Smotrich : l’accord sur les otages, « catastrophique pour la sécurité nationale », se fera sans lui
10 élus de la coalition, dont 7 du Likud jugent l'accord "immoral" ; Lapid et Gantz, favorables à un accord, réaffirment leur soutien à Netanyahu pour faire aboutir l'accord

Le ministre des Finances d’extrême droite, Bezalel Smotrich, a déclaré lundi que son parti, HaTzionout HaDatit, « ne fera pas partie » de l’accord de cessez-le-feu sur les otages, qu’il qualifie de « catastrophe pour la sécurité israélienne ».
« Nous ne ferons pas partie de cet accord de reddition qui se traduira par la remise en liberté de terroristes, l’arrêt de la guerre et l’oubli de victoires arrachées dans le sang et l’abandon de nombreux otages », a déclaré Smotrich par voie de communiqué.
« Il est plus que jamais temps de continuer, de toutes nos forces, à occuper et nettoyer la bande de Gaza dans son ensemble, reprendre enfin le contrôle de l’aide humanitaire laissé aux mains du Hamas et ouvrir les portes de l’enfer sur Gaza jusqu’à la reddition pleine et entière du Hamas et la libération de l’ensemble des otages. »
Un personne proche du pouvoir a déclaré dimanche au média Walla que le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, tentait en ce moment de savoir si Smotrich risquait de démissionner du gouvernement en cas de conclusion d’un accord de libération des otages contre la remise en liberté de centaines de terroristes palestiniens emprisonnés en Israël pour terrorisme.
Selon cette même source, le Premier ministre penserait que la probabilité est forte que le ministre d’extrême droite de la Sécurité intérieure, Itamar Ben-Gvir, quitte lui aussi le gouvernement en cas d’accord sur les otages ; aussi, Netanyahu tenterait-il de convaincre Smotrich de voter contre l’accord sans toutefois quitter la coalition.

Le frère d’un otage détenu à Gaza a critiqué les propos de Smotrich. « Je suis là devant vous pour vous montrer qui vous sacrifiez – le sergent Matan Angrest, kidnappé et grièvement blessé, qui a perdu tous ses amis et que vous êtes en train d’exécuter », a dit Ofir Angrest à Smotrich lors d’une réunion de la commission des Finances à la Knesset, selon le site d’information Ynet.
« Chaque jour, c’est une famille de plus qui perd un fils et qui est brisée. C’est le moment ou jamais de faire le maximum pour obtenir la libération de mon frère et de tous les otages », a-t-il poursuivi.
Matan Angrest a été pris en otage à Nahal Oz lors du pogrom du 7 octobre 2023 mené par le Hamas et ses complices civils.
La chaîne publique Kan a par ailleurs rapporté lundi que dix députés de la coalition avaient signé une lettre exprimant leur opposition à un accord de libération des otages contre un cessez-le-feu.

Parmi les signataires qui qualifient ce possible accord de « mesure immorale » figurent sept membres du Likud, le parti du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
La lettre exhorte le Premier ministre à « ne pas franchir les lignes morales les plus fondamentales, à ne pas mettre en danger la sécurité d’Israël ».
Ses signataires sont Amit Halevi, Hanoch Milwidsky, Moshe Saada, Tsega Melaku, Avihai Boaron, Dan Illouz et Moshe Pessal du Likud, Limor Son Har-Melech et Yitzhak Kroizer d’Otzma Yehudit, et enfin Simcha Rothman du parti HaTzionout HaDatit.
La faction Agudat Yisrael du parti Yahadout HaTorah, membre de la coalition, s’est pour sa part prononcée en faveur d’un accord de libération des otages en échange d’un cessez-le-feu, et a appelé le gouvernement à « agir de manière décisive et rapide, sans considérations politiques ou d’autre nature ».
Selon le site d’information Ynet, Agudat Yisrael a été jusqu’à dire qu’un accord relevait d’un « devoir moral et national ».
« Le retour des otages chez eux est un devoir incontestable ; il s’agit d’une valeur suprême qui transcende tout différend politique. Nous devons agir immédiatement pour les faire revenir sans délai », a déclaré la faction ultra-orthodoxe.
Dans l’opposition, le chef du parti Yesh Atid Yair Lapid a réitéré son offre de fournir au Premier ministre Benjamin Netanyahu un filet de sécurité politique afin de faire aboutir l’accord sur les otages, et ce en dépit de l’opposition des alliés d’extrême-droite du Premier ministre.
« Je veux rappeler à nouveau à Netanyahu qu’il n’a pas besoin d’eux », a déclaré Lapid, faisant référence à Smotrich et au ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir.
« Je lui ai offert un filet de sécurité politique pour un accord de libérationd’otages. Cette offre est valable aujourd’hui, plus que jamais. Si Netanyahu veut et peut conclure un accord, lui et moi savons comment boucler les détails du filet de sécurité en une demi-heure », a déclaré Lapid.
Le chef du parti Kakhol lavan, Benny Gantz, avait déclaré plus tôt dans la matinée que son parti soutenait pleinement le projet d’accord de cessez-le-feu sur les otages et a réagi aux propos du ministre des Finances.
« Le fait de parvenir à un accord pour la libération de nos otages est à la fois une valeur suprême et une nécessité stratégique – ne pas les faire libérer et les abandonner serait une catastrophe nationale », a déclaré Gantz par voie de communiqué. « Kakhol lavan apportera son soutien politique total à cet accord de libération », a-t-il ajouté.
Dimanche, la ministre des Implantations et des Projets nationaux, Orit Strouk, membre du parti HaTzionout HaDatit, s’était elle aussi dite opposée à la conclusion d’un accord pour la libération des otages aux mains du Hamas à Gaza, qu’elle a qualifié de « récompense pour le terrorisme et de victoire pour le Hamas », avant d’admettre ne rien connaitre des détails d’un projet d’accord toujours en gestation.

