Une adjointe au maire rêve d’un « quartier d’ambassades » à Jérusalem
Donnant les détails de la nouvelle ambassade américaine prévue dans la ville, Fleur Hassan-Nahoum note les nombreux terrains vides pour accueillir les autres missions étrangères
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Une adjointe au maire de Jérusalem a révélé jeudi qu’elle exerçait des pressions en faveur de la création d’un quartier des ambassades dans le sud de la ville, un quartier qui s’ancrerait autour des deux complexes formant la mission américaine dont les plans ont été approuvés, la semaine dernière, par la commission de planification et de construction de la municipalité.
« Cela fait deux ans que je parle au maire de la construction d’un quartier des ambassades », a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse sur Zoom. « Il s’articulerait autour de l’ambassade américaine, sur la route de Hébron. Dans cet espace, il y a beaucoup de terrains disponibles pour des constructions, derrière la route de Hébron, et des projets d’hôtels en sont déjà au stade de la planification face à la promenade de Jérusalem. C’est mon intention d’œuvrer à créer un quartier des ambassades, comme en possèdent toutes les autres capitales du monde ».
Rompant avec des décennies de politique américaine, l’administration Trump avait reconnu Jérusalem en tant que capitale d’Israël en 2017 et, au mois d’avril 2018, elle avait transféré l’ambassade des Etats-Unis, jusqu’alors installée à Tel Aviv, dans la ville sainte. Ces initiatives avaient fait partie d’une série de cadeaux diplomatiques offerts par le président américain Donald Trump à l’Etat juif.
Le président-élu Joe Biden devrait, pour sa part, adopter une approche plus équilibrée d’Israël et des Palestiniens, mais il a d’ores et déjà fait savoir qu’il ne prévoyait pas de relocaliser l’ambassade américaine à Tel Aviv.
Plusieurs pays – notamment le Honduras, le Malawi, la République dominicaine, la Serbie et le Kosovo – ont fait part de leur intention d’ouvrir des ambassades à Jérusalem. Pour le moment, seulement deux pays sont passés à l’acte : Les Etats-Unis et le Guatemala.
La semaine dernière, l’équipe de planification urbaine de la ville a donné le feu vert aux plans de construction d’une nouvelle ambassade américaine permanente dans ce qui est appelé le « complexe Allenby », sur la bordure de Hebron Road, dans le sud de Jérusalem. Elle a aussi approuvé une extension des 12 000 mètres-carrés déjà existants qui accueillent la mission américaine temporaire, sur la rue David Flusser, dans le quartier d’Arnona, à 20 minutes à pied. Certains résidents d’Arnona s’opposent à cet élargissement.
Hassan-Nahoum, qui est en charge des relations étrangères, du développement économique international et du tourisme dans la ville, a dit ne pas savoir lequel des deux complexes américains accueillerait l’ambassade principale et qu’elle et le maire, Moshe Lion, avaient une préférence pour le complexe d’Allenby, plus central, mieux relié aux transports et plus éloigné des zones résidentielles.
L’une des deux structures servira d’ambassade tandis que l’autre accueillera notamment les logements du personnel, voire même la nouvelle résidence officielle de l’envoyé américain. Hassan-Nahoum a ajouté avoir compris que le département d’Etat travaillait encore à définir d’autres arrangements possibles.
L’ambassadeur vit actuellement dans l’ancien consulat américain, dans un bâtiment historique de la rue Agron, dans le centre-ville de Jérusalem. Mais les lieux seraient trop petits et Hassan-Nahoum a expliqué qu’ils pourraient dorénavant servir pour organiser des conférences ou des événements liés à la mission américaine.
S’adressant aux habitants des quartiers environnants de Talpiot, Arnona, Armon Hanatziv, Abu Tor et Baka, elle a affirmé que « nous croyons énormément dans ‘l’effet ambassade’. Si le pays le plus important dans le monde ouvre une ambassade dans un quartier de votre ville, cela signifiera que tout ce qui se trouve autour commencera à prendre de l’ampleur. Il y a aura plus de restaurants, de magasins, de pressings. Les prix de l’immobilier vont grimper en flèche avec les employés de l’ambassade qui devront se mettre en quête d’un logement. Peut-être y aura-t-il une autre école privée. Une grande ambassade et une nouvelle ligne de tramway entraîneront une dynamique incroyablement positive. Les quartiers environnants connaîtront tous un vif essor économique », s’est-elle enthousiasmée.
