Israël en guerre - Jour 476

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Le carnet du journaliste

S’inspirant de Gandhi, des mères d’otages vêtues de blanc crient leur douleur en silence

Mishmeret 101 adopte une stratégie non violente et apolitique, rassemblant des manifestants autour des familles des otages enlevés par le Hamas le 7 octobre 2023

Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »

Le sit-in de protestation silencieuse de Mishmeret 101 devant la Knesset à Jérusalem, le 25 novembre 2024. (Crédit : Orna Kupferman)
Le sit-in de protestation silencieuse de Mishmeret 101 devant la Knesset à Jérusalem, le 25 novembre 2024. (Crédit : Orna Kupferman)

Lundi après-midi, un groupe de femmes vêtues de blanc s’est assis calmement sur l’asphalte près de la Knesset à Jérusalem, formant un cercle autour d’un groupe central composé des mères des otages.

Ces femmes participaient à une manifestation organisée par Mishmeret 101 (que l’on peut traduire par « Garde 101 »), la dernière d’une série de protestations visant à exhorter le gouvernement à enfin conclure un accord pour la libération des 101 derniers otages encore détenus par des terroristes à Gaza. Parmi eux, 97 ont été enlevés lors du pogrom perpétré par le groupe terroriste du Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre 2023. S’y ajoutent deux civils israéliens entrés dans la bande de Gaza en 2014 et 2015, ainsi que les dépouilles de deux soldats de Tsahal tués en 2014.

Lundi, Tsahal a annoncé, sur la base de nouvelles informations, que le capitaine Omer Neutra, un citoyen américain, a été tué par le Hamas lors d’une attaque contre son char le 7 octobre. Son corps serait désormais détenu à Gaza. Jusqu’à présent, Neutra était considéré comme vivant et détenu captif. Jusqu’à présent, Tsahal a confirmé la mort de 38 d’entre eux.

Les manifestations silencieuses de Mishmeret 101, qui ont débuté il y a environ un mois, s’inspirent des manifestations non violentes organisées par le Mahatma Gandhi dans l’Inde des années 1930 pour résister à l’impérialisme britannique.

Ce mouvement apolitique a été initié sur les conseils du professeur Yoram Yovell, psychiatre et chercheur en neurosciences à l’Université hébraïque. Ces rassemblements silencieux et puissants pour réclamer la libération des otages visent à mobiliser un large éventail de la société israélienne. Bien que Yovell assiste parfois aux manifestations, il préfère ne pas être interviewé.

« Les mots me manquent », a déclaré Shira Albag, mère de l’otage Liri Albag, alors qu’elle se tenait devant le rassemblement, par cette froide après-midi à Jérusalem.

S’adressant aux dizaines de personnes assises au milieu du boulevard Ruppin, une artère principale de Jérusalem menant à la Knesset, à la Bibliothèque nationale et au Musée d’Israël, Albag a dit qu’elle « apprécie profondément que [les participants] soient venus ici. »

Un rassemblement de Mishmeret 101 à Tel Aviv, le 29 novembre 2024 (Crédit : Mishmeret 101)

Les participants – des femmes pour la plupart, mais aussi quelques hommes – étaient assis en silence, sans affiches, ni pancartes, ni images des otages sur leurs vêtements, ni aucun des accessoires habituels qui accompagnent les manifestations. Il n’y avait ni cris, ni slogans, seulement des silhouettes vêtues de blanc, immobiles au milieu d’un carrefour bondé. Les voitures et les bus contournaient le groupe, sans interrompre complètement la circulation.

Au centre du groupe se trouvait Varda Ben Baruch, la grand-mère de l’otage Edan Alexander, un soldat du 51e bataillon de la brigade Golani, pris en otage le matin du 7 octobre. La semaine dernière, le groupe terroriste du Hamas a publié une vidéo d’Alexander, qui semble avoir été filmée récemment, premier signe de vie que la famille ait reçu depuis des mois.

Ben Baruch et d’autres membres des familles d’otages revenaient de la Knesset, où ils avaient passé la matinée à la commission de la Condition de la femme et de l’égalité des genres pour marquer la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

« Cela me fait du bien d’être ensemble », a confié Ben Baruch. « Il est tellement important de ne pas rester seul, de voir la nation israélienne se joindre à nous. »

À l’avant du cercle, Ayelet Levy Shachar, mère de Naama Levy, une soldate tatzpitanit (observatrice), et Yarden Gonen, sœur de Romi Gonen, prise en otage lors de la rave Nova, étaient assises parmi les manifestants.

Assises les jambes croisées, elles échangeaient parfois à voix basse ou jetaient un coup d’œil discret à leur téléphone.

De la Première Dame à la femme tout court

Des personnalités se joignent régulièrement aux rassemblements de Mishmeret 101. Récemment, l’épouse du président Isaac Herzog s’est assise parmi les manifestants devant la résidence présidentielle. Elle a tenu les mains de Niva Wenkert, mère de l’otage Omer Wenkert, et de Simone Steinbrecher, mère de l’otage Doron Steinbrecher.

Lors de cette rencontre, Steinbrecher a pris la parole. Elle a évoqué la chanson d’Ofra Haza HaKotel [Le mur Occidental], qui compare les pierres du lieu saint au cœur humain. Elle a exprimé l’espoir que le gouvernement fasse preuve de compassion et conclue un accord pour libérer les otages. Après son intervention, le groupe a entonné doucement la chanson.

