Une arbitre iranienne, exilée pour fuir le hijab, révèle ses racines juives
Réfugiée au Royaume-Uni, Shohreh Bayat, arbitre lors de tournois d'échecs, a confié au Telegraph avoir longtemps caché les origines de sa grand-mère, une Juive venue d'Azerbaïdjan
Une arbitre internationale de jeu d’échecs de nationalité iranienne, et qui avait fait les gros titres après avoir annoncé qu’elle ne retournerait pas dans son pays à la suite d’un championnat parce qu’elle ne voulait plus porter le hijab, a révélé qu’elle avait des origines juives.
Shoreh Bayat, 33 ans, a confié au journal Telegraph qu’elle avait caché ses origines toute sa vie lorsqu’elle se trouvait en Iran mais que cette année, alors qu’elle attend la réponse de sa demande d’asile en Grande-Bretagne, elle a pu fêter son tout premier Rosh HaShana – le nouvel an juif.
« Pendant toute ma vie, j’ai dû montrer une fausse image de moi en société parce qu’on voulait que j’incarne l’image d’une femme musulmane religieuse, ce que je ne suis pas », a-t-elle dit au journal depuis le logement temporaire qu’elle occupe, aux abords de Londres, dans la famille d’un ami joueur d’échecs.
Bayat, l’une des arbitres les plus connues du milieu international des échecs, est née dans le nord de l’Iran. Son père, raconte-t-elle, l’a encouragée à jouer aux échecs à l’âge de neuf ans et, à douze ans, elle est devenue championne nationale de la République islamique, où les échecs sont un sport sponsorisé par l’Etat. Elle a occupé plus tard le poste de secrétaire-générale de la Fédération iranienne d’échecs et elle est devenue la toute première arbitre internationale de haut-niveau à être originaire d’Asie.
Mais elle a caché une partie de l’histoire de sa famille aux autorités iraniennes. Sa grand-mère paternelle, Mary, était Juive. Elle était arrivée en Iran depuis Bakou, en Azerbaïdjan, pendant la Seconde Guerre mondiale.
« S’ils avaient su que j’avais des origines juives, jamais je n’aurais pu devenir secrétaire-générale de la Fédération iranienne d’échecs », a-t-elle expliqué au Telegraph, se rappelant des propos antisémites tenus par les responsables de la discipline.
Bayat a ajouté que cette année, pour la toute première fois, elle avait pu fêter Rosh HaShana, goûtant les mets traditionnels à base de pommes et de pain de challah trempés dans le miel.
Bayat avait suscité l’indignation en Iran quand elle avait arbitré le Championnat mondial féminin d’échecs 2020 qui avait été organisé à Shanghaï et à Vladivostok au mois de janvier, après la diffusion d’une seule photographie qui l’avait montrée la tête nue et son hijab rouge enroulé autour de ses épaules.
Elle a raconté au journal britannique qu’après le match, lorsqu’elle était retournée dans sa chambre d’hôtel, elle avait trouvé des messages sur son téléphone mobile de personnes inquiètes, qui lui recommandaient de ne plus revenir dans le pays où elle serait immédiatement arrêtée. Le jour suivant, sa photo avait disparu du site de la Fédération iranienne d’échecs.
« C’était comme si je n’existais plus », se souvient-elle.
Plutôt que de céder aux demandes des radicaux qui, au sein de la république islamique, lui demandaient de présenter des excuses, elle avait alors choisi d’aller plus loin et d’ôter totalement son voile pendant le reste du tournoi.
« Je savais que je ne pourrais plus tolérer ça », explique-t-elle.
A la fin du championnat, au lieu de repartir en Iran, Bayat avait embarqué à bord d’un vol vers le Royaume-Uni, pour lequel elle avait un visa valide. Elle avait demandé l’asile dès son arrivée.
Bayat explique n’avoir aucun regret de ne pas être retournée en Iran – même si cela a impliqué de laisser derrière elle son époux et sa famille. Elle ne désespère pas d’éventuelles retrouvailles à l’avenir.
La Fédération internationale des échecs a confirmé que Bayat serait autorisée à arbitrer des tournois en tant qu’officielle britannique mais elle n’a actuellement aucun permis de travail, sa demande d’asile n’ayant pas encore été traitée, a noté le Telegraph.
Bayat attend dorénavant un entretien au Home Office britannique, mais cette procédure a été retardée par la pandémie de coronavirus en cours. Alors qu’il lui avait été dit que son entretien indispensable dans le cadre d’une demande d’asile aurait lieu au mois d’août, cette rencontre ne s’est pas encore concrétisée.
Un porte-parole a indiqué au journal britannique que les entretiens préalables à l’octroi de l’asile avaient repris à la fin du mois de juillet et que le ministère s’efforçait « de faire progresser le plus grand nombre possible de dossiers ».
Ce n’est pas la première fois qu’une joueuse d’échecs iranienne change d’allégeance après avoir refusé de porter le hijab. En octobre 2017, une femme avait été exclue de l’équipe nationale iranienne parce que, selon les autorités, elle s’était rendue à un tournoi international sans porter le voile islamique. Elle avait rejoint alors l’équipe des Etats-Unis.
L’agence de presse semi-officielle ISNA avait indiqué, à l’époque, que Dorsa Derakhshani avait refusé de porter le hijab au cours d’un championnat qui avait eu lieu au mois de février de la même année à Gibraltar.
Depuis la Révolution islamique de 1979, l’Iran exige des femmes qu’elles portent le hijab dans les espaces publics.
Selon le Telegraph, des femmes ont été arrêtées, placées dans l’obligation de faire des aveux devant les caméras de télévision, emprisonnées et même torturées pour ne pas avoir porté le hijab en Iran.
L’année dernière, trois femmes ont été condamnées à 55 années de prison au total parce qu’elles ne portaient pas le hijab, a noté le journal.