Un Netanyahu ultra-clivant et les conséquences pour Israël en lutte pour sa survie
Les mêmes questions reviennent sans cesse, surtout de l'étranger : Comment les Israéliens ne réalisent-ils pas combien Netanyahu est un leader extraordinaire ? Pourquoi tant de méfiance et de critiques à son égard ?
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Les gens – principalement des amoureux d’Israël vivant à l’étranger – ne cessent de me demander, certains poliment, d’autres nettement moins, pourquoi tant d’Israéliens se méfient de notre Premier ministre, Benjamin Netanyahu, et, n’ayons pas peur des mots, le haïssent même.
Ils notent, à juste titre, qu’il dégage une grande confiance et compétence. Intelligent, vif, ouvert sur le monde, il est la figure politique la plus marquante d’Israël et, indéniablement, la plus populaire, surpassant ses rivaux politiques. Et surtout, il s’exprime remarquablement bien en anglais, il est le défenseur suprême d’Israël sur la scène internationale et sans aucun doute aussi à huis clos auprès des dirigeants du monde entier. Les questions qui reviennent sans cesse sont les suivantes : « Les Israéliens ne réalisent-ils pas à quel point il est extraordinaire comme leader ? » Et « Pourquoi tant de gens sont-ils si critiques à son égard ? »
C’est donc sans plaisir, et au risque d’attirer encore plus de critiques et d’accusations de déloyauté, que je vais tenter de répondre à ces questions .
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Tout d’abord, je tiens à souligner que cette opposition et cette méfiance au niveau national sont bien antérieures au 7 octobre 2023 et qu’elles ont même fluctué tout au long des trente années que Netanyahu a passées au sommet de la politique israélienne, la plupart du temps en qualité de Premier ministre élu. Voici une liste partielle de réponses à ces questions :
1. Parce qu’il a refusé d’assumer la responsabilité personnelle du plus grand désastre de l’histoire moderne d’Israël, à savoir l’invasion du sud du pays par le groupe terroriste palestinien du Hamas, qui a perpétré un pogrom tuant plus de 1 200 personnes, majoritairement des civils, et en enlevant 251. Netanyahu était Premier ministre ce jour-là et l’avait été pendant la quasi-totalité des seize années précédentes, période au cours de laquelle le Hamas a dirigé Gaza et renforcé sa machine de guerre. Parce qu’il a présidé à une politique autorisant le financement qatari pour aider le Hamas à maintenir son emprise. Parce qu’il a accepté l’évaluation incompréhensible de l’establishment de la Défense selon laquelle le Hamas n’était pas uniquement déterminé à nuire à Israël et, à terme, à le détruire. Et parce qu’il n’a pas tenu compte des alertes lancées par certains membres de la communauté du renseignement au cours des dernières années, des derniers mois, des derniers jours, et même des dernières heures, avant que 3 000 terroristes dirigés par le Hamas ne franchissent une fragile clôture frontalière de haute technologie, dépourvue de protection humaine et qui était censée être infranchissable vu son coût pour le moins exorbitant.
2. Parce qu’ils ne comprennent pas ce que fait Tsahal à Gaza actuellement, sous sa direction, alors que le Hamas a été vaincu en tant qu’armée organisée et que des soldats continuent de mourir lors des attaques de guérilla du Hamas ; qu’un cessez-le-feu pourrait permettre la libération des 101 otages encore aux mains du groupe à Gaza, et dont le nombre de morts parmi eux augmente à mesure que les semaines passent ; et qu’un accord sur les otages et de cessez-le-feu offrirait soit une opportunité de créer un Gaza déradicalisé, souhaité par les Israéliens et la communauté internationale, soit, plus probablement, verrait le Hamas fournir tôt ou tard des prétextes meurtriers rendant inévitable, justifiable et légitime la reprise des opérations de Tsahal contre lui.
3. Parce qu’ils craignent pour la démocratie israélienne, Netanyahu ayant passé les neuf premiers mois à la tête de son nouveau gouvernement à tenter de faire adopter par la Knesset une législation qui transformerait le système judiciaire indépendant d’Israël en un outil politisé de la majorité au pouvoir. Il a poursuivi cet effort malgré les profondes divisions qu’il a créées dans le pays, sans jamais indiquer qu’il renonçait à cet objectif, et aujourd’hui, il conteste l’autorité et la légitimité de la principale conseillère juridique du gouvernement, la procureure générale Gali Baharav-Miara.