L’ex-otage Gabriela Leimberg, à l’extrême droite, la mère de l’otage Niva Wenkert, au centre, et la mère de l’otage Simona Steinbrecher, à l’extrême droite, lors d’une manifestation silencieuse de Mishmeret 10, devant la maison du Premier ministre Benjamin Netanyahu à Jérusalem, le 27 novembre 2024 (Crédit : Mishmeret 101)

Steinbrecher a expliqué à quel point « être active [l]’aide ». Le 7 octobre, elle et sa famille ont été évacuées de leur maison du kibboutz Kfar Aza, près de la bande de Gaza. Elle vit désormais avec son mari dans le kibboutz Shefayim, au centre du pays, avec d’autres personnes évacuées de Kfar Aza.

« Je participe à toutes sortes de manifestations et de rassemblements, mais s’asseoir comme ça, calmement et religieusement, montre le pouvoir du silence », confie-t-elle. Malgré l’incertitude, elle garde l’espoir que sa fille Doron survivra à sa captivité et rentrera chez elle pour reprendre son travail d’infirmière vétérinaire. Les deux chiens de sauvetage de Doron vivent actuellement avec sa sœur, qui a également été évacuée à Shefayim avec sa famille.

Chaque rassemblement est accompagné d’un léger bourdonnement, les participants échangeant à voix basse.

Parfois, lorsqu’une mère prend la parole, un participant s’écrie « Nous sommes là pour vous ». Le groupe chante souvent en sourdine des chansons en hébreu sur la maternité ou l’angoisse, comme Ima [Maman], rendue célèbre par Zohar Argov en 1985.

La famille avant tout

Mishmeret 101 fonctionne de manière quasi organique, avec l’aide de bénévoles discrets qui donnent la priorité aux mères et aux proches d’otages. Les gardes de trois heures ont lieu trois après-midis par semaine, le lundi et le mercredi à Jérusalem et le vendredi, souvent à Tel Aviv.

Les informations relatives aux jours, heures et lieux sont communiquées aux participants par l’intermédiaire d’un groupe WhatsApp.

Il n’y a pas d’orateurs officiels, mais souvent l’une des mères des otages prend brièvement la parole, soit pendant la garde, soit à la fin, pour remercier les participants de leur soutien.

Eilat, volontaire régulière à la Mishmeret 101, vit à Tel Aviv et est mère de trois enfants. Jusqu’à peu avant le 7 octobre 2023, elle travaillait dans les services de sécurité israéliens. L’un de ses fils est un soldat de combat et son mari a récemment pris sa retraite du service de réserve actif.

« Je participe à toutes sortes de manifestations, tous les jours », explique-t-elle. « Une mère d’otage m’a remerciée pour ce que je faisais, et je lui ai dit que je ne venais pas seulement pour eux, mais aussi pour moi. Israël ne survivra pas si le gouvernement continue d’agir ainsi envers ses citoyens, envers ses soldats. »

Le 27 novembre, Mishmeret 101 avait organisé un rassemblement sur la rue Azza, à Jérusalem, devant le domicile du Premier ministre Benjamin Netanyahu.

Les mères d’otages sont régulièrement rejointes par d’autres otages ou proches ayant partagé une expérience similaire, comme l’ex-otage Gabriela Leimberg, Keren Schem, mère de l’ex-otage Mia Schem, ainsi que Jon Polin et Rachel Goldberg, parents de l’otage Hersh Goldberg-Polin, exécuté à bout portant avec cinq autres otages par ses ravisseurs dans un tunnel de Gaza à la fin du mois d’août.

Jon Polin et Rachel Goldberg-Polin, à gauche et au centre, avec la mère de l’otage Simona Steinbrecher, lors d’une manifestation silencieuse de Mishmeret 101, le 27 novembre 2024, devant le domicile du Premier ministre Benjamin Netanyahu à Jérusalem. (Crédit : Mishmeret 101)

« Le rabbin Nachman de Breslev décrit dans un ‘cri silencieux’, que lorsqu’on appelle Dieu depuis le plus profond de sa misère ou de sa douleur, on peut hurler très fort d’une ‘petite voix silencieuse’ », a expliqué Rachel Goldberg-Polin au Times of Israel après avoir participé à la manifestation.

« Mishmeret 101 est une expression poignante de ce ‘cri silencieux’. Il n’y a rien de plus important pour nous en ce moment que de nous asseoir calmement avec les familles des otages – dont les proches sont toujours détenus à Gaza depuis 418 jours – pour exiger dans un cri silencieux leur libération, et appeler les décideurs à ramener les 101 otages à la maison maintenant, avant qu’il ne soit trop tard », a-t-elle ajouté.

Leimberg et Schem, ainsi que Polin, ont enregistré des déclarations invitant davantage d’Israéliens à se joindre aux diverses manifestations en faveur des otages.

« J’ai été attristé de voir à quel point les foules étaient moins nombreuses aux récents rassemblements », a indiqué Polin, en s’adressant à l’assemblée. « Il est dangereux que la question des otages ne soit plus autant au centre de l’agenda public. Lors de la prochaine Mishmeret, revenez et amenez un voisin, un ami, ou même trois ou cinq amis. Il est crucial que nous continuions à parler des otages pour réussir enfin à les ramener chez eux. »

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