Un policier accusé d’ignorer les violences des habitants d’implantations pour plaire à Ben Gvir
Les enquêteurs veulent prolonger la détention d'Avishai Mualem, soupçonné d’agir au profit du ministre de la Sécurité nationale ; ce dernier défend sa politique de promotions ciblées
Un officier supérieur de la division de la police israélienne en Cisjordanie, arrêté en début de semaine, est soupçonné d’avoir fermé les yeux sur des informations concernant des violences commises par des habitants d’implantations extrémistes contre des Palestiniens de Cisjordanie, pour bénéficier d’une promotion du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, ont rapporté jeudi les médias en hébreu.
Le département des enquêtes internes de la police (DIPI), qui dépend du ministère de la Justice et qui est chargé de l’affaire, a demandé une prolongation de cinq jours de la détention provisoire du capitaine Avishai Mualem.
Selon un article du Haaretz, non sourcé, l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet aurait transmis des informations à une unité dirigée par Mualem, mais ce dernier aurait choisi de ne pas agir, déclarant aux enquêteurs qu’il n’avait pas suffisamment de preuves pour procéder à des arrestations. Le rapport suggère que Mualem aurait cherché à obtenir une promotion de Ben Gvir, dont le ministère supervise la police israélienne.
Ces derniers mois, l’agence de sécurité intérieure Shin Bet a exprimé une vive préoccupation concernant la division de la police en Cisjordanie, en raison notamment de son supposé manque de professionnalisme, et plus particulièrement de la [mauvaise] gestion du département chargé de la lutte contre le terrorisme juif.
Mualem a été détenu et interrogé par le DIPI lundi, en même temps que le commissaire en chef de l’administration pénitentiaire israélienne, Kobi Yaakobi, et un autre officier dont l’identité n’a pas été révélée. Des rapports antérieurs indiquent que Mualem est également soupçonné d’avoir transmis des informations classifiées à Ben Gvir.
De son côté, Ben Gvir a dénoncé l’arrestation des officiers, la qualifiant de manœuvre politique orchestrée par la procureure générale Gali Baharav-Miara pour le discréditer. Il a affirmé que cette initiative faisait partie d’une campagne visant à le limoger pour ses interventions répétées dans les affaires opérationnelles de la police et pour sa prétendue politisation des promotions.
Bien que de nombreux détails de l’affaire soient encore sous embargo, il semblerait qu’elle soit liée à des efforts illicites déployés par des officiers pour servir les intérêts du ministre d’extrême-droite.
Selon l’article publié dans Haaretz, l’unité du Shin Bet chargée de la lutte contre le terrorisme juif aurait transmis à plusieurs reprises des informations à l’unité de Cisjordanie, sous le commandement de Mualem. Ces informations portaient sur l’implication de résidents d’implantations extrémistes dans des violences contre des Palestiniens, y compris des actes de terrorisme présumés. L’un des cas concernait des violences perpétrées contre un citoyen israélien, précise l’article.
Les enquêteurs soupçonnent Mualem d’avoir ignoré ces informations dans l’espoir d’obtenir une promotion au poste de commissaire-adjoint par Ben Gvir.
Lors de son interrogatoire, Mualem a déclaré qu’il n’avait ordonné aucune arrestation, car il estimait que les preuves disponibles n’étaient pas suffisantes pour inculper les suspects.
Haaretz a cité plusieurs sources anonymes proches du dossier, affirmant qu’à ce stade, il est peu probable que Ben Gvir soit interrogé dans cette affaire, malgré les soupçons selon lesquels des informations lui auraient été communiquées.
Des proches de Mualem ont confié à Haaretz qu’il « appliquait simplement les politiques de Ben Gvir » et que, dans chaque cas, ses décisions étaient motivées par des raisons claires et dûment documentées.
Jeudi, Ben Gvir a publié une vidéo sur le réseau social X, dans laquelle il s’est dit fier de la gestion des promotions au sein de son ministère, qui supervise également l’administration pénitentiaire israélienne.
בעבר אנשים התקדמו במשרד הזה לפי פרוטקציות ולפי קומבינות. אני אומר שוב ובגאווה גדולה – מי שמקיים את המדיניות שלי, משילות, ריבונות, נחישות, מקצוענות. הוא מתקדם במשטרה, ככה זה בדמוקרטיה ולא ברפובליקת בננות. pic.twitter.com/0Q8njdg1VN
— איתמר בן גביר (@itamarbengvir) December 5, 2024
Le ministre a affirmé qu’auparavant, les promotions étaient basées sur le népotisme et des pratiques douteuses.
« Je le répète avec fierté : ceux qui appliquent mes politiques de gouvernance, de souveraineté, de détermination et de professionnalisme progressent dans la hiérarchie. Voilà comment fonctionne une démocratie, et non une république bananière. »
Par ailleurs, Sharon Eliyah, frère de Mualem, a déclaré à la chaîne publique Kan que son frère et sa sœur étaient victimes d’une « arrestation politique ».
« Nous ne nous laisserons pas faire. Nous veillerons à ce que la vérité éclate et que les responsables de cette situation soient traduits en justice », a-t-il affirmé.
Mardi après-midi, après que l’identité de Mualem a été rendue publique, Ben Gvir a pris la défense de l’officier supérieur, écrivant dans une publication sur X qu’ « il a fait de la sécurité des résidents d’implantations en Judée et en Samarie une priorité absolue, et s’est concentré sur la lutte contre le terrorisme arabe au lieu de poursuivre et de harceler des jeunes hommes pour des graffitis » – en référence aux actes de vandalisme présumés d’habitants d’implantations israéliens sur des propriétés palestiniennes.
Selon Haaretz, des responsables du Shin Bet ont exprimé ces derniers mois des critiques à l’égard de l’approche de Mualem dans ses fonctions, affirmant qu’il ne s’était pas suffisamment investi dans la lutte contre les crimes nationalistes.
Le quotidien cite également des sources au sein de la communauté de la défense, décrivant Mualem comme principalement préoccupé par l’exécution des directives de Ben Gvir.
Depuis le pogrom du 7 octobre 2023, les actes de violence perpétrés par des habitants d’implantations en Cisjordanie ont considérablement augmenté. Ces violences incluent des meurtres, des incendies criminels et de nombreux actes de vandalisme visant les Palestiniens.