Un effort régional « urgent » est nécessaire pour sauver le corail de la mer Rouge
Les récifs près d'Eilat sont peut-être les plus résistants au monde, mais ils doivent être protégés du dérèglement clinique qui menace l'écosystème marin, soulignent des experts
Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël

Une équipe internationale de scientifiques a appelé à un effort régional pour sauver le corail de la mer Rouge. Les chercheurs ont déclaré que les récifs pourraient être parmi les derniers à survivre au changement climatique d’ici la fin du siècle.
Les scientifiques ont expliqué que les coraux, particulièrement ceux présents dans le Golfe d’Aqaba à proximité de la frontière sud d’Israël, semblent être particulièrement résilients aux changements de températures qui ont décimé les récifs ailleurs dans le monde.
Le changement climatique devrait détruire 70 à 90 % des récifs coralliens du monde d’ici 2050, même si les pays respectent les accords de Paris sur le changement climatique, ont annoncé des chercheurs d’Israël, des États-Unis, de l’Égypte, de Jordanie, d’Arabie saoudite, de Suisse et d’Australie.
Le Golfe d’Aqaba pourrait donc devenir l’un des derniers refuges marins mondiaux contre le dérèglement climatique mondial si des mesures sont prises pour préserver son éco-système. Le changement climatique menace des récifs en augmentant les températures et l’acidification des océans.
L’écosystème de récifs de la mer Rouge est l’un des plus longs au monde. Il s’étend sur environ 4 000 kilomètres de côte.

Les températures de l’eau dans la mer Rouge se réchauffent progressivement en direction du sud du Golfe d’Aden. Donc même si ces coraux dépassent un seuil de température et commencent à se décolorer, les coraux du Golfe d’Aqaba, au nord, peuvent rester en bonne condition.
Le Golfe d’Aqaba pourrait subir une augmentation des températures moyennes en été d’environ 6°C. Des vagues de chaleur extrême, plus fréquentes à l’avenir, pourraient parfois faire monter les températures au-dessus de la moyenne, menaçant ainsi encore plus les coraux.
Il n’y a aucun effort coordonné pour mener des recherches ou gérer le système de récif dans son ensemble, ont déploré les chercheurs. Ils ont appelé l’UNESCO à reconnaître le récif entier de la mer Rouge comme un site du patrimoine de la vie marine mondiale dans le cadre d’une initiative entre Israël, l’Égypte, la Jordanie et l’Arabie saoudite.
Les chercheurs ont recommandé une coopération totale, supervisée par les plus hautes instances gouvernementales ; d’informer les pays sur la valeur économique et le potentiel médical des récifs ; de surveiller sur le long-terme les risques pour l’écosystème posés par le développement et l’expansion de la population et le développement durable de la côte.
Le mois dernier, ils ont publié un article sur les récifs dans la revue scientifique Frontiers in Marine Science. L’article a été co-écrit par des chercheurs de l’Université Bar-Ilan, de l’Université hébraïque de Jérusalem, de l’Université de Tel Aviv, par l’Autorité israélienne de la nature et des parcs, par l’ambassadeur de Suisse en Israël, par Jean-Daniel Ruch et par la philanthrope palestino-américaine Lola N. Grace.

Ils ont recommandé une recherche internationale, la surveillance et l’effort de conservation, soutenu par les Nations unies et dirigée par l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne, un établissement neutre qui pourrait évoluer dans le contexte politique complexe de la région. Huit pays bordent la mer Rouge. Certains n’entretiennent aucun lien diplomatique officiel, et d’autres sont même en conflit.
Israël et la Jordanie sont les seuls pays de la région à disposer de programmes continus de surveillance sous mandat gouvernemental sur l’ensemble de leur littoral, mais ils ne représentent que 1% de la frontière totale maritime. Israël est le seul pays à rendre publiques les données de surveillance.
La collaboration entre les deux voisins au sujet de la mer Rouge a diminué ces dernières années et se trouve maintenant à un niveau minimal, ont noté les chercheurs.
Collecter et partager des données sur la mer Rouge permet aux scientifiques de suivre les changements, dont les menaces, et de mener d’autres recherches. La mer Méditerranée dispose d’un programme de surveillance international supervisé par les Nations unies et impliquant l’ensemble des 21 pays la bordant.

« Il est crucial que les pays coordonnent la recherche et les efforts de conservation sur l’ensemble du Golfe malgré les tensions politiques », a souligné le Dr Karine Kleinhaus, chercheuse à la Stony Brook University de New York.
L’étude note que les récifs à proximité d’Eilat, dans le Golfe d’Aqaba, sont probablement les plus sains de la mer Rouge, mais que le développement de la zone représente une menace croissante pour l’écosystème. La population de la ville a augmenté de 65 % entre 1995 et 2018, et le nouvel aéroport international de Ramon devrait normalement attirer plus de touristes.
Un projet de centre de mariculture, ou de pisciculture ouverte dans l’océan, pourrait introduire des antibiotiques, des bactéries, des virus et la turbidité dans les eaux autour d’Eilat.
Aqaba, de l’autre côté de la frontière d’Israël en Jordanie, est deux fois plus grand qu’Eilat et se développe rapidement.
Les récifs de la mer Rouge nourrissent et font vivre environ 28 millions de personnes et pourraient potentiellement servir de source pour de nouveaux médicaments révolutionnaires. Le récif génère environ 12 milliards de dollars pour le tourisme annuel et 230 millions de dollars pour la pêche.

Les récifs sont un haut lieu de la biodiversité, avec de nombreuses espèces endémiques adaptées à la haute salinité de la mer et aux températures chaudes. La biodiversité a créé des molécules et des métabolites dont l’existence est inconnue dans d’autres récifs.
« La biodiversité que l’on trouve seulement dans des récifs sains est considérée par les scientifiques comme étant clef pour découvrir de nouveaux médicaments pour le 21e siècle. De nombreux médicaments sont maintenant développés à partir d’animaux et de plantes de récifs de coraux, avec des traitements possibles pour le cancer, l’arthrite, des infections bactériennes humaines, des virus et d’autres maladies », indiquent les chercheurs.
En plus de la décoloration provoquée par le changement climatique mondial, la croissance rapide de la population sur les côtes maritimes menacent les récifs. Certains ont déjà été fortement endommagés par le tourisme, la pêche excessive, le développement côtier et la pollution.
Une bonne partie de la côte est très peu inhabitée, mais des centres urbains en croissance nuisent à la qualité de l’eau avec les égouts et les trop-pleins de l’agriculture et des pesticides.

Le méga-ville prévue de Néom constitue une source d’inquiétude particulière. L’Arabie saoudite prévoit de la construire à proximité de la côte de la mer Rouge. Elle devrait recouvrir environ 26 500 km².
L’Arabie saoudite développe aussi un projet de tourisme dans la mer Rouge qui envisage la construction de 10 000 chambres d’hôtel sur des dizaines d’îles artificielles et sur plus de 160 km de côte. Le projet se focalisera autour de l’écotourisme, faisant des récifs un atout économique de valeur pour l’Arabie saoudite, mais la construction, les usines de désalinisation, les égouts et le tourisme constitueront probablement une menace pour les coraux.
La zone saoudienne balnéaire de la Corniche de Jeddah produit déjà d’importantes quantités d’eaux usées, qui nuiront probablement à l’écosystème marin local.
Dans le monde, environ 500 millions de personnes dépendent des récifs pour se nourrir et gagner leur vie, et 25 % de toutes les espèces marines dépendent des coraux.
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