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Sur Twitter, un rabbin Habad partage son road-trip de 3 semaines en Turquie

Mendy Chitrik, président de l'Alliance des rabbins des pays islamiques, tente de soutenir la vie juive dans les pays musulmans tout en faisant éclater les mythes culturels

  • Le rabbin Mendy Chitrik prend un selfie au crépuscule, en Turquie, le 9 août 2021. (Autorisation :  Chitrik/via JTA)
    Le rabbin Mendy Chitrik prend un selfie au crépuscule, en Turquie, le 9 août 2021. (Autorisation : Chitrik/via JTA)
  • Un homme s'appuie contre la synagogue d'Ankara, en Turquie, le 6 août 2021. (Crédit : Mendy Chitrik/via JTA)
    Un homme s'appuie contre la synagogue d'Ankara, en Turquie, le 6 août 2021. (Crédit : Mendy Chitrik/via JTA)
  • Chaim Chitrik, à gauche, et son ami Eliezer inspectent les ruines de la synagogue de  Priene, en Turquie, le 1er août 2021. (Crédit : Mendy Chitrik/via JTA)
    Chaim Chitrik, à gauche, et son ami Eliezer inspectent les ruines de la synagogue de Priene, en Turquie, le 1er août 2021. (Crédit : Mendy Chitrik/via JTA)

JTA — Peu de Juifs connaissent aussi bien la Turquie que Mendy Chitrik, un rabbin chargé de superviser la certification casher dans une douzaine d’usines de tout le pays.

Au cours des deux dernières décennies, Chitrik, émissaire du mouvement Habad né en Israël, a parcouru chaque année des milliers de kilomètres à travers toute la Turquie – un territoire plus grand que celui du Texas dont la population juive, forte de 12 000 personnes, vit en majorité dans la capitale, à Istanbul.

Il a fait des découvertes surprenantes pendant ses voyages – des cimetières jusqu’à présent inconnus, des Juifs pratiquants vivant à l’écart d’Istanbul et des coutumes inhabituelles, nées de la coopération et de la coexistence avec les musulmans locaux.

Et, cet été, c’est sur Twitter que Chitrik a raconté son séjour sous forme de road-trip de trois semaines dans toute la Turquie. Il s’est rendu sur des sites Juifs connus mais aussi sur d’autres, qui sortent souvent de l’ordinaire. Son objectif, affirme-t-il, est de sensibiliser à une histoire qui, selon lui, reste largement inconnue des Juifs qui considèrent le monde par le prisme de l’unique division entre ashkénazes et séfarades – et jusqu’à présent, il a le sentiment de parvenir à transmettre son message.

« Les gens – des non-Juifs en majorité – qui suivent notre voyage nous invitent à faire un détour par chez eux. Les Juifs d’origine turque ou grecque nous disent combien ils sont émus », confie Chitrik à la JTA. « Et des gens que le sujet intéresse nous disent nous être reconnaissants de leur faire découvrir des sites et des choses qu’ils ne connaissaient pas. C’est très réconfortant ».

Chitrik voyage en arborant sa kippa et ses tzitzit, ces franges que certains Juifs orthodoxes laissent sortir de leur pantalon, ce qui est un spectacle plutôt inhabituel dans un pays de plus en plus musulman dont le président, l’année dernière, avait été rappelé à l’ordre par les États-Unis pour avoir prononcé un discours aux forts relents antisémites.

Chaim Chitrik, à gauche, et son ami Eliezer inspectent les ruines de la synagogue de Priene, en Turquie, le 1er août 2021. (Crédit : Mendy Chitrik/via JTA)

Sur la Toile, les réactions au voyage entrepris par le rabbin ont pu donner lieu à l’expression de sentiments similaires. Huseyin Hakki Kahveci, auteur et journaliste nationaliste, suivi par plus de 60 000 abonnés, a écrit sur Twitter que l’itinéraire suivi par Chitrik « recoupe des endroits où il y a eu des incendies », en référence à une série de feux de forêt qui ont récemment obligé des milliers de personnes à fuir leurs habitations.

« Les rabbins connaissent aussi la Kabbale, la magie noire », a-t-il ajouté.

Selon Chitrik, les attitudes antisémites ne se retrouvent que rarement chez les personnes qu’il est amené à rencontrer au cours de ses voyages. Les imams consacrent des heures à l’aider à faire des recherches sur les sites auxquels il s’intéresse, explique Chitrik. Les gens, dans la rue, l’invitent à dîner et ils font part de leur solidarité et de leur sentiment de fraternité à l’égard des Juifs.

« La coexistence entre Juifs et musulmans n’est pas seulement un slogan pour les conférences », s’exclame Chitrik, président de l’Alliance des rabbins des États islamiques, une instance créée en 2019 pour soutenir la vie juive en terre d’Islam. « C’était une réalité et c’est encore une réalité ».

Ce voyage entamé par Chitrik et par son fils Chaim, qui a commencé le 26 juillet, comprend des arrêts connus sur des sites qui sont des symboles de la profondeur des racines juives en Turquie – comme c’est le cas, par exemple, des ruines de la synagogue Sardis. Cette dernière, parmi les plus grandes et les plus anciennes, avait été construite il y a au moins 1 500 ans et elle est devenue célèbre pour son sol et ses murs en mosaïques remarquablement conservés qui avaient été découverts lors de fouilles archéologiques réalisées en 1962.

Chaim Chitrik enterre des ossements humains au cimetière juif de Milas, en Turquie, le 1er août 2021. (Crédit : (Mendy Chitrik/via JTA)

Mais il y a aussi des monuments dont l’existence reste peu connue – sinon par la famille Chitrik, bien sûr. Il y a ainsi les tombes des soldats juifs à Gallipoli, là où avait eu lieu l’une des batailles les plus sanglantes et les plus connues de la Première Guerre mondiale. Les dépouilles des Juifs qui s’étaient battus pour l’empire Ottoman avaient été enterrées là, à côté des tombes de leurs coreligionnaires qui avaient combattu dans les armées française et britannique. La bataille avait fait environ 100 000 morts.

A Tire, un cœur de la vie intellectuelle juive dans le passé, à environ 500 kilomètres d’Istanbul, Chitrik s’est mis en quête d’un cimetière juif qui, selon la population locale, avait été détruit pour laisser place à un nouvel hôpital.

« Nous avons trouvé l’hôpital et, dans un coin, plus loin, nous avons découvert des stèles intactes dont tout le monde, selon moi, ignorait seulement l’existence », dit-il à la JTA. Après avoir dégagé et désherbé ce qui reste du cimetière – une tâche ardue réalisée sous une température de plus de 41 degrés – Chitrik et son fils ont prononcé le Kaddish sur les tombes.

Mais le voyage entrepris par le rabbin a également un objectif autre.

Partout où ils se rendent, le père et le fils tentent de rencontrer les Juifs et les musulmans locaux – notamment les responsables des communautés religieuses – pour s’entretenir des coutumes riches mais en voie de disparition que les Juifs turcs ont pu adopter au travers des siècles.

A Bursa, une ville située à environ 130 kilomètres au sud-est d’Istanbul, la synagogue majeure – une structure qui vient d’être rénovée et qui comprend un musée – présente des rimomim, ces ornements placés sur les rouleaux de Torah, qui arborent une étoile et un croissant, deux symboles musulmans typiques.

L’ancienne synagogue de Milas en Turquie a été récemment démolie et un centre éducatif a été construit sur les ruines – Photo prise le 1er août 2021. (Crédit : Mendy Chitrik/via JTA)

Quand Chitrik a terminé d’étudier les rouleaux, il a rendu les clés de l’arche de la Torah au gardien, Yousouf. Mais au lieu de prendre la clé dans sa paume, Yousouf a demandé à Chitrik de la poser sur l’arrière de sa main. Constatant le trouble de Chitrik, le chef de la communauté juive de Bursa, Leon Elnekave, a expliqué en Ladino – la langue des Juifs séfarades – que « comme ça, vous n’allez pas vous battre » pour la clé et pour l’arche.

« Je ne suis pas certain de comprendre véritablement pourquoi mais, bien sûr, je ne vais pas me battre », a écrit Chitrik sur Twitter en racontant l’anecdote – qu’il a décrite comme un minhag (une coutume) unique à Bursa.

Chitrik a aussi présenté à ses abonnés une autre tradition juive turque, le « mirkado » – un mot qui pourrait bien dériver du « mercado », le mot espagnol signifiant « marché ». Dans cette tradition, si un enfant voit le jour après des fausses couches ou après une maladie, l’enfant est « acheté » par un proche qui s’en occupe jusqu’à l’âge de sept ou huit ans – une tentative visant à tromper le sort pendant ces années critiques.

Le Mirkado sert à « défier le cours de la chance » – le mazal en hébreu, a expliqué Moshe Habif, membre de la hevra kadisha, l’instance funéraire juive, à Chitrik. Habif travaille pour sa part à Izmir. Chitrik a partagé avec ses abonnés une photo de la tombe de Yitzhak Polikar, mort à un âge très avancé à Izmir et qui a été inhumé dans le cimetière juif de la ville en 1912. Il avait été « acheté » quand il était nouveau-né.

