Une famille israélienne ravie de son confinement en Nouvelle-Zélande
Bien que leur voyage de rêve ait été terni par l'apparition de la pandémie, la famille Shabtai affirme que la réponse du gouvernement a été - bien - meilleure qu'en Israël
En décembre dernier, Noa et Ilan Shabtai, propriétaires d’une petite entreprise de Ramat Gan, ont embarqué pour leurs vacances de rêve en Nouvelle-Zélande avec leurs trois enfants. Ils avaient prévu un long voyage avec beaucoup de déplacements, mais les choses ont rapidement changé avec l’apparition de la pandémie de coronavirus.
Aujourd’hui, après avoir passé des mois en Nouvelle-Zélande pendant la période de confinement, la famille n’a pas une petite estime pour son pays d’accueil. Début juin, le gouvernement néo-zélandais a annoncé que le virus avait été efficacement éradiqué au niveau local.
« Tant que la dernière personne infectée n’a pas reçu de certificat de santé, le pays entier est resté sous restrictions », rapporte Noa Shabtai lors d’un appel vidéo depuis la Nouvelle-Zélande avec Zman Yisrael, le site jumeau en hébreu du Times of Israel.
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« Même avec zéro nouveau malade. Où que nous allions, nous devions d’abord nous enregistrer avec l’application Covid-19, afin que les autorités puissent nous suivre. C’était incroyable de voir comment, jusqu’à la toute dernière minute, tout le monde respectait la règle des deux mètres d’éloignement dans les espaces publics et suivait toutes les directives », décrit M. Shabtai.
Le pays continue à être vigilant. Lors d’une conférence de presse tenue mercredi, la Première ministre Jacinda Ardern a souligné : « Pour éviter une deuxième vague de Covid-19, nous devons continuer à être sur nos gardes ». Dans le même temps, elle a qualifié la Nouvelle-Zélande de « refuge dans un monde très dangereux ».
Une description avec laquelle la famille Shabtai semble d’accord.
Avant le voyage, les parents ont retiré leurs trois enfants de l’école et de la maternelle. L’aînée, une fille nommée Liri, est en CM2 et les jumelles, Gali et Ophir, ont 5 ans. Les parents ont engagé du personnel pour gérer leurs entreprises en Israël et ont commencé à travailler à distance. Ilan est propriétaire d’une entreprise de réparation de piscines ; Noa est réalisatrice de films, dramaturge et propriétaire d’une école d’acrobatie aérienne.
Après leur arrivée en Nouvelle-Zélande, ils ont acheté une voiture et une caravane et ont commencé à se rendre dans le sud du pays. En janvier, lorsqu’ils ont appris la nouvelle de l’apparition du virus en Extrême-Orient, ils ont continué à voyager. Il en a été de même lorsque le virus a frappé Israël en février.
« Nous avons suivi avec inquiétude les informations en provenance d’Israël, mais nous ne pensions pas que quelque chose d’important allait arriver en Nouvelle-Zélande », indique Noa. « Il n’y a eu qu’une poignée de cas et le rythme de propagation de la maladie a été très, très lent par rapport à Israël ».
Noa indique que selon les informations du ministère israélien de la Santé, les porteurs confirmés de coronavirus en Israël se sont souvent rendus dans des dizaines d’endroits par jour avant le diagnostic. En Nouvelle-Zélande, à l’inverse, la plupart des personnes infectées étaient chez elles et ne sortaient que rarement pour rencontrer leur famille ou leurs amis.
La Nouvelle-Zélande a une population de 5 millions d’habitants, contre plus de 8,6 millions en Israël, mais sa superficie est plus de 100 fois supérieure.
« Il n’y a pas de densité de population ici, les espaces en plein air sont immenses, et le taux d’infection est donc très lent », a-t-elle déclaré. « Mais c’est aussi lié aux différentes mentalités d’Israël et de la Nouvelle-Zélande. Ici, les gens sortent surtout pour rendre visite à des amis ou pour être dans la nature. Ils ne sont pas des consommateurs et n’ont pas la culture du shopping dans les centres commerciaux. Je me suis renseignée et j’ai vu qu’il y a au total deux magasins H&M dans tout le pays ».
Un changement soudain
En Israël, une fois que le nombre de patients Covid-19 a atteint un total de 2 170, les écoles de tout le pays ont été fermées, tout comme les lieux de divertissement. Les rassemblements de plus de 10 personnes ont été interdits. A la même date, alors que le nombre de personnes atteintes de coronaropathie n’était que de 100, la Nouvelle-Zélande a fermé ses frontières aux étrangers et imposé une quarantaine de 14 jours à tous les ressortissants rentrant au pays.
