs sentiments à son égard. En effet, il est techniquement illégal de célébrer un mariage religieux en dehors du Rabbinat, et si certains Israéliens choisissent de célébrer leur mariage à l’étranger afin d’éviter l’institution, ils doivent néanmoins passer par un tribunal rabbinique s’ils veulent divorcer.

Selon Finklestein, cette dynamique alimente aussi probablement l’antipathie des laïcs envers le Rabbinat.
« Pour les Israéliens laïcs, le Grand-Rabbinat est quelque chose qui leur est imposé », a-t-il déclaré.
Selon Finklestein, le Rabbinat est probablement moins préoccupé par la confiance que lui accordent les Israéliens laïcs que par celle des Israéliens religieux.
« C’est une question intéressante : s’en soucient-ils ? Je pense que toute institution s’inquiète dans une certaine mesure de la confiance du public. Mais ce qui est plus important, c’est ce que ‘leur public’ ressent, ce que les Israéliens haredim, ce que les Israéliens de droite pensent du Rabbinat. Ils se soucient de ce que les massortim pensent d’eux, pas de ce que les Israéliens laïcs pensent », a-t-il déclaré.