Un nouveau caucus juif au Congrès américain – à la mission encore indéterminée
Les membres Juifs du Congrès se sont rassemblés pour leur première réunion, très divisés sur la question, entre autres forts désaccords, de la guerre entre Israël et le Hamas

WASHINGTON (JTA) — Plus d’une dizaine de membres juifs du Congrès se sont retrouvés, vendredi, à l’occasion de la première rencontre du caucus juif de la Chambre des représentants.
Mais suite à cette session qui a eu lieu dans les bureaux de la représentante Debbie Wasserman Schultz, élue démocrate pour la Floride, il est difficile de dire quelle sera la mission du caucus, les Juifs de la chambre étant profondément divisés sur la question, entre autres, de la guerre entre Israël et le groupe terroriste palestinien du Hamas. Un communiqué du bureau de Wasserman Schultz a laissé entendre que le caucus était encore en train de chercher à trouver ses marques.
« Nous avons eu une réunion qui a attiré de nombreuses personnes, une réunion constructive qui s’est focalisée sur la manière dont nous serons appelés à travailler ensemble et qui s’est aussi concentrée sur le développement de notre mission plus largement », a noté le communiqué. « Nous nous sommes beaucoup écoutés pour examiner les opinions et les pensées des uns et des autres. Nous nous sommes séparés en étant impatients de continuer ces échanges avec nos collègues, de façon à nous accorder sur les moyens qui permettront à un caucus juif laïc d’être le plus efficace possible ».
Il y a 24 députés juifs à la chambre, qui sont Démocrates à l’exception de deux, et il est difficile de déterminer clairement qui était présent à la réunion et si les deux législateurs républicains y ont assisté – en particulier parce que six représentants qui devaient y participer ont fait savoir qu’ils seraient absents à la dernière minute, pour cause de maladie ou autre imprévu. Max Miller, élu républicain de l’Ohio, avait indiqué qu’il serait présent – mais il n’a pas confirmé avoir pris part à la rencontre et cela n’a pas été le cas non plus de David Kustoff, représentant républicain du Tennessee.
Wasserman Schultz s’est alarmée face au pic des attaques et de la rhétorique antisémites aux États-Unis depuis le massacre commis par les terroristes du Hamas sur le sol israélien, le 7 octobre, qui a fait 1 200 morts et qui est à l’origine de la guerre qui oppose actuellement Israël au groupe terroriste à Gaza. Elle souhaite, dit-elle, officialiser un front uni parmi les Juifs du Congrès dans cette bataille contre la haine.
Cela fait des décennies que les membres juifs du congrès se rencontrent officieusement. Au début du mois, Axios avait fait savoir que Wasserman Schultz avait obtenu le feu vert nécessaire, de la part des administrateurs de la Chambre, pour officialiser le caucus juif – même s’il semble que tous les membres de la communauté, au sein de la chambre, ne sont pas convaincus par la nécessité de le mettre en place.

Pendant la dernière décennie, ces rencontres officieuses avaient été chapeautées par le représentant Jerry Nadler, élu de New York sous l’étiquette du parti démocrate et qui est le Juif ayant servi le plus longtemps au sein du congrès. Il a déclaré à Axios qu’il serait bien présent à la réunion de vendredi mais qu’il s’inquiétait de ce que les organisateurs — Wasserman Schultz plus précisément — n’avaient pas consulté tous les Juifs de la chambre avant de créer le caucus.
« Dans la hâte avec laquelle ce groupe a été formé, la majorité des membres juifs ont par contre été laissés hors du débat », a-t-il confié.
Il y a actuellement des caucus afro-américains, hispaniques et asiatiques à la chambre et il y a également des caucus juifs officiels dans les gouvernements des états – le plus actif se trouve en Californie. Toutefois, l’une des questions susceptibles d’avoir empêché la formation d’un caucus juif à la Chambre est celle – ancienne – de la définition de ce que signifie « Juif ».
Une inquiétude qui a été rapportée par Axios – et qui a fait l’objet, depuis longtemps, de vifs débats entre les représentants Juifs au sein du Capitole américain est la crainte, de la part de certains députés appartenant à la communauté, de voir établi un précédent concernant l’établissement d’un caucus explicitement religieux – en particulier dans la mesure où les Juifs chérissent en majorité le principe de séparation entre l’église et l’état. Ce qui peut expliquer pourquoi le communiqué émis par Wasserman Schultz a inclus le mot « laïc » juste après ceux de « caucus juif ».
Une autre préoccupation est que les différences importantes qui prévalent entre tous les membres du caucus juifs ne viennent saper son objectif ultime : celui de l’unité.
Fin octobre, Nadler avait bataillé pour convaincre les 24 Juifs qui siègent à la chambre pour le parti démocrate de signer un communiqué saluant le soutien robuste apporté par l’administration Biden à Israël, dans sa guerre contre le Hamas. Ce front uni s’était fissuré en l’espace de quelques semaines, un certain nombre de Juifs démocrates rejoignant les appels croissants à un cessez-le-feu.

Au-delà des différences concernant la guerre entre Israël et le Hamas, il y a aussi des désaccords entre les membres juifs du congrès à propos de presque tout. Wasserman Schultz a cherché – et elle a obtenu – la présence de Miller dans le caucus, ce qui fait de lui le seul membre d’un caucus ethnique à avoir une adhésion bipartisane. Mais Miller est aussi l’un des soutiens les plus enthousiastes de l’ancien président américain Donald Trump tandis que le groupe comprend aussi Nadler, Jamie Raskin (du Maryland), Dan Goldman (de New York) et Adam Schiff (de Californie) – qui ont tous tenu des rôles de premier plan à différents stades des tentatives d’impeachment de Trump. Schiff et Trump font souvent part de leur désir de se voir mutuellement emprisonnés.
Certains membres, comme Jared Moskowitz, élu démocrate de Floride (qui espérait pouvoir venir à la réunion mais qui a été dans l’incapacité de le faire), considèrent les Juifs comme une minorité ethnique qui subit des persécutions.
« A une époque où des gens défilent dans les rues avec des panneaux appelant ‘à gazer les Juifs’, il est absolument déterminant que les membres juifs présentent un front uni contre l’antisémitisme, pour la sûreté et pour la sécurité du peuple juif », a dit Moskowitz à la Jewish Telegraphic Agency.
La caractère délicat de ce regroupement a finalement réduit au silence même les députés les plus bavards. Un certain nombre de porte-paroles avaient promis de confirmer à la JTA la présence des législateurs lors de la session, mais aucun ne s’est finalement manifesté. Une porte-parole de Becca Balint, du Vermont, une démocrate ayant rejoint le congrès au début de l’année, s’est contentée de dire qu’elle n’avait pas assisté à la rencontre.
Kathy Manning, démocrate élue en Caroline du nord, était présente – et elle a indiqué que la session avait été consacrée à la nécessité de lutter contre l’antisémitisme.

« Je suis heureuse de prendre part à l’établissement de ce caucus juif au sein du congrès américain », a-t-elle commenté. « En cette période d’antisémitisme croissant, il est impératif que la communauté juive puisse vivre cette expérience unique et voir son point de vue ainsi présenté à la table du congrès ».