Berlin : report de l’audience du rabbin Reuven Yaacobov, accusé de crimes sexuels
Le médecin du prévenu a déclaré, deux heures avant son témoignage, qu'il avait besoin de repos en raison du stress causé par les allégations à son encontre
BERLIN, Allemagne (JTA) – Une cour rabbinique s’est réunie pour entendre le témoignage d’un rabbin berlinois qui a été licencié à la suite d’allégations selon lesquelles il s’en est pris à de multiples jeunes femmes, utilisant des arguments religieux pour les attirer dans des relations sexuelles.
Le tribunal religieux, connu sous le nom de Beit Din, de l’association rabbinique orthodoxe allemande (ORD) a annoncé lundi soir qu’il avait « entendu plusieurs personnes concernées dans l’affaire des allégations d’agression sexuelle de la part d’un rabbin ».
Mais le groupe, qui travaille en collaboration avec le Grand-Rabbinat d’Israël et la Conférence des rabbins européens, a déclaré qu’il n’était pas prêt à rendre une décision parce que le rabbin avait présenté une lettre de son médecin indiquant qu’il ne pouvait pas témoigner, juste deux heures avant l’audience prévue. Il aura une nouvelle chance, le 13 juillet, selon la déclaration du Beit Din.
Le rabbin, Reuven Yaacobov, a déclaré mardi à la Jewish Telegraphic Agency que ses médecins lui avaient demandé de se reposer complètement pendant un mois en raison du choc qu’il avait subi. « Si nous ne mettons pas fin à cette situation, la situation post-traumatique suivra », a-t-il déclaré via WhatsApp.
L’ORD n’a pas voulu fournir plus de précisions sur le nombre de femmes qui ont témoigné. Mais une source extérieure à l’ORD ayant connaissance de la procédure a déclaré qu’au moins 10 femmes ont participé, en présentiel ou en distanciel, aux audiences tenues devant un panel international de rabbins convoqués spécialement pour statuer sur cette affaire.
L’audience a eu lieu un mois après que la Communauté juive de Berlin a licencié Yaacobov et fermé les portes de sa synagogue, la congrégation séfarade Tiferet Israel, un jour après que plusieurs femmes ont témoigné de ce qu’elles décrivent comme des années d’abus sexuels et psychologiques.
Les mesures rapides prises par la communauté juive de Berlin et l’ORD contrastent avec les réponses apportées par le passé aux allégations contre Yaacobov. La JTA a rapporté le mois dernier que de multiples entités avaient reçu des plaintes à son sujet au cours des 17 années pendant lesquelles il a été employé par la communauté juive officielle de Berlin.
Yaacobov n’a pas commenté publiquement ces allégations. Il a déclaré à la JTA qu’il n’avait pas été informé officiellement des raisons de son licenciement. Il a également déclaré qu’il avait l’intention de contester son licenciement devant un tribunal allemand et qu’il avait informé l’ORD qu’il était « prêt à se présenter devant un Beit Din neutre à tout moment et en tout lieu dès que mon état de santé se sera amélioré et que le tribunal du travail se sera réuni ».
Selon la biographie – depuis retirée – du site Internet de la communauté juive de Berlin, Yaacobov, né en Ouzbékistan et ordonné par la Midrash Sepharadi Yeshiva à Jérusalem, âgé de 46 ans et père de trois enfants, a également étudié à la yeshiva de Moscou, en Russie, et à la yeshiva Shavei Gola, à Jérusalem, avant d’être recruté par la communauté juive de Berlin il y a de cela 17 ans.
Certains des anciens fidèles de Yaacobov l’ont rejoint dans un lieu privé de Berlin pour les offices depuis son licenciement, a-t-il déclaré à la JTA. Mardi, il a également demandé pourquoi Tiferet Israel, qui fonctionne dans un immeuble résidentiel appartenant à la communauté juive de Berlin, est resté fermé, avec des effets personnels enfermés à l’intérieur.
« Si la communauté a un problème avec moi, elle peut le résoudre avec moi, mais pourquoi la synagogue doit-elle être fermée à cause de cela ? », a-t-il demandé, notant que les nazis avaient détruit une synagogue dans cette même rue en 1938. « Pourquoi les fidèles devraient-ils prier dans une autre synagogue ? »
Un porte-parole de la communauté juive de Berlin a déclaré mardi à la JTA que la fermeture de la synagogue était essentielle pour montrer aux femmes que leurs préoccupations étaient prises au sérieux. Le porte-parole, Ilan Kiesling, a déclaré que d’autres femmes s’étaient présentées avec des allégations contre Yaacobov depuis la fermeture du lieu de culte.
« De nombreuses victimes du rabbin Yaacobov n’ont pas osé faire part de leurs souffrances au conseil communautaire… parce qu’elles pensaient que le rabbin Yaacobov pourrait réintégrer son ancien lieu de travail », a déclaré Kiesling par courrier électronique mardi. « La fermeture de la synagogue de la Passauer Strasse indique clairement qu’il n’y exercera plus jamais ses fonctions de rabbin. »
« La synagogue restera fermée jusqu’à ce que les procédures judiciaires civiles et religieuses soient terminées », a-t-il déclaré, ajoutant que « l’interdiction du rabbin Yaacobov dans toutes les institutions de la communauté juive de Berlin reste en vigueur ».
La décision finale d’un tribunal rabbinique pourrait accentuer cet éloignement. Un Beit Din peut émettre des déclarations qui affectent le rôle d’une personne dans la communauté juive locale et au-delà.
Elena Eyngorn, une juive berlinoise qui a amené certaines des victimes présumées de Yaacobov à témoigner devant le conseil de la communauté juive, a déclaré mardi à la JTA qu’elle s’était arrangée pour qu’une psychologue accompagne les femmes lors des audiences du tribunal juif cette semaine, si elles le souhaitaient. « La psychologue a fait don de son temps », a-t-elle précisé.
Eyngorn, qui n’a pas assisté elle-même aux audiences, a déclaré qu’elle avait cru comprendre que l’ORD avait également permis à chaque femme d’être accompagnée d’une personne de confiance.
L’une des femmes qui a témoigné devant le Beit Din a déclaré à la JTA qu’on lui avait demandé de signer une déclaration attestant qu’elle disait la vérité. Avec sa permission, a-t-elle dit, le tribunal religieux a enregistré son témoignage afin que les trois juges rabbiniques puissent le réécouter. Elle estime qu’elle a parlé avec eux pendant environ 20 minutes.
« Je leur ai dit à la fin de la réunion que je pensais qu’il était très important de prendre une décision à son sujet, parce que nous sommes responsables des filles qui grandissent dans cette communauté », a-t-elle déclaré lors d’un entretien téléphonique avec la JTA, sous le couvert de l’anonymat.