4. Parce qu’il vient de limoger son ministre de la Défense, Yoav Gallant, un homme de principe, expérimenté et honnête, au beau milieu d’une guerre menée sur plusieurs fronts. Netanyahu prétend que c’est en raison de paroles et d’actes contredisant les décisions du gouvernement et profitant à l’ennemi. Gallant dit que c’était pour le triple crime d’avoir donné la priorité aux efforts pour la libération des otages, d’avoir exigé que les hommes ultra-orthodoxes accomplissent leur service militaire et insisté pour que la commission d’enquête d’État, à laquelle Netanyahu s’oppose ouvertement, examine les échecs du 7 octobre pour garantir qu’ils ne se reproduiront pas. Et Netanyahu n’a rien trouvé de mieux que de remplacer ce ministre de la Défense par un béni-oui-oui complètement inexpérimenté.
5. Parce que, bien qu’il soit sûr de lui, poli et éloquent lors de ses nombreuses apparitions et interviews en anglais, il semble incapable d’exprimer de l’empathie en hébreu ; il ne s’adresse presque jamais longuement aux médias en hébreu, et encore moins aux médias indépendants ; de plus, ses conférences de presse en hébreu sont marquées par son hostilité face aux questions provocantes et ses moqueries envers ceux qui les posent.
6. Parce que, sous son mandat, le sort des otages ne fait pas consensus, mais divise le pays. Les familles et les Israéliens ordinaires qui manifestent pour intensifier les efforts pour leur libération sont vus par lui et ses partisans comme étant des dupes du Hamas, voire des ennemis de l’État – une étiquette qu’il a même suggéré pouvoir s’appliquer à Gallant. Ces familles des otages ont pris la parole lors des conventions nationales des Républicains et des Démocrates américains. Ces familles ont pris la parole lors des conventions nationales américaines des Républicains et des Démocrates, où elles ont reçu un soutien et des applaudissements unanimes de la part des milliers de participants. Mais en Israël, à cause des divisions encouragées par Netanyahu et de l’affiliation de certaines familles aux manifestations antigouvernementales, presque aucun rassemblement pour les otages ne se déroule sans affrontements, ni intervention musclée d’une police de plus en plus brutale sous l’autorité du ministre Itamar Ben Gvir, lui-même un voyou notoire.
7. Parce qu’il insiste pour maintenir l’exemption injustifiable du service militaire et national des hommes ultra-orthodoxes en âge de servir dans l’armée, alors même qu’une guerre sur plusieurs fronts fait rage, que l’armée régulière est sous pression et que même les héroïques forces de réserve commencent à s’essouffler. Et il le fait tout en étant parfaitement conscient des conséquences de cette inégalité systématique sur le moral de la nation, l’économie et la cohésion sociale, et pour la seule raison qu’il refuse de risquer de déstabiliser sa coalition.
8. Parce qu’il a refusé de visiter certaines des communautés les plus durement touchées le 7 octobre – notamment le kibboutz Nir Oz, où même son ministre des Finances Bezalel Smotrich, roi de la discorde, a eu le courage de se rendre mardi pour une visite longue et émouvante ; parce qu’il choisit soigneusement les familles d’otages et de victimes qu’il rencontre pour leur docilité; parce qu’il s’adresse à la nation uniquement pour célébrer les succès militaires et qu’il est aux abonnés absents lorsque les choses vont mal.
9. Parce qu’au milieu de nouvelles allégations de vols et de fuites de documents militaires à partir du cabinet du Premier ministre, ainsi que d’efforts pour modifier les comptes-rendus de réunions cruciales afin de redorer son image dans la gestion de la guerre, son cabinet a implicitement critiqué mardi la police et le Shin Bet pour avoir osé enquêter, les accusant de « détruire la vie de jeunes hommes avec des accusations sans fondement visant à nuire au gouvernement de droite », en détenant des suspects « pendant 20 jours dans une cave… » pour leur extorquer de fausses déclarations contre le Premier ministre.
10. Parce qu’il a intégré dans son gouvernement des suprémacistes juifs d’extrême droite comme Smotrich et Ben Gvir, et leur a confié des responsabilités ministérielles clés. De nombreux Israéliens craignent qu’il ne cède aux pressions de ces deux dirigeants d’extrême droite et de leurs partis, qui souhaitent maintenir le contrôle israélien sur Gaza et reprendre les implantations juives dans cette région — ce qui exercerait une pression insupportable sur l’armée et forcerait Israël à subvenir aux besoins de deux millions de Palestiniens hostiles, avec des conséquences démographiques et économiques insoutenables. Sans oublier qu’il risque désormais de chercher à étendre considérablement les implantations en Cisjordanie, y compris dans des zones que la précédente administration Trump avait réservées pour une indépendance palestinienne limitée, réduisant encore davantage toute possibilité future de séparation viable avec les près de trois millions de Palestiniens qui s’y trouvent.