Dans une interview accordée à la station de radio haredi Kol Berama le même jour, Strouk a dit que cet accord, s’il venait à être conclu, « viderait de leur substance » des victoires durement gagnées lors de la guerre contre le Hamas à Gaza.
« Nombre de soldats israéliens mourront si nous nous retirons de Gaza », a-t-elle dit, « et des centaines de terroristes meurtriers, tels un baril d’essence, mettront le feu et sèmeront la terreur en Judée-Samarie et ailleurs dans le monde. »
Le parti Hatzionout HaDatit agite très régulièrement cette menace, en fait dès que les pourparlers en vue de la libération des 98 otages – vivants ou morts – détenus par le Hamas et d’autres groupes terroristes à Gaza semblent sur le point de déboucher. Cette fois, Strouk a mis en garde Netanyahu de ne pas dépasser les « limites » et dit « espérer qu’il n’en fasse rien ».
Malgré son insistance à dire que l’accord ne ferait que provoquer davantage de problèmes, Strouk a admis, quelques heures plus tard, qu’elle ne savait pas vraiment ce qu’un tel accord impliquerait.
Dans une chronique pour Israel National News, Strouk a écrit que bien qu’elle « souhaite sincèrement la libération des otages », elle croyait que « les implications de cet accord devaient être examinées ».
« Je ne connais pas encore les détails de l’accord en cours de gestation, et je serais très heureuse de pouvoir le soutenir », a-t-elle écrit. « Je l’espère vraiment ! »
Toutefois, Strouk ne semble pas réellement préoccupée par la perspective d’un tel accord car elle dit que le président élu des États-Unis, Donald Trump, mettra un terme au processus lorsqu’il entrera à la Maison Blanche le 20 janvier.
Trump ne voudra pas être associé à « une victoire de l’axe du mal sur le monde libre et il ne soutiendra pas un accord qui récompense le terrorisme meurtrier », a-t-elle dit à Kol Berama.
L’envoyé spécial de Trump dans la région, Steve Witkoff, a toutefois dit dimanche à Netanyahu que Trump souhaitait qu’un accord soit conclu d’ici son investiture, le 20 janvier : il aurait même ajouté que les deux parties devaient faire preuve de flexibilité pour parvenir à un accord.
Pour sa part, le rabbin Dov Lior, leader religieux de premier plan au sein du mouvement ultra-nationaliste israélien, a appelé les membres de sa communauté à assister aux mouvements de protestation dénonçant un possible accord, qu’il a qualifié de « capitulation de la part du gouvernement », ajoutant que ce serait une « formidable mitzvah » – ou acte religieux – de descendre dans les rues pour condamner l’accord.
Dans un message vidéo, Lior a indiqué que manifester était important pour « tenter de déjouer les desseins de tous ceux qui veulent couper certains pans de notre terre, de tous ceux qui veulent libérer des terroristes qui ont du sang sur les mains si cela leur apporte la paix ».
Il a ajouté, dans son message, qu’il « ne peut y avoir de paix, il n’y a pas de paix et il n’y aura pas de paix. Nous devons nous battre pour débarrasser cette terre de tous les terroristes, de manière à ce que la terre d’Israël toute entière relève de la loi du peuple juif, et de lui seul ».
Lior a appelé au rétablissement des implantations juives à Gaza suite au pogrom du 7 octobre, aux côtés des membres ultra-nationalistes du cabinet, Smotrich et Ben Gvir.
Il a soutenu le parti d’extrême-droite Otzma Yehudit de Ben Gvir lors des élections de 2022.