Suite à l’accord-cadre avec l’Iran, les Saoudiens font bonne figure
Les alliés arabes de l’Iran célèbrent l’accord mais certaines puissances régionales décideront de ne compter que sur eux-mêmes
Elhanan Miller est notre journaliste spécialiste des affaires arabes
Certes, les dirigeants arabes ont toujours été moins loquaces que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu sur la menace potentielle du programme nucléaire de l’Iran. Mais les adeptes des médias arabes auraient pu facilement rater l’information de la signature de l’accord-cadre conclu entre l’Iran et les grandes puissances jeudi, et vraiment complètement rater l’information.
C’est l’assaut Houthi au Yémen, et non pas l’accord conclu à Lausanne, qui a fait l’objet des Unes et des pages éditoriales des principaux quotidiens arabes publiés vendredi.
« Les Saoudiens sont dans un état de choc », a déclaré Uzi Rabi, le directeur du Centre Moshe Dayan sur les études de l’Afrique et du Moyen-Orient à l’université de Tel-Aviv et un expert sur le golfe persique. « Ils comprennent que cet accord change la donne en faveur de l’Iran et sont profondément préoccupés, mais ils n’ont pas l’habitude sur ce qui est déjà fait ».
L’Arabie Saoudite essaie de garder bonne contenance dans sa couverture sur l’accord.
« L’accord permettra d’éviter un Iran nucléaire ; Obama rassure les dirigeants du Golfe au sommet du Camp David », titre de le quotidien saoudien Asharq al-Awsat vendredi. Il a cité une conversation téléphonique entre le président américain Barack Obama et le roi Salman jeudi, au cours de laquelle ce dernier espérait qu’ « un accord final contraignant qui permettra de renforcer la sécurité et la stabilité dans la région et le monde » sera signé.
De même, le quotidien saoudien al-Watan titre « la bombe nucléaire de l’Iran se dissipe », rapportant l’ « optimisme prudent (des Américains) » concernant la fin du programme nucléaire militaire de l’Iran.
« Il semble que le rêve de l’Iran de posséder des armes nucléaires se soit dissipée dans la ville suisse de Lausanne hier, après que les P5 + 1 soient parvenu à un accord-cadre avec Téhéran sur son programme nucléaire, l’empêchant de fabriquer une bombe nucléaire », peut-on lire dans l’article qui ajoute que « l’anxiété régnait dans les Etats arabes du Golfe et en particulier, à la lumière des tentatives de l’Iran de se procurer une arme nucléaire alors qu’il intervient dans leurs affaires intérieures ».
En effet, l’implication de l’Iran dans les conflits armés dans les pays arabes comme le Yémen, la Syrie et l’Irak est une question clé ignorée par l’accord de Lausanne, note Rabi.
« Personne ne nie les activités régionales des Gardiens de la Révolution. Il est assez remarquable de voir comment l’Iran a réussi à retirer cette question de la table [des négociations] ».
Selon Rabi, les Etats du Moyen-Orient vont réagir à l’accord de diverses manières. Certains vont exiger de meilleures garanties américaines pour leur sécurité nationale, tandis que d’autres – dont l’Arabie saoudite, la Turquie et peut-être l’Egypte – peuvent chercher à devenir eux-mêmes des Etats nucléaires.
Emirati friend commenting on Obama's nuclear deal with Iran: "I think it's great. Now we can all have nukes."
— سلطان سعود القاسمي (@SultanAlQassemi) 3 Avril 2015
« Pour les Saoudiens, l’accord ne renforcera pas seulement l’Iran sur le long terme ; il l’a déjà renforcé. Il est perçu par les Saoudiens comme la manifestation de la puissance iranienne et de la faiblesse américaine, qui ne fera qu’augmenter avec le temps », a-t-il analysé.
Trouver un éditorial arabe qui critique l’accord est pratiquement impossible vendredi, avec les Arabes optant apparemment pour une politique « d’attendre et voir ». Mais Rabi poursuit en indiquant que les Etats du Golfe ne se font aucune illusion sur les intentions malveillantes de l’Iran.
« Les Arabes du Golfe tentent maintenant d’obliger les États-Unis à tenir sa parole en citant longuement les assurances du président Obama. Ils essaient de se convaincre et d’autres que cela va fonctionner ».
Pendant ce temps, la joie des alliés arabes de l’Iran était palpable vendredi.
« L’Iran a été reconnu comme une puissance nucléaire régionale », se réjouit un article du quotidien libanais pro-Hezbollah As-Safir.
« La politique de confinement de la République islamique a pris fin. Le programme nucléaire iranien a été légitimé – même s’il est ralenti par des limitations techniques et des inspections pendant 10 ans – alors que le but initial était de le démanteler ».
Le sentiment d’autosatisfaction ne pourrait difficilement être mieux articulée que par le rédacteur en chef du quotidien libanais pro-syrien Al-Akhbar, Ibrahim al-Amin, dans un éditorial intitulé « Un nouveau monde : L’Occident capitule ».
« Les gagnants et les perdants. C’est ainsi que les conflits prennent fin à travers le monde depuis toujours. Seuls ceux qui vivent avec leurs yeux fermés appellent ce résultat un compromis », a écrit Amin.
« Ce qui est arrivé à Lausanne hier était le résultat d’une confrontation impitoyable qui a commencé avec la chute de l’Union soviétique et qui a laissé l’Occident sous la direction des États-Unis, qui a gouverné le monde sans opposition et sans effet dissuasif. Le résultat de cette confrontation est assez simple : L’Occident a capitulé ! ».