Le gouvernement néo-zélandais a immédiatement adopté une position ferme et sans équivoque sur toutes les questions relatives au confinement : 10 jours après avoir fermé ses frontières aux étrangers, la Première ministre Ardern a annoncé que le pays allait entrer dans une période de confinement. Elle a donné aux citoyens 48 heures pour se préparer. La famille Shabtai s’est donc retrouvée dans l’embarras.
« Nous avons suivi ce qui se passait en Israël tout au long de l’année et nous nous sommes dit qu’à un moment donné, ils allaient aussi boucler ici, mais nous ne savions pas quand », commente Ilan. « Quand nous sommes arrivés à Wanaka, dans l’île du Sud, dans une région montagneuse entourée de glaciers, nous avons dû prendre une décision. S’il devait y avoir un confinement, nous pouvions soit aller en ville et louer un appartement, soit essayer de prendre l’un des vols de secours qui retournaient en Israël ».
Finalement, la famille a décidé que la meilleure solution était de se réfugier dans la ferme du frère d’Ilan à Whangarei, dans l’île du Nord, où il vit avec sa femme et ses enfants. Le voyage de la ferme à Wanaka avait pris quatre mois à la famille ; le retour – quelque 1 600 kilomètres – leur a pris quatre jours.
« Nous étions dans une course contre la montre, essayant de nous rendre chez notre famille avant que le confinement n’entre en vigueur, et la Nouvelle-Zélande était un désastre colossal. Comme tout le monde dans ce pays est toujours en déplacement, les routes étaient encombrées de gens qui rentraient chez eux et le service de ferry reliant les îles du nord et du sud était si plein qu’il était difficile de trouver de la place. Tout le monde se précipitait sur les magasins d’alimentation et les rayons étaient vides », rapporte Noa.
« Nous avions peur d’être loin de chez nous dans un moment comme celui-ci. Nous avions particulièrement peur que si le système de santé s’effondrait, nous soyons traités comme des étrangers plutôt que comme des citoyens et que si nous tombions malades, nous ne recevions pas les soins médicaux nécessaires », confie-t-elle.
Ils ont atteint Whangarei au milieu de la nuit, quelques heures après le début du confinement, et sont allés dormir dans un parc à caravanes en ville. A l’aube, ils ont été réveillés par des policiers qui leur ont demandé de dégager la zone.
La Nouvelle-Zélande est passée d’une liberté presque totale à une fermeture presque totale en l’espace de deux jours. Le système éducatif a été fermé, ainsi que tous les lieux de divertissement et tous les transports publics. Tous les travailleurs, sauf ceux jugés essentiels, ont été renvoyés chez eux, et les gens n’ont été autorisés à sortir dans les espaces publics que pour acheter de la nourriture et des médicaments, bien que l’exercice en plein air, dans la nature, fut autorisé.
Dès que la famille Shabtai arriva à la ferme du frère de l’Ilan, perchée entre les montagnes et la mer, toutes ses craintes et ses préoccupations se dissipèrent.
« Je suis heureuse que nous ayons choisi de surmonter le confinement à la ferme plutôt que dans un appartement à Ramat Gan », commente Noa. « C’est vert partout autour de nous, il y a un ruisseau et quelques vaches dans les pâturages, quelques poulets et lapins dans l’herbe. Les enfants étaient heureux et je n’ai guère ressenti le besoin de me promener en dehors de la ferme. J’étais libre de me promener dans les environs et d’aller à la plage – mais pas de me baigner, ce qui était interdit ».
Le calme de la Première ministre
Tout au long du confinement, a déclaré la famille, les prévisions pour l’avenir et les instructions transmises au public ont été données en termes clairs – un contraste frappant avec la situation en Israël, selon eux. La Nouvelle-Zélande a été l’un des rares pays au monde à ne pas recommander au public de porter des masques sur la bouche et le nez.
Alors que de nombreuses études ont montré que les masques utilisés conjointement avec la distanciation sociale peuvent être un prophylactique efficace contre la transmission du coronavirus, la communauté scientifique n’a pas réussi à trouver un consensus au départ. L’Organisation mondiale de la santé n’a commencé à recommander le port de masques par le grand public qu’en juin.
Maintenant installés, Noa et Ilan se sont attelés à la tâche de l’apprentissage à distance.
« Jusqu’à notre arrivée à la ferme, nous n’étions pas très stricts quant au suivi des études, mais pendant le confinement, nous avons terminé toutes les leçons que les enfants étaient censés avoir appris dans les matières qui nous importent le plus – l’hébreu, les mathématiques et l’anglais », explique Noa.
« La Première ministre [de Nouvelle-Zélande] a prononcé des discours calmes et déterminés, et tous les citoyens ont suivi ses conseils. On nous a toujours dit combien de temps durerait chaque étape. Nous savions que le confinement serait de quatre semaines, et qu’ensuite il y aurait une annonce concernant l’assouplissement des restrictions », indique-t-elle.