Même s’il n’y a plus de que 60 Juifs à Bursa, Elnekave a la certitude que cette communauté ne disparaîtra pas.

« Chaque jour qui passe doit être l’occasion, pour nous, de nous battre pour que le judaïsme prospère – et il prospérera », explique-t-il devant la caméra de Chitrik dans un mélange de Turc et de Ladino.

Le voyage du rabbin l’a aussi amené jusqu’aux aux vestiges laissés par l’un des principaux groupes juifs de Turquie, les Romaniotes, qui avaient été presque éradiqués par les nazis.

Antérieurs à la division entre ashkénazes et séfarade, n’appartenant ni aux uns ni aux autres, les Romaniotes seraient apparus en Grèce et en Turquie à l’an 70 de l’ère commune, suite à la destruction du Second temple à Jérusalem.

Alors qu’ils étaient autrefois le groupe juif le plus important de la région, les Romaniotes, aujourd’hui, ne forment plus qu’une communauté fragile à Ioannina, en Grèce. Il ne reste plus que quelques dizaines de Juifs romaniotes en Turquie.

Un homme s’appuie contre la synagogue d’Ankara, en Turquie, le 6 août 2021. (Crédit : Mendy Chitrik/via JTA)

Chitrik attribue le manque de soutien apporté à la préservation des sites du patrimoine juif en Turquie à la quasi-disparition des romaniotes – qui implique qu’il ne reste que peu de familles juives portant un intérêt personnel à ce patrimoine, contrairement à la manière dont Juifs séfarades et ashkénazes investissent dans leurs patrimoines d’Afrique du nord et d’Europe de l’est.

Ce sont en conséquence les autorités locales qui ont la charge des sites juifs et les résultats sont mitigés.

Les municipalités turques, ces dernières années, ont rénové de multiples synagogues dans la discrétion.

Un exemple est celui de la synagogue Bergama Yabets, qui se trouve à proximité d’Izmir. Elle était utilisée comme écurie jusqu’à il y a quelques années seulement – et les autorités ont pris la décision de la rénover, en recréant un intérieur envoûtant fait de sols en marbre, de glaces teintées et d’un pupitre – ou bimah – unique, orné de lignes de métal très contemporaines et de marbre qui jouxtent des colonnes néoclassiques et des reliefs en bois, couleur or, au plafond.

La synagogue Beth Israel à Izmir, en Turquie, en 2010. (Crédit :Wikimedia Commons)

Mais d’autres sites du patrimoine, certains très anciens, restent exposés à la fois aux intempéries et aux voleurs d’antiquités, comme c’est le cas de l’ancienne synagogue de Priene, située aux abords d’Izmir. Ses pierres massives, ses colonnes de type classique en granit sculpté sont éparpillées dans les ruines et parfois utilisées par les habitants du secteur comme table de pique-nique.

A Milas, une ville au sud de Priene, la synagogue locale a été détruite il y a quelques années et elle a été remplacée par un centre éducatif.

Le rabbin et son fils, qui voyagent avec un ami, Eliezer, ont aussi découvert des tombes qui avaient été profanées en raison de travaux de construction entamés près du cimetière juif de Milas. Ils ont enterré encore une fois des ossements humains qui avaient été déplacés par les travaux.

Ils ont aussi rencontré des Juifs qui ont demandé leur aide, soucieux de pouvoir maintenir leur pratique de la religion loin du cœur de la communauté juive turque. Sur Twitter, une femme d’Antakya, une ville située à plus de 800 kilomètres d’Istanbul, à proximité de la frontière avec la Syrie, a demandé aux voyageurs de lui amener des couteaux lui permettant de procéder à des abattages casher. Pour elle comme pour les autres juifs peu nombreux qui vivent à Antakya, la visite faite par le rabbin, un shokhet – abatteur casher – a été l’opportunité rare de faire le plein de viande casher.

Malgré la richesse de son histoire juive, la Turquie ne propose guère – voire pas du tout – ce type de voyages organisés permettant de découvrir le patrimoine juif qui existe depuis des années en Europe. Et Chitrik espère que les choses vont changer.

« La Turquie est un pays immense, ce qui complique les choses mais cela signifie pas qu’il n’y a pas le potentiel nécessaire, ici, pour organiser ce genre de voyage », note le rabbin. « J’espère que mon voyage, sur Twitter, saura donner aux gens l’envie de découvrir ce patrimoine particulier ».

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