Une expo d’art contemporain qui transporte dans le « nombril » de l’ancienne Jérusalem
'Umbilicus' a ouvert ses portes dans le Kishle, ancienne prison du mandat britannique et lieu de fouilles archéologiques qui fait partie intégrante du musée de la Tour de David

Construit il y a de cela près de 200 ans pour servir de base militaire aux Ottomans, puis utilisé comme prison pendant le mandat britannique, le Kishle, qui fait partie du complexe rénové de la Tour de David de Jérusalem, est depuis fort longtemps un chantier de fouilles archéologiques qui a permis de nombreuses découvertes dont les plus anciennes datent de l’époque du Premier Temple.
Aujourd’hui, il accueille sa première exposition d’art, « Umbilicus », orchestrée par Adina Kamien et Malu Zayon, et propose un dialogue entre archéologie et œuvres contemporaines.
« Ici, tous les sens sont en éveil », explique Kamien au Times of Israel à l’occasion d’une visite de l’exposition à quelques jours de son inauguration, le 9 juillet dernier. « Travailler dans ce lieu qui a plus de 2 800 ans d’existence est un rêve. »
Le seul fait de pénétrer dans le Kishle, ce long espace en forme de dôme aux faux airs de cathédrale, est une expérience enivrante.
Un coup d’œil en direction des murs supérieurs permet de voir les anciennes cellules utilisées pour détenir les prisonniers, revêtues de graffitis tracés par des membres d’organisations juives clandestines pendant la période du mandat britannique.
Ces 20 dernières années, les archéologues de l’Autorité des antiquités d’Israël ont beaucoup creusé dans les profondeurs, jusque sous le mur massif qui date de l’époque des rois de Judée et du Premier Temple.

Kamien et Zayon y ont ajouté des œuvres qui évoquent le passage du temps, exposées dans ce lieu étroit et voûté.
On y trouve des peintures complexes à l’huile sur tissu de Lihi Turjeman, un lustre suspendu de Hannan Abu-Hussein qui capte la lumière du soleil à travers les fenêtres hautes, sur les murs épais, les jarres en céramique faites main de Yehudit Sasportas sculptées de forêts marécageuses et de tourbillons d’encre, sans oublier les œuvres vidéo et audio de Sharon Balaban, Sahar Azimi, Merav Shinn Ben-Alon et Matan Daskal, installées dans des niches.
Ces œuvres n’ont pas été commandées pour « Umbilicus », précise Kamien : elles ont été choisies pour leurs références contemporaines et le dialogue qu’elles instaurent avec ce lieu ancien.
« J’ai essayé de donner de la cohérence », explique Kamien, « en regardant Jérusalem comme l’ombilic, le centre du monde, l’endroit où le monde s’est créé pour trois religions. »
L’ombilic, ou nombril, est un thème qui revient souvent dans les œuvres exposées ici, que ce soit dans les peintures planétaires et cartographiques de Turjeman, les urnes arrondies de Sasportas, la série de dessins du nombril de Shinn Ben-Alon ou l’installation vidéo de Balaban, « Navel Balloon », qui simule le lien entre mère et fœtus.

Les tapisseries de Turjeman semblent faire partie des murs massifs et écaillés du Kishle, car ses œuvres combinent souvent ses peintures avec des pigments provenant de bâtiments en cours de démolition, de façon à instaurer un dialogue avec les traits architecturaux d’un lieu.
Le lustre d’Abu-Hussein, à l’instar d’une autre installation, sont faits avec des dizaines de paires de collants, évoquant des silhouettes de membres nus, fragiles et abîmés, pour mieux parler de l’oppression des femmes au sein du monde arabe.
Et pourtant, ils ont bel et bien l’air d’appartenir à cet espace souterrain, fait remarquer Kamien.

Eilat Lieber, directrice du musée de la Tour de David, a attendu six ans pour que les travaux de rénovation du musée se terminent et un an de plus pour le nouvel escalier qui mène au bâtiment Kishle.
Elle a également dû obtenir l’autorisation de l’Autorité des antiquités d’Israël pour organiser une exposition alors que se tiennent toujours en ce lieu des fouilles archéologiques.
« Ils n’aiment pas trop l’idée qu’il y ait une exposition ici, mais cela leur plait dans la mesure où cela attire du public », explique Lieber. « Ils étaient en plein travail », ajoute-t-elle, comme en témoignent les sacs de sable situés tout en bas du Kishle, visibles depuis la plate-forme solide que les visiteurs empruntent pour évoluer dans cet espace, « mais c’est ce qui le rend si intéressant. Nous tous, à la Tour de David, voulions ce dialogue. »
En bas, visibles depuis la passerelle, se trouvent les images de Sahar Azimi projetées sur le sol du Kishle et jusque dans ses citernes. Cette chorégraphie, filmée à la mer Morte, présente les lumières vacillantes de dix danseurs, à la manière d’une eau en mouvement sur le sol en pierre ancienne.

Partout, les sons de Daskal sont à la fois doux et solennels, venus de haut-parleurs comme implantés dans le bâtiment, enveloppant les œuvres d’une couche supplémentaire de sens.
Dans l’ensemble, explique Kamien, elle souhaite que l’exposition soit une sorte de refuge pour les visiteurs, loin des tensions et de la tristesse de ces neuf derniers mois de guerre.
« Que l’on ait un peu d’évasion, un peu de répit », poursuit Kamien, qui enseigne également à l’Académie des arts et du design Bezalel. « J’ai réfléchi, ici et en travaillant chez Bezalel, sur la nécessité de se connecter ou non à l’époque. Impossible de faire un pas sans y penser. »
Selon Lieber, certains visiteurs viennent à la Tour de David chercher des réponses aux problèmes posés par l’histoire et parfois même du réconfort, tout en sachant que la vie continue.
« Je sais que nous avons tous beaucoup de questions depuis le 7 octobre et qu’il nous faut trouver un nouveau sens à notre existence ici », analyse-t-elle.
« L’archéologie et l’art sont éternels », affirme Lieber. « C’est tout ce qui reste de l’esprit humain », conclut Kamien.
« Ombilic », jusqu’au mois de novembre, au musée de la Tour de David, à Jérusalem.
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