Un meeting de Kakhol lavan avec les Arabes israéliens gâché par la sécurité
Les habitants de Tamra se sont plaints des stricts contrôles de sécurité menés par le Shin Bet lors d'un évènement en présence de Yaalon, qui s'est excusé
TAMRA, Galilée — Afin d’atteindre les électeurs arabes, le parti Kakhol lavan, challenger principal du parti du Premier ministre Benjamin Netanyahu, le Likud, aux élections législatives du 9 avril prochain, a organisé son premier évènement de campagne dans un village arabe.
Mais l’évènement qui s’est déroulé dans une salle du village de Tamra, avec le numéro 3 du parti, Moshe Yaalon, et qui semblait être un authentique effort de communiquer avec le public arabe, s’est transformé en controverse après que les résidents du village se sont plaints des fouilles de sécurité strictes menées par le Shin Bet sur les participants.
Peu avant le début de l’évènement, vers 19 heures, un résident de Tamra, frustré, a élevé la voix face à des agents du Shin Bet, qui dit-il, lui demandaient de se déshabiller, dans le cadre d’un contrôle de sécurité.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
« Nous vous accueillons dans notre village, et vous nous demandez de défaire notre ceinture et de baisser notre pantalon ? », a hurlé le résident. « Pourquoi ne puis-je pas être traité comme une personne normale ? »
Ghadir al-Murih, une ancienne animatrice télé druze, et qui figure en 25e place sur la liste électorale de Kakhol lavan, s’est approchée de ce résident et des agents du Shin Bet, pour tenter de trouver une solution, mais en vain. Le résident a déclaré qu’il n’acceptera, sous aucun prétexte, de se dévêtir, et les agents l’ont informé qu’ils devait se plier au protocole s’il souhaitait entrer. Il a fini par partir.
Après cet incident, les agents du Shin Bet ont bloqué les entrées pendant quelques minutes. L’un des agents a déclaré que « nous avons des protocoles, et nous faisons ce qu’il faut pour garantir la sécurité. Nous faisons tout notre possible pour le faire dans un délai convenable ».
Ils ont ensuite posé des questions aux résidents, qui venaient de Tamra et de villes et villages voisins, sur leurs antécédents et s’ils connaissaient des personnes dans la salle. Certains ont appelé des amis ou de la famille qui avaient déjà passé la sécurité pour dire aux agents qu’ils se connaissaient.
Alors que certains entraient dans la salle, d’autres personnes dans la file ont décidé de partir.
« J’ai l’impression d’être à l’aéroport. Je ne comprends pas pourquoi on doit être humiliés pour assister à ce rassemblement », a déclaré une personne avant de s’en aller.
« Je sais que vous êtes arabe »
Un agent du Shin Bet m’a ensuite posé des questions sur mes antécédents et sur les raisons qui m’amenaient à cet évènement. Je leur ai montré mon permis de conduire américain et je leur ai dit que je n’avais pas de carte de presse valide. (Je suis en train de faire la demande pour une nouvelle carte de presse. L’annonce de cet évènement de Kakhol lavan ne précisait pas qu’il y aurait des contrôles de sécurité.)
J’ai été redirigé vers un agent de police, qui m’a demandé si j’étais Juif ou arabe. Quand je lui ai dit que j’étais Juif, il a rétorqué : « Je sais que vous être arabe à cause de la façon dont vous parlez hébreu. »
Le policier a ensuite voulu savoir si j’appartenais au mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS). Je lui ai dit que j’était venu couvrir l’évènement en tant que journaliste pour le Times of Israel, où je travaille comme journaliste depuis neuf mois.
Après s’être concerté avec l’agent du Shin Bet, le policier m’a laissé entrer. Je suis passé sous un détecteur de métaux, ai placé mes affaires dans une machine à rayons-X et suis entré dans la salle.
Le porte-parole de la police Micky Rosenfeld, qui a été interrogé sur les questions de religion et d’ethnie, a déclaré que « des questions générales peuvent être posées par un agent en service. Afin de mieux comprendre et évaluer la situation, un policier peut demander à voir un papier d’identité si nécessaire. »
Je me suis rapproché de Mahmoud Majadla, un résident de Baqa al-Gharbiya de 45 ans, et je lui ai demandé pourquoi il avait l’intention de voter pour Kakhol lavan.
« Je pense que nous avons besoin d’un nouveau Premier ministre, parce que Netanyahu divise le pays et fait du tort à la relation entre Juifs et Arabes. Je pense que [Benny] Gantz est la seule personne qui a une chance de le vaincre et de nous faire bouger dans la bonne direction », a-t-il déclaré au sujet du candidat au poste de Premier ministre.
Netanyahu s’est attiré la condamnation des Arabes israéliens et de leurs alliés la semaine dernière après qu’il a déclaré que « l’Etat d’Israël n’est pas le pays de tous ses citoyens. Selon la loi sur l’Etat-nation que nous avons adoptée, Israël est l’Etat-nation du peuple juif – et personne d’autre ». Il avait déjà suscité une controverse en 2015 lors des élections, alors qu’il exhortait les partisans de la droite à voter parce que les Arabes israéliens « arrivent en masse » vers les bureaux de vote.
Avant que je ne puisse poser une seconde question à Majadla, un agent du Shin Bet est venu vers moi et m’a demandé de le suivre à l’extérieur. Je l’ai suivi et il m’a demandé d’attendre qu’il ait l’autorisation de me le laisser rentrer.
A ce moment, le cortège de Yaalon est arrivé à la salle et y est entré. Un agent du Shin Bet a immédiatement déclaré à une dizaine de personnes qui attendaient d’être contrôlés, qu’ils ne pourraient pas entrer.
