Israël en guerre - Jour 530

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Un comique arabe israélien arrêté pour ses blagues sur les otages et le 7 octobre

Un groupe de défense des droits parle de "persécutions politiques" et de déni de la liberté d’expression des citoyens arabes suite aux menaces de la police d’annuler le spectacle de Nidal Badarny

Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Le comédien arabe israélien Nidal Badarny. (Capture d'écran du compte Instagram de Nidal Badarny)
Le comédien arabe israélien Nidal Badarny. (Capture d'écran du compte Instagram de Nidal Badarny)

Un comédien a été arrêté par la police lundi soir, pour « troubles à l’ordre public » en raison des blagues de ces dernières semaines sur les atrocités du 7 octobre et les otages détenus par l’organisation terroriste du Hamas à Gaza.

Nidal Badarny, ressortissant arabe israélien, a été arrêté à son domicile de Haïfa, lundi à 20 heures, et remis en liberté par la police sans condition cinq heures plus tard.

Avant cette interpellation, cela faisait des semaines que la police lui tournait autour, au moyen de pressions sur les propriétaires de salles de spectacle où il devait se produire pour qu’ils annulent ses spectacles ou en téléphonant au comédien pour lui dire, manifestement de manière illégale, de ne pas se produire lorsqu’une salle refusait d’annuler.

L’organisation d’aide juridique Adalah, qui représente juridiquement les citoyens arabes ou palestiniens sous contrôle israélien, a réagi à cette arrestation en disant que les actions de la police étaient contraires à la liberté d’expression, comme l’a confirmé la Cour suprême.

Toujours selon cette organisation, cette interpellation relève à l’évidence d’une politique policière délibérée mise en oeuvre depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre et de la guerre qui s’en est suivie, qui a valu à des dizaines de citoyens arabes israéliens d’être arrêtés pour « atteinte à l’ordre public » pour des propos ou une participation à des manifestations qui, selon Adalah, sont protégés par le droit d’expression.

Des militants affrontent la police à Haïfa, dans le nord d’Israël, lors d’une manifestation contre la guerre à Gaza, le 30 mai 2024. (Crédit : Flash90)

En juillet 2024, le procureur de la République, Amit Aisman, a déclaré que les procureurs étaient confrontés à des incidents dans lesquels la police avait délibérément ouvert des enquêtes pénales pour « trouble à l’ordre public » dans le but de contourner l’obligation faite à la police d’obtenir l’autorisation du procureur de l’État pour ouvrir des enquêtes pour incitation à la violence.

Adalah a écrit au procureur général il y a de cela deux jours pour se plaindre du harcèlement policier dont il estime Badarny victime et menacé de porter l’affaire devant la Cour suprême si la police continuait de tenter d’empêcher la tenue des prochains spectacles du comique à Nazareth et Haïfa.

La police a répondu que Badarny « avait été arrêté pour des téléchargements de vidéos sur Internet » comportant des commentaires grossiers… qui avaient éveillé des soupçons d’infractions à l’ordre public.

« La police se sert de ces arrestations comme d’un outil pour intimider et dissuader les gens d’exprimer librement leurs opinions », a déclaré Hadeel Abu Salih, avocate de l’organisation Adalah.

Elle a signalé qu’elle avait personnellement plaidé une soixantaine d’affaires dans lesquelles la police avait ouvert des enquêtes pour « troubles à l’ordre public » en raison de divers propos, et qu’aucune d’entre elles n’avait abouti à une inculpation.

Badarny est un comédien arabe israélien bien connu, mais ses blagues sont examinées de près depuis qu’il a mis en ligne des vidéos contenant des blagues sur le 7 octobre ou les otages aux mains du Hamas.

Lors d’un spectacle, il a par exemple dit que les Palestiniens avaient prouvé en octobre que « les Toyota ne tombaient pas toujours en panne », allusion aux camionnettes Toyota utilisées par le Hamas pour franchir la frontière de Gaza avec Israël. Les terroristes ont utilisé ces véhicules en de nombreux endroits du Neguev occidental où ils ont perpétré des massacres et d’autres atrocités, sans parler de leur omniprésence lors des cérémonies de libération des otages.

Dans une autre vidéo, il fait une blague à propos des certificats remis par le Hamas aux tazpitanyot – ces soldates israéliennes chargées de missions de surveillance – lors des démonstrations cyniques avant leur libération. Il a dit qu’ils leur avaient été décernés pour « avoir un cours de pilates », allusion aux survêtements qu’elles portaient au moment de leur libération. Dans une autre blague, il dit que les travailleurs thaïlandais enlevés par le Hamas n’ont pas été kidnappés, mais qu’ils ont pensé que les camionnettes Toyota venaient les chercher pour aller au travail.

Ce mois-ci, l’émission d’information Hazinor, sur la Treizième chaîne, a évoqué les saillies humoristiques de Badarny, reprises par la suite par l’organisation de défense juridique de droite Betzalmo qui a porté plainte contre l’artiste.

Dans une lettre adressée dimanche aux services du procureur général, Abou Salih affirme que la police a fait pression sur une salle de Haïfa pour qu’elle annule la représentation de Badarny prévue à la mi-janvier. La police a admis avoir fait pression sur les propriétaires de la salle, au motif, selon elle, que le spectacle témoignait d’« un soutien au massacre du 7 octobre » et comportait « des moqueries sur les otages », ce qui avait permis au directeur de la salle de spectacle de « découvrir » toute l’affaire. Le spectacle avait été annulé.

« L’avis de police témoigne de son désir de censurer, en toute illégalité et de manière détournée, le spectacle de M. Badarny au moyen de persécutions à l’encontre des propriétaires de salles, ce qui est constitutif d’un abus de pouvoir », a écrit Abu Salih.

Après l’incident de Haïfa, ce sont les spectacles de Nazareth qui ont eux aussi été annulés la semaine dernière après des mises en garde téléphoniques faites par la police, doublées de menaces de non-renouvellement de leur licence l’an prochain, a-t-elle poursuivi.

Des manifestants arabes israéliens défilent avec des drapeaux palestiniens lors d’un rassemblement près de la ville de Shefa Amr, dans le nord d’Israël, le 14 mai 2024. (Crédit : AHMAD GHARABLI / AFP)

Face au refus d’une autre salle de déprogrammer le spectacle, la police a appelé Badarny pour lui dire de ne pas donner son spectacle, avant de lui adresser un SMS l’assurant qu’il n’avait pas le droit de donner son spectacle. Lorsque l’intéressé a demandé la justification de cet interdit, l’officier lui a répondu : « Il n’y a pas à discuter. »

Badarny a fini par annuler la représentation pour ne pas attirer de problèmes à son public.

« Le comportement de la police est constitutif d’un abus de pouvoir à des fins de persécutions politiques. C’est totalement illégal et enfreint des droits fondamentaux garantis par la loi, en dehors de toute prérogative et dans l’unique but de censurer la liberté d’expression artistique alors même qu’il n’existe aucun problème légal à la tenue des spectacles, si ce n’est la pression politique des militants d’extrême droite », a conclu Abu Salih.

Le ministre de la Culture et des Sports, Miki Zohar, membre du parti Likud, a apporté son soutien plein et entier à la police, en déclarant : « Ceux qui plaisantent au sujet des otages ou soutiennent ouvertement le Hamas et l’effroyable massacre du 7 octobre ont leur place en prison ou à Gaza, mais certainement pas sur une scène. » Il a par ailleurs « salué » la décision de la police d’arrêter Badarny « afin de mettre fin à l’incitation aux violences ».

Le député radical Ahmad Tibi a mis en perspective ce qui est arrivé à Badarny avec les musiciens juifs qui ont tenu des propos violents envers les Palestiniens depuis les atrocités du 7 octobre. Le chanteur Ofer Levi a ainsi déclaré ce mois-ci que s’il était soldat aujourd’hui « il n’y aurait pas d’otages » ou encore « Je tuerais tout le monde. Je brûlerai tout aussi. Donne-moi l’ordre d’apporter des litres d’essence et nous la répandrons pour allumer [un brasier]. Quelques jours après le 7 octobre, la star de la pop Eyal Golan avait, à l’instar d’autres artistes juifs, dit souhaiter que l’on « fasse disparaître Gaza … sans laisser personne ».

« [Badarny] n’a pas appelé à brûler les Palestiniens avec de l’essence comme Ofer Levi, pas plus qu’il n’a appelé au meurtre, comme des artistes israéliens l’ont fait récemment », a déclaré Tibi.

« Il ne s’en est pas physiquement pris aux proches des otages, il ne les a pas maudits, il n’a pas voté contre leur libération », a ajouté Tibi en parlant des attaques de la droite contre les familles des otages qui plaident pour leur libération et à l’opposition des partis de droite à l’accord conclu avec le Hamas.

« L’humour noir peut être spirituel ou scandaleux – les comiques sont ainsi. Mais quand il s’agit d’Arabes, la blague a tendance à tourner court. Les chanteurs juifs peuvent appeler à brûler des Palestiniens, mais le comique arabe avec de l’humour noir, lui, se fait arrêter. »

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