Israël en guerre - Jour 426

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Une ONG israélienne accuse Tsahal d’avoir violé son code moral à Gaza

Des témoignages rapportés par l'organisation Breaking the Silence évoquent l'usage excessif de la puissance de tir et les règles floues en vigueur lors du conflit de 2014

Elhanan Miller est notre journaliste spécialiste des affaires arabes

Entrainement de soldats de Tsahal de la Division de la frontière de Gaza, le 22 mars 2015 (Crédit photo: Porte-parole de Tsahal)
Entrainement de soldats de Tsahal de la Division de la frontière de Gaza, le 22 mars 2015 (Crédit photo: Porte-parole de Tsahal)

L’armée israélienne a tacitement changé ses valeurs fondamentales de temps de guerre lors du conflit de l’été dernier dans la bande de Gaza, en choisissant de minimiser le risque pour les soldats israéliens au détriment de la vie des civils palestiniens, a affirmé un institut de surveillance israélien dans un rapport publié lundi.

Breaking the Silence [Briser le silence], une organisation d’anciens combattants fondée en 2004 pour documenter et publier les fautes graves des soldats israéliens, a recueilli plus de 60 témoignages anonymes de soldats de Tsahal – allant jusqu’au rang de major – qui étaient actifs et en service pendant la guerre, connue en Israël sous le nom d’opération Bordure protectrice.

« L’armée israélienne a pris son code d’éthique et l’a jeté par la fenêtre, sans le dire aux soldats ou aux citoyens d’Israël », a déclaré au Times of Israel Avner Gevaryahu, un porte-parole de Breaking the Silence.

Le rapport, publié lundi, a brossé le tableau d’une armée israélienne qui a déployé sa puissance de tir de manière excessive pour « effrayer et dissuader les Palestiniens » dans le territoire contrôlé par le Hamas. Il fait état de règles floues d’engagement selon lesquelles les soldats sont autorisés à ouvrir le feu à volonté contre toute cible mobile dans des zones spécifiques. Il a également souligné l’utilisation massive de tirs d’artillerie imprécis à différents stades du conflit de 50 jours.

« Bien que des témoignages spécifiques existent concernant des actes répréhensibles de la part de soldats sur le terrain, l’image plus inquiétante concerne la politique systémique qui guide l’activité des forces de Tsahal dans les rangs et sur les champs d’opération », déclare le rapport qui comporte 111 témoignages individuels.

« Le principe directeur de la politique militaire – risques minimum pour nos forces, même au prix de nuire à des civils innocents – ainsi que la tentative d’effrayer et de dissuader les Palestiniens, a conduit à exposer à de graves périls, sans précédent, la population de Gaza et son infrastructure civile. Les décideurs auraient pu prédire ce résultat avant les combats, et étaient au courant de ce qu’il se déroulait. »

Un homme est assis dans une maison détruite dans le quartier Al Shejaeiya dans l'est de la ville de Gaza, le 28 août 2014 (Crédit photo: Emad Nassar / Flash90)
Un homme est assis dans une maison détruite dans le quartier Al Shejaeiya, à l’est de la ville de Gaza, le 28 août 2014 (Crédit photo: Emad Nassar / Flash90)

« L’opération a été réalisée dans le cadre d’une politique définie par les plus hautes autorités de commandement, qui a dicté un mode de fonctionnement pour les forces armées dont la moralité est sévèrement douteuse », poursuit le rapport.

L’armée israélienne a lancé une incursion terrestre dans la ville du nord de Beit Hanoun le 17 juillet, avec l’intention déclarée de freiner les tirs massifs de roquettes sur les communautés israéliennes et de détruire un réseau de tunnels transfrontaliers qui pouvait être utilisé pour lancer des attaques contre les soldats et les villes frontalières israéliennes.

Pendant l’opération, l’armée a lancé un appel aux civils palestiniens en leur demandant de quitter des régions entières de la bande de Gaza avant l’entrée des troupes israéliennes.

L’armée israélienne a opéré sous l’hypothèse que tous les civils avaient quitté les zones après avoir été averti par tracts et des appels lancés par haut-parleurs. Mais le témoignage d’un sergent dans l’infanterie a démontré que ce n’était pas nécessairement le cas.

Avant que les soldats n’entrent dans les maisons dans la bande de Gaza pour chercher les tunnels, un tank lançait un obus ou tirait avec une mitrailleuse sur les bâtiments. Mais dans une maison, en contrebas d’un tank, on a retrouvé des dizaines de civils qui se cachaient à l’intérieur.

« La première maison où nous sommes entrés, il y avait 30 à 40 gars [des Palestiniens] à l’intérieur. Nous avons créé une ouverture dans le mur extérieur en utilisant un type de dispositif avec des explosifs et nous sommes ensuite entrés à l’intérieur », a expliqué le soldat à Breaking the Silence.