11. Parce que des personnes en qui il a eu une certaine confiance et qui l’ont accompagné à des moments clés derrière des portes closes – y compris des personnalités comme Gallant et le député de l’opposition Gadi Eisenkot, ancien chef d’état-major de Tsahal, père et oncle endeuillé et ancien membre du cabinet de guerre – l’accusent de faire passer ses intérêts politiques personnels avant le bien du pays.
12. Parce qu’il semble croire qu’il est le seul capable de défendre Israël sur la scène internationale, alors qu’il n’a pas mis en place d’organisation gouvernementale efficace de diplomatie publique, capable de réagir aux événements en temps réel et de diffuser de manière stratégique une narration israélienne plus large auprès des médias internationaux, des réseaux sociaux et d’autres acteurs influents de l’opinion mondiale.
Si j’aborde tous ces points, c’est en partie parce qu’ils expliquent aussi la dichotomie dévastatrice à laquelle Israël est confronté en cette période de crise nationale sans précédent, avec des répercussions pour les Juifs du monde entier.
Sous l’égide de l’Iran — qui a déjà attaqué directement Israël à deux reprises et poursuit son programme de développement d’armes nucléaires — des armées terroristes et d’autres mandataires attaquent Israël de toutes parts, avec des conséquences particulièrement catastrophiques. Des antisémites du monde entier en profitent pour se rallier à ces attaques. Israël est également la cible de distorsions médiatiques déformant de manière aberrante la réalité.
Face à cela, Israël se retrouve sous Netanyahu avec un gouvernement surchargé, largement dysfonctionnel et partiellement antisioniste, qui déchire le pays de l’intérieur, radicalise une partie de la population, échoue à expliquer la situation au monde et exacerbe l’hostilité mondiale.
Combien d’Israéliens partagent tout ou partie de ces opinions très négatives envers Netanyahu, son caractère, son leadership et ses
politiques ? Beaucoup, peut-être la majorité, même si je dirais que leur nombre diminue à mesure que le 7 octobre 2023 s’éloigne et en l’absence de toute opposition politique convaincante. De très nombreux Israéliens l’apprécient, voire le vénèrent. Comme je l’ai mentionné plus haut, l’électorat israélien a, au moment crucial, permis à Netanyahu de diriger Israël pendant 17 des 28 dernières années et 14 des 16 dernières.
Et si jamais Netanyahu, qui n’est plus un jeune homme, devenait incapable d’exercer ses fonctions, il serait probablement remplacé par une figure encore moins modérée, moins compétente et encore plus clivante et menaçante pour la démocratie, la cohésion interne et la résilience d’Israël.
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Cela commence par les Israéliens
Les violences contre les Israéliens à Amsterdam la semaine dernière n’étaient pas une Nuit de Cristal 2024, ni une démonstration ouverte de violence meurtrière par les autorités gouvernementales des Pays-Bas. Il ne s’agissait pas non plus, à l’autre extrême de la déformation des faits, d’une simple éruption de hooliganisme footballistique, quoique d’une violence particulièrement excessive.
Il s’agissait plutôt d’une violence organisée et généralisée, perpétrée par des groupes arabes et musulmans ciblant des Israéliens en raison de leur nationalité. Et cette violence a eu lieu parce que les autorités néerlandaises n’ont pas su assurer la protection efficace des visiteurs israéliens — dont le comportement avant le match de football était, dans certains cas, inacceptable — présents dans leur capitale.
Le résultat est que les Israéliens, déjà réticents à afficher leur nationalité dans une grande partie de l’Europe et du reste du monde, se sentiront encore plus craintifs et sur la défensive. Les communautés juives aux Pays-Bas, en Europe et ailleurs s’inquiètent de plus en plus pour leur sécurité face à une montée de l’antisémitisme – alimenté principalement par des extrémistes musulmans et arabes locaux, mais loin de s’y limiter – qui s’est intensifié mondialement depuis l’invasion d’Israël par le Hamas, il y a 404 jours.
Cela représente un test immense et historique pour le gouvernement et les autorités chargées de l’ordre public aux Pays-Bas et dans tous les pays où les Israéliens et les Juifs sont pris pour cible en raison de leur identité. Ces nations vont-elles se laisser intimider et rester impuissantes face à l’extrémisme violent, ou vont-elles affronter et vaincre ces voyous
racistes ?
Les premières impressions à Amsterdam ne sont pas encourageantes. À l’heure où nous écrivons, peu, voire aucun, des auteurs présumés des attaques concertées de jeudi soir n’ont été arrêtés. Des violences de moindre ampleur se poursuivent, ciblant des Israéliens même après leur départ.
La haine continue de se manifester et ne fera que se concentrer sur de nouvelles cibles, à moins que les instigateurs et les auteurs de ces violences ne soient enfin dissuadés.
Cela commence avec les Israéliens. Mais ceux qui seraient tentés d’attiser cette haine doivent savoir qu’elle ne s’arrêtera pas là.
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