Le coût total de la construction des deux complexes est estimé à 600 millions de dollars. Les architectes embauchés pour créer les bâtiments sont un cabinet américain, Krueck Sexton, et le cabinet israélien Studio Yigal Levy. Le processus de planification devrait durer au moins deux ans.
Entre 400 et 700 professionnels du bâtiment seront nécessaires sur le chantier et, quand l’ambassade sera ouverte, elle aura besoin d’un total de 630 salariés pour assumer les tâches administratives et de 450 personnes qui seront employées hors des bureaux. Dans ces deux services, 400 et 380 personnes seront respectivement embauchées parmi les résidents de Jérusalem, a-t-elle ajouté.
Alors qu’il lui était demandé si les résidents de la capitale devaient s’attendre à voir des murs élevés et des éclairages nocturnes entourant le complexe de Hebron Road, Hassan-Nahoum s’est contentée de dire que « si les problèmes relatifs à la sécurité n’avaient pas été résolus, alors le plan de construction n’aurait pas été déposé. Toutes les préoccupations d’ordre sécuritaire ont été prises en charge et ce sera un beau bâtiment, très bien pensé ».
Répondant à une question sur les détails des discussions entourant la sécurité – elle y a elle-même participé – elle a déclaré qu’elles avaient concerné des sujets tels que la taille envisagée pour les futurs bâtiments aux alentours pour garantir que personne ne pourrait avoir un aperçu à l’intérieur de la nouvelle ambassade, ou encore l’endroit où devrait être installé le nouvel arrêt de tramway de manière à ce qu’il ne pose aucun risque à l’entrée de la mission américaine.
Tandis que le complexe d’Arnona est largement souterrain, la parcelle de Hebron Road, qui fait 60 618 mètres-carrés avec 31 073 mètres-carrés d’espace construit, sera constituée d’un bâtiment administratif de dix étages (en gris), d’un immeuble résidentiel de quatre étages (en beige), de plusieurs étages de parking (en rose) et de structures de services. Le site est bordé, au sud, par la rue David Yanovsky, et un accès au complexe y sera créé.
Hassan-Nahoum a estimé qu’il était improbable que la nouvelle administration Biden, aux Etats-Unis, cherche à modifier les plans, disant que ces derniers ne pourraient être quelque peu changés qu’en réponse à des objections locales.
Les plans approuvés par la Commission locale de planification vont maintenant être confiés à la Commission de planification du district de Jérusalem et ils devraient y être déposés dans les semaines à venir. Ensuite, les plans dans leur intégralité seront portés à la connaissance du public et ce dernier aura 60 jours pour faire part de ses éventuelles objections.
Toutefois, selon The Forward, le Département d’Etat aurait d’ores et déjà laissé de côté le complexe Allenby car il ne répondrait pas aux règles de sécurité qui avaient été édictées suite aux attentats à la bombe commis par al-Qaida qui avaient pris pour cible les ambassades américaines de Tanzanie et du Kenya.
Hebron Road est une section intérieure à la ville de la Route 60, qui relie le nord et le sud de la Cisjordanie.
Le site prévu se situe à proximité de la ligne qui divise les parties Ouest et Est de Jérusalem. Jérusalem-Est avait été capturée par Israël à la Jordanie au cours de la guerre des Six jours et les Palestiniens revendiquent cette section de la ville pour y établir la capitale de leur futur État.
Actuellement abandonnés, ces terrains ont une histoire riche. Pendant la période du mandat britannique, ils accueillaient les dites « casernes d’Allenby » – du nom du général anglais Edmund Allenby – qui y avait installé une base militaire.
Plus tard, l’Etat d’Israël y avait installé un commissariat de la police des frontières. Les activistes palestiniens, depuis les années 1990, affirment que ces parcelles leur appartiennent au moins partiellement et qu’il serait « inconvenant » que les Américains construisent une ambassade « sur des terres qui ont été volées ».