Quelques minutes plus tard, vers 20 heures, le même agent m’a dit que je pouvais rejoindre la salle. Environ deux cent personnes ont réussi a entrer. Imad Saif, un militant de Kakhol lavan, qui a participé à l’organisation de cet évènement, avait déclaré mardi qu’ils attendaient un millier de personnes.
Yaalon : ils me contrôlent aussi
Yaalon, assis aux côtés des candidats Murih et Ruth Wasserman, numéro 43 sur la liste de Kakhol lavan et ancienne diplomate au Caire, a souri face à l’auditoire, alors qu’un militant du parti lui souhaitait la bienvenue.
A peine monté sur l’estrade, Moshe Yaalon, ancien ministre de la Défense et ancien chef d’Etat-major, s’est excusé pour les contrôles de sécurité.
« Je suis ravi d’être ici, mais je voudrais d’abord dire que je suis désolé. Si cela vous rassure, quand je vais ailleurs, ils me contrôlent aussi », a-t-il dit. « Quoi qu’il en soit… je m’excuse. C’est une honte que certaines personnes qui sont venues ne soient pas là. »
Un porte-parole du Shin Bet a déclaré ultérieurement dans un SMS qu’un tel dispositif de sécurité est déployé à tous les évènements auxquels Yaalon prend part, parce qu’il est ancien ministre de la Défense.
Wasserman a confirmé les propos de ce porte-parole par téléphone, mais a déclaré que le Shin Bet avait renforcé les protocoles de sécurité à l’évènement de Tamra parce qu’un groupe de personnes avait manifesté contre Yaalon dans la rue d’en face.
« Kakhol lavan n’était pas impliqué dans la planification des mesures de sécurité, et nous déplorons ce qui s’est passé », a-t-elle dit. « Le problème, c’est que le Shin Bet devait mener des contrôles plus poussés à cause de la manifestation. »
L’opposition à Kakhol lavan
Avant le début de l’évènement, une vingtaine de personnes étaient dehors, posters et drapeaux palestiniens à la main.
« Yaalon, combien d’enfants avez-vous tué à ce jour ? », pouvait-on lire sur l’une des affiches.
Mohammed Sabah, l’un des organisateurs de la manifestation, qui dit diriger un groupe appelé « la Commission populaire de Tamra », a déclaré qu’il était inacceptable d’accueillir Yaalon dans la ville.
« Il a du sang sur les mains. L’accueillir dans notre ville est un péché », a-t-il dit.
Les manifestants n’ont montré aucun signe de violence.
Inbar Bezek, en 62e position sur la liste de Kakhol lavan, a déclaré que le parti avait récemment décidé d’annuler un autre évènement, qui devait avoir lieu place Sakhnin dimanche et accueillir Ram Ben-Barak, en 26e position sur la liste.
« Certains résidents ont dit qu’ils ne voulaient pas de cet évènement, donc ça a été annulé », a-t-elle dit.
Durant son allocution, Yaalon a critiqué la loi quasi-constitutionnelle controversée sur l’Etat-nation, que les dirigeants et organisations arabes ont décriée.
Il a déclaré que ce texte contrevenait à « l’esprit de la Déclaration d’Indépendance » parce qu’elle omet une référence aux « droits égaux de tous les citoyens [d’Israël] », ajoutant que Kakhol lavan mettrait tout en oeuvre pour changer cela.
La loi, que la Knesset a adopté lors d’un vote le 19 juillet dernier, à 62 voix contre 55, consacre Israël comme « le foyer national du peuple juif », reconnait les fêtes juives et les jours de souvenirs, et consacre l’hébreu comme unique langue nationale.
La législation ne fait pas référence à l’égalité de tous les citoyens d’Israël, comme c’est le cas dans la déclaration d’Indépendance, qui promet que l’Etat-naissant « garantit une égalité sociale et politique complète de tous ses habitants, quelle que soit sa religion, sa race ou son sexe ».
Yaalon a également promis que Kakhol lavan mettrait au point des « projets pluriannuels » pour résoudre « toutes les questions liées à la terre, au logement et à la construction ».
Les communautés arabes israéliennes souffrent depuis longtemps de pénurie de logement. Ils ont besoin de quelque 5 000 nouvelles unités de logement chaque année, avait déclaré Kais Nasser, un avocat qui représente les municipalités arabes, au quotidien Haaretz en 2017.
Un leadership solide
Après son discours, des foules se sont réunies autour de Yaalon, ont pris des selfies et lui ont posé des questions.
Kamal Murih, un résident de Daliyat Carmel, âgé de 64 ans, a déclaré qu’il était certain de voter Kakhol lavan.
« Je dis que je vote pour eux parce qu’il est notre seul espoir de nous débarrasser de Netanyahu », a-t-il dit. « J’aime aussi leur position sur la loi de l’Etat-nation et je pense que les dirigeants, qui sont trois anciens chefs d’Etat-major, est très solide. »
Aux côtés de Yaalon, Gantz et Gabi Ashknenazi, numéro 4, étaient également chefs d’Etat-major.
Sami Ayashi, un quarantenaire de Tamra, a déclaré que Yaalon ne l’avait pas particulièrement impressionné.
« Je voulais qu’il fasse des déclarations plus fortes », a-t-il dit. « Pourquoi simplement amender la loi sur l’Etat-nation ? Il faudrait s’en débarrasser. Je pense qu’il a peur que la droite l’attaque et le traite de gauchiste s’il prend des positions plus proches de nos convictions. »
Quand Yaalon a quitté la salle, les agents du Shin Bet avaient déjà remballé leurs équipements et les manifestants s’étaient dispersés.
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel