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Une école pour enfants en situation de handicap réunit Haredi et Juifs laïcs à Londres

L’école Gesher complète l’offre éducative en proposant un environnement stimulant et dans lequel les parents ont toute leur place

Un professeur apaise un élève lors d’un spectacle de théâtre à l’école Gesher à Londres, le 7 mars 2022. (Crédit : Cnaan Liphshiz / la JTA)
Un professeur apaise un élève lors d’un spectacle de théâtre à l’école Gesher à Londres, le 7 mars 2022. (Crédit : Cnaan Liphshiz / la JTA)

LONDRES (JTA) – Lorsque son fils a été diagnostiqué autiste, Ali Sultman a été confrontée à un choix difficile.

Pour lui donner l’éducation juive à laquelle sa famille est attachée, elle avait le choix entre l’inscrire dans une école traditionnelle inadaptée à ses besoins ou dans ce qui était alors la seule école juive de Londres pour enfants ayant des besoins spéciaux.

Cette dernière, Kisharon, prend essentiellement en charge des enfants souffrant de handicaps plus graves que celui de son fils.

« Comme beaucoup d’autres, nous avions besoin d’une option intermédiaire qui n’existait tout simplement pas à l’époque », explique Sultman, 45 ans, mère de trois enfants, ex-cadre dans les assurances.

Avec l’aide d’une autre mère moderne orthodoxe, rencontrée dans une cour de récréation en 2013, elle décide de créer une nouvelle école juive appelée Gesher, « pont » en hébreu.

Depuis son ouverture en 2017, l’école répond à un besoin qui n’était pas couvert, en dépit des nombreuses solutions éducatives juives offertes à Londres. Elle est en outre devenue un des rares établissements à mettre en présence des familles juives d’observance religieuse très différente.

Gesher accueille des élèves de communautés haredi insulaires qui n’auraient normalement jamais fréquenté les yeshivot non haredi, et des enfants de foyers laïcs. L’ambition de l’école est que l’ensemble des élèves se sente à l’aise, dans une approche orthodoxe moderne.

« Les communautés haredi sont très méfiantes des influences extérieures.
Il est rare de voir des Juifs Haredi avec d’autres Juifs », confie Josh Aaronson, journaliste juif basé à Manchester et militant pour les personnes handicapées, issu d’un foyer Haredi et souffrant lui-même de troubles du spectre autistique.

« Dans les restaurants à la limite – à des tables séparées – mais les enfants, eux, ne se mélangent pas. Un endroit comme Gesher est très, très rare. »

École à taille humaine située dans le nord-ouest de Londres, accueillant une cinquantaine d’élèves âgés de 4 à 12 ans, Gesher est en quelque sorte la preuve vibrante des lacunes des externats juifs de Londres. Beaucoup d’entre eux ne peuvent pas prendre correctement en charge les élèves atteints d’autisme, de troubles de l’attention et autres troubles de l’apprentissage.

Cette nouvelle école s’ajoute aux programmes toujours plus nombreux qui suggèrent que l’enseignement juif prend l’éducation spécialisée de plus en plus au sérieux.

À l’instar de Shefa, école juive fondée en 2014 à New York, qui accueille des enfants souffrant de troubles du langage, Gesher vise à faire en sorte que la prise en charge des handicaps ne soit pas synonyme d’abandon d’une éducation juive.

Installée dans les murs de l’école Moriah, récemment fermée, Gesher a hérité de locaux spacieux avec des salles de jeux et un grand auditorium, ainsi que d’un formidable dispositif de sécurité, caractéristique de la plupart des écoles juives, compte tenu du regain de tensions antisémites.

Le nouveau bâtiment dans lequel l’école a emménagé en 2020 est à mille lieux du petit bâtiment d’un étage dans lequel elle a ouvert ses portes.

« C’est spacieux mais cela ressemble à une école normale, ce qui contribue à créer un sentiment de normalité dont beaucoup de nos élèves ont besoin », explique Tamaryn Yartu, directrice de l’école, née en Afrique du Sud et qui, comme beaucoup de membres du personnel, n’est pas juive. Une de ses élèves, se souvient-elle, a récemment dit, avec beaucoup de fierté, que Gesher « ressemblait à l’école de son frère ».

Naturellement, les salles de classe de Gesher sont adaptées aux élèves. Les coussins oscillants, par exemple, ne sont jamais trop loin, et les chaises ont des élastiques aux pieds – système développé par l’école pour prendre en charge l’agitation et aider les enfants atteints de TDAH et problèmes similaires à s’asseoir et rester assis. Il y a aussi souvent un animal à Gesher – généralement un chien – que les bénévoles et le personnel font venir pour que les enfants puissent interagir, sous forme de thérapie. Le site internet de l’école revendique la présence d’un membre du personnel canin : un cockapoo de thérapie stagiaire nommé Puplinda Gurney.

Lors d’un récent spectacle, « Les habits neufs de l’empereur », production qui fait partie du festival de théâtre Spoek Ivrit pour les écoles juives britanniques, organisé par la branche britannique du Fonds national juif, (FNJ/KKL), les enfants qui avaient du mal à rester assis ont été autorisés à « se détendre », comme le qualifie un enseignant, dans un coin salon jusqu’à ce qu’ils soient prêts à revenir.

Des élèves de l’école Gesher de Londres regardent un spectacle de théâtre, le 7 mars 2022. (Crédit : Cnaan Liphshiz / la JTA)

Lorsqu’un enfant était trop perturbateur, un enseignant l’accompagnait jusqu’à l’un des multiples espaces de jeu de l’école. Une fille portait des écouteurs destinés à atténuer sa sensibilité aux bruits.

Les acteurs israéliens avaient été informés que Gesher était une école spécialisée, et ils ont adapté la représentation en conséquence, pour que les enfants participent. On les a encouragés à crier les réponses aux questions posées par les acteurs.

Les spectacles et événements spéciaux sont l’occasion de trouver un terrain d’entente « entre enfants d’origines différentes, comme ceux de Gesher », explique Samuel Hayek, président du FNJ-Royaume-Uni, à la JTA. « Ces événements sont inclusifs, responsabilisants et la participation de Gesher est un vrai succès, de notre point de vue », ajoute Hayek.

L’école a changé la vie de beaucoup d’élèves – et de leurs parents.

Le fils de Durban se sentait « très mal » à l’école juive qu’il fréquentait avant la création de Gesher, en 2017, confie-t-elle. « Il était isolé » au sein de sa classe, qui ne comptait qu’un seul autre enfant avec des besoins spéciaux.

« Il était malmené parce qu’il était différent. Cette expérience l’a marqué », ajoute Durban. Elle qualifie cette époque, avant Gesher, « d’années sombres ».

Gesher est une école privée dont les frais de scolarité annuels s’élèvent à environ 45 000 dollars. De nombreux parents ont pris des dispositions pour que les frais de scolarité soient remboursés ou payés directement par leur conseil municipal qui, au Royaume-Uni, accorde des subventions pour l’éducation spécialisée aux personnes éligibles.

Le programme de l’école combine un programme requis par le ministère de l’Éducation britannique, connu sous le nom d’Ofsted, les Études juives et hébraïques et des séances de thérapie pour aider les enfants à développer leurs propres techniques pour faire face à la fois à leur handicap et aux apprentissages, précise Yartu.

« De nombreux parents souhaitent préparer leurs enfants à venir à la synagogue sans poser de problèmes », confie-t-elle. « Mais écouter quelqu’un parler pendant une heure, c’est demander beaucoup à un enfant qui a des problèmes d’attention. Cela demande beaucoup de travail et de préparation. »

L’approche de Gesher, faite de petits effectifs et d’un personnel nombreux – il y a presque autant de membres du personnel que d’élèves – attire les parents au-delà de la communauté orthodoxe moderne.

Les Feldman, parents haredi du nord de Londres dont le fils de 8 ans est inscrit à Gesher depuis janvier dernier, expliquent que leur enfant était malheureux dans son école Haredi. La mère accepte d’être identifiée sous son seul nom, pour des questions de confidentialité. Le couple dépensait des milliers de dollars en séances de thérapie qui ne semblaient pas beaucoup aider leur fils, explique-t-elle. Le couple a longtemps hésité à envoyer le garçon à Gesher, qui, selon eux, ne répondait pas aux normes religieuses de leur communauté.

« C’est moins strictement orthodoxe. Ce n’est pas ainsi que j’ai été élevée, et cela a été une décision difficile pour nous », confie-t-elle. L’école Haredi où les Feldman avaient inscrit leur fils leur a recommandé de le transférer à Gesher et le rabbin du couple a approuvé le changement, précise-t-elle. Mais quitter le système éducatif haredi et s’habituer à la nouveauté a pris un peu de temps.

« Une fois cette étape surmontée, nous avons réalisé que nous n’agissions pas pour nous mais pour notre enfant », explique la mère. « C’est ce qu’il fallait faire pour qu’il soit heureux et confiant, et soit un membre à part entière de la société. »

Le soulagement a été presque instantané.

« Dès la première semaine chez Gesher, il semblait heureux. Il s’est épanoui comme je ne l’avais jamais vu auparavant. Il est tellement confiant, en classe, et il a des amis pour la toute première fois de sa vie. Il évolue enfin dans un environnement qui le comprend », assure Feldman.

Pour la première fois de leur vie, les Feldman se sont fait des amis qui ne sont pas Haredi – un couple moderne orthodoxe dont l’enfant fréquente également à Gesher et qui vit près de chez eux. « C’est un peu inévitable parce que c’est une petite école et qu’il y a une communauté de parents à laquelle nous appartenons maintenant », explique-t-elle.

À l’autre extrémité du spectre de l’observance, Pamela Sneader, juive née à Glasgow et mère de deux enfants, indique à la Jewish Telegraphic Agency que sa fille, Daisy, va à Gesher « parce que c’est une excellente école spécialisée, pas parce que c’est une école juive. C’est un bonus. »

Sneader est arrivée à Gesher après que plusieurs écoles lui ont dit qu’elles n’étaient pas capables de prendre en charge sa fille autiste.

« Je suis venue voir Gesher et on m’a dit : ‘Pas de problème, nous pouvons la prendre en charge’, ce qui a été un énorme soulagement. Ma fille s’épanouit, elle est plus confiante, a des amis pour la première fois de sa vie », explique Sneader.

Après sa visite à Gesher, cette année, Aronson, 36 ans, est reparti en regrettant qu’une telle école n’ait pas existé quand il était enfant.

« J’ai été malmené par les enseignants et les élèves de l’école Haredi que j’ai fréquentée », confie Aronson, qui a 13 frères et sœurs et dont le père est rabbin. « Personne ne savait ce que j’avais. J’aurais bien eu besoin du genre de soutien que prodigue Gesher. »

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