« Cette maison là où nous sommes entrés n’avait pas été bombardée par un tank. Pour autant que je puisse dire, c’était une erreur ; elle était censée être [touchée]. Ils ont eu de la chance que cela n’ait pas été le cas. »

Des enseignantes palestiniennes portent une table dans une salle de classe dans une école du gouvernement dans la ville de Gaza, le 13 septembre 2014, un jour avant les enfants retournent à l'école  (Crédit : AFP / Mahmud Hams)
Des enseignantes palestiniennes portent une table dans une salle de classe dans une école du gouvernement dans la ville de Gaza, le 13 septembre 2014, la veille de la reprise de l’école (Crédit : AFP / Mahmud Hams)

Un major a évoqué la fréquence avec laquelle l’artillerie a été utilisée lors de l’opération.

« L’utilisation de l’artillerie sert à permettre aux troupes d’accéder [dans une zone] sans être blessées. Tout lieu épinglé par les renseignements ou qui est un espace ouvert, on leur tire dessus. Mais quand vous examinez combien de places ouvertes il y a à Gaza, vous y verrez qu’ils ne sont pas nombreux. Nous parlons de l’artillerie, mais la force aérienne frappe interminablement… l’armée de l’air sait comment cibler une maison dans une rangée de maisons, mais cela ne signifie pas que les maisons à proximité ne sont pas endommagées », explique-t-il.

Bien que l’armée israélienne ait lancé sa propre enquête interne sur les crimes présumés au cours des combats, accusant un certain nombre de soldats le mois dernier de pillage, Breaking the Silence a appelé Israël à ouvrir une commission d’enquête indépendante.

« Une enquête, pour être efficace et significative, doit être menée par un organisme externe et indépendant, avec les membres autorisés à examiner les échelons supérieurs de l’establishment de la sécurité et des responsables politiques. Toute autre enquête ne jettera la responsabilité que sur les rangs inférieurs et moyens », fait valoir le rapport.

La commission indépendante des Nations unies chargée d’enquêter sur le conflit de Gaza de 2014 doit présenter ses conclusions en juin, après avoir demandé un report de son échéance initiale qui était prévue en mars.

Les soldats israéliens dans une zone de déploiement près de la frontière avec la bande de Gaza le 25 août 2014 (Crédit : Yonatan Sindel / Flash90
Les soldats israéliens dans une zone de déploiement, près de la frontière avec la bande de Gaza, le 25 août 2014 (Crédit : Yonatan Sindel / Flash90

À la demande du Times of Israel, l’armée israélienne a présenté la réponse suivante au sujet du rapport :

L’armée israélienne s’est engagée à enquêter convenablement sur toutes les réclamations crédibles soulevées par les médias, les ONG, et les plaintes officielles concernant la conduite de Tsahal pendant l’opération Bordure protectrice, d’une manière aussi sérieuse que possible.

Aujourd’hui, comme par le passé, on a demandé à l’organisation Breaking the Silence de fournir les preuves ou des témoignages liés aux activités de Tsahal avant la publication [du rapport], pour que de véritables enquêtes soient menées. Malheureusement, comme dans le passé, Breaking the Silence a refusé de fournir à Tsahal les preuves de ces affirmations.

Pour des raisons évidentes, un tel comportement rend toute enquête menée par les organes pertinents de Tsahal impossibles, et ne permet pas que les allégations et les incidents soulevés soient traités d’une manière immédiate et appropriée.

Cette manière de collecter les preuves sur une longue période de temps et de refuser de les partager avec l’armée israélienne de telle sorte que cela permettrait une réponse adéquate et, si nécessaire, une enquête indique que, contrairement à ses prétentions, cette organisation n’agit pas avec l’intention de corriger les fautes qu’elle aurait découvertes, par conséquent, nous sommes incapables de répondre aux allégations soulevées.

Comme par le passé, l’armée israélienne appelle Breaking the Silence à se tourner vers les parties concernées de l’armée israélienne immédiatement après avoir reçu les plaintes et des preuves qui soulèvent des soupçons de mauvaises conduites ou des infractions, pour permettre qu’une enquête sur les faits puisse suivre son cours.

Il convient de noter qu’à la suite de l’opération Bordure protectrice, des enquêtes approfondies ont été menées, et les soldats et les commandants ont eu la possibilité de présenter leurs plaintes. Les incidents exceptionnels ont ensuite été transférés à l’avocat général militaire pour un complément d’enquête.

Breaking the Silence insiste sur le fait que tous les témoignages ont été vérifiés et validés afin de s’assurer de leur authenticité.

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