Dans l’intervalle, le pays a placé ses services de santé en état d’urgence. Cela s’est avéré inutile. La belle-sœur de Noa et Ilan, Laura Shabtai, est infirmière aux urgences de l’hôpital local de Whangarei. Jusqu’à récemment, dit-elle, elle s’ennuyait pendant ses gardes.
« L’activité de l’hôpital a été réduite à 30 % et tous les patients qui pouvaient être libérés ont été renvoyés chez eux. Les personnes souffrant d’autres maladies n’arrivaient pratiquement pas aux urgences et le nombre de personnes atteintes de coronavirus, sur l’ensemble de la période, s’élevait à trois au total », rapporte Laura. « Les hôpitaux étaient vides et les urgences étaient vides. Ce n’est que récemment, une fois toutes les restrictions levées et le danger du coronavirus passé, que les urgences sont revenues à la normale et que les gens ont recommencé à venir ».
Le nombre de personnes infectées en Nouvelle-Zélande, au début du mois de juin, était de 1 500, pour 22 décès.
Laura, qui a travaillé pendant 15 ans comme infirmière et sage-femme au centre médical Soroka à Beer Sheva et à l’hôpital universitaire Hadassah à Jérusalem, compare les systèmes de santé israélien et néo-zélandais.
« Il y a des problèmes liés aux machines et procédures techniques qui sont plus avancées en Israël », décrit Laura, « mais en termes de soins aux patients, vous ne pouvez pas comparer l’attention accordée au patient ici et celle offerte en Israël ».
Elle explique que le traitement des patients, et en fin de compte leur satisfaction, n’est pas moins une priorité que leur santé. Le personnel traite les patients avec respect et leur parle franchement, leur expliquant leur état avec patience, volonté d’écoute et attention à leurs besoins.
« Je suis bien sûr consciente de la différence entre le centre d’Israël et la périphérie, les patients du centre [du pays] étant bien mieux traités que ceux de Beer Sheva. Mais en Nouvelle-Zélande, je travaille dans un hôpital périphérique et le traitement des patients est merveilleux », s’enthousiasme l’infirmière.
Il est vrai que le ratio patients/personnel, dit-elle, contribue au traitement individuel.
« En tant que sage-femme à Soroka, j’ai parfois dû m’occuper de trois naissances séparées simultanément. C’était épuisant. Ici, dès qu’une femme atteint le stade de la péridurale, elle a sa propre sage-femme personnelle, qui n’est là qu’avec elle », indique-t-elle.
Pas pressés de rentrer
Le coronavirus a forcé Ilan et Noa, comme le reste des propriétaires de petites entreprises en Israël, à faire face au contrecoup financier de la situation actuelle.
« C’est avec le cœur lourd que j’ai fermé l’école [d’acrobatie aérienne] pendant deux mois », se désole Noa. « Heureusement, nos frais de voyage sont bien moins élevés que ceux de notre séjour en Israël, car les indemnités ridicules que nous avons reçues du gouvernement [israélien] ne couvrent même pas l’impôt que je dois pour cette période ».
Ilan note une différence entre la façon dont les citoyens sont traités dans les deux pays.
« Pendant le confinement ici, les gens étaient calmes. Tous les travailleurs salariés savaient qu’ils seraient payés pour cette période, les propriétaires d’entreprises savaient qu’ils seraient remboursés et personne n’était pressé de retourner à la routine. Vous voyez l’attitude du gouvernement ici envers ses citoyens et vous sentez immédiatement la différence », commente-t-il.
« Même en tant que touristes, dès que cela a éclaté, nous avons reçu un message personnel nous informant que nous n’avions pas à nous inquiéter et que nos visas avaient été automatiquement renouvelés jusqu’au 25 septembre. Les touristes bloqués en Nouvelle-Zélande et faisant des pieds et des mains pour monter à bord des avions recevaient 300 dollars par semaine pour leur logement et leurs frais de subsistance », révèle-t-il.
Dès que le confinement a été levé, la famille a quitté la ferme et a continué à voyager dans l’île du Sud. Ils ne sont pas pressés de rentrer chez eux.
« Le plan initial était de revenir en juin, mais nous avons repoussé. Notre famille, nos amis et nos entreprises nous manquent, mais financièrement parlant, notre mode de vie ici est moins cher qu’en Israël. Tous ceux à qui nous avons parlé en Israël disent que les directives ne sont pas claires et que le coronavirus n’a toujours pas disparu », explique Ilan.
« Il est évident que la Nouvelle-Zélande se dirige également vers une période difficile, car son économie est basée sur le tourisme, mais dans l’état actuel des choses, c’est beaucoup plus sûr ici », estime-t-il.
La version originale de cet article est à retrouver en hébreu sur le site Zman Ysrael.
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