10 ans plus tard, l’ouragan Katrina submerge encore la communauté juive
La petite communauté juive de la Nouvelle-Orléans est repartie de zéro, après les dommages colossaux et le départ de la population
- Les membres du ZAKA en train de sauver les rouleaux de Torah de la Congrégation Beth Israël après que l'ouragan Katrina ait frappé, août 2005. (Crédit : ZAKA)
- La bibliothèque à la Congrégation Beth Israel a été détruite par l'ouragan Katrina. (Adam Magnus)
- De gauche, Bradley Bain, Bain Elliott et Yehuda Halper à la lecture de la Torah au Congregation Beth Israel à Metairie (Alexander Barkoff)
- Après l'ouragan Katrina, ce fut ce qui restait de l'enseigne centenaire de la célébration de la Congrégation Beth Israël. (Adam Magnus)
- L'extérieur de la Congrégation Beth Israël reconstruite à Metairie (Josh Tapper)
Nouvelle-Orléans (JTA) – En cet après-midi pluvieux au début de l’été, le rabbin Gabe Greenberg est sur la terrasse de la nouvelle synagogue Beth Israel, et raconte l’histoire du déluge qui a détruit le bâtiment du quartier de Lakeview de la congrégation orthodoxe.
La plupart des biens de la synagogue de 111 ans ont été ruinés par les 3 mètres d’eau qui ont envahi les lieux, lorsque l’ouragan Katrina a déclenché des inondations massives il y a une décennie ce mois-ci.
Les vestiges de plus de 3 000 de ses livres saints sont maintenant ensevelis sous un monticule de terre au cimetière Ahavos Sholem situé à proximité. Empilés les uns sur les autres dans une fosse à proximité, les parchemins désintégrés de sept rouleaux de la Torah qui n’ont pas survécu à la tempête.
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Ces souvenirs traumatisants n’ont pas disparu de l’esprit de cette congrégation vieillissante. Mais comme Greenberg est prompt à le souligner, la vue depuis la terrasse raconte l’histoire de sa survie.
En 2012, la Congrégation Beth Israël a érigé un nouveau bâtiment dans la banlieue nord-ouest de Metairie. Visible au-delà de la clôture de la cour, se trouve la synagogue réformiste « Portes de la prière », qui a prêté son espace à la congrégation au cours de ses sept années d’itinérance.
Et gravés dans les briques du patio, les noms des synagogues et des organisations juives dont les dons ont permis de maintenir la congrégation à flot.
Dans un sens, Beth Israel est emblématique de la façon dont la petite communauté juive de la Nouvelle-Orléans s’est remise du Katrina, à partir de zéro. Comme Greenberg, 33 ans, originaire du Massachusetts, qui a commencé son mandat l’année dernière, l’a déclaré : « Il y a beaucoup de fierté. »
Dix ans plus tard, de nombreuses parties de la Nouvelle-Orléans portent encore les cicatrices laissées par la tempête. Après la rupture des digues le 29 août 2005, les inondations ont englouti quartier après quartier, provoquant 100 milliards de dollars de dommages et le déplacement de plus de 400 000 personnes. Le plus dévastateur, cependant, fut le décès de 2 000 personnes dans la région côtière du Golfe.
Aujourd’hui, le Lower Ninth Ward, un quartier historique, pauvre et noir, où des centaines de maisons ont été démolies, des dizaines de lots vacants ont été envahis par la flore. La population de la ville, d’environ 465 000 habitants avant les évacuations pré-tempête, compte actuellement 384 000 âmes, malgré un taux de croissance positif depuis 2005.
Aucune victime juive n’a été signalée comme conséquence directe de l’ouragan Katrina, mais plus de 80 % des maisons juives ont été touchées et les dommages des institutions communales ont coûté au total 20 millions de dollars. La plupart des 9 500 Juifs de la ville ont fui la Nouvelle-Orléans, cherchant un abri chez des proches et des amis à Baton Rouge, Houston, Atlanta et dans d’autres villes à travers le pays.
Pour les Juifs de la Nouvelle-Orléans, les ravages ont été aggravés par une infrastructure communautaire déjà fragile des années avant la tempête, en proie à des objectifs de financement non satisfaits, un départ régulier des jeunes et une école en difficulté, confie au JTA le PDG de la Fédération juive Greater New Orleans, Michael Weil. La population juive a chuté à 5 200 âmes en janvier 2006, et il était incertain si les milliers de personnes parties reviendraient jamais. Katarina les a aidées dans leur décision.
Tandis que la communauté juive marque le 10e anniversaire du Katrina, l’anxiété a largement disparu. Il y a maintenant environ 10 000 Juifs dans la ville, environ 2 000 d’entre eux arrivés après 2007, lorsque la fédération a créé un programme offrant 1 800 dollars de subventions aux nouveaux arrivants, dont 81 % sont âgés de moins de 40 ans. Cela a contribué à rééquilibrer la perte des 1 800 personnes – évacuées – principalement des personnes âgées qui ne sont pas revenues.
Le taux de rétention, a écrit Weil dans un rapport de 2013, est de plus de 70 %. Depuis que « Avoda », une organisation nationale de services qui coordonne des stages à but non lucratif pour 10 Juifs d’âge collégial chaque année, a ouvert une succursale la Nouvelle-Orléans en 2007, « quelque 75 % de ses anciens étudiants » sont restés dans la ville après la fin de leur programme, selon le rapport.

D’autres groupes de jeunes adultes tels que « Moishe House », une organisation internationale qui finance un logement communal juif, et Limmud, organisant des événements d’études juives, ont enrichi le paysage juif de neuf synagogues, deux centres communautaires, deux écoles et quatre restaurants casher, dont un bar à gaufres qui a ouvert l’an dernier dans le quartier branché d’Uptown.
Beaucoup conviennent que reconstituer la communauté a ouvert un nouvel esprit de collaboration entre les institutions et confessions dans cette ville dominée par le mouvement réformiste. Comme Cait Gladow, une porte-parole de la fédération de la Nouvelle-Orléans, l’a dit : Katrina a eu un effet de « citrons pour de la limonade ».
Pendant les mois d’été, les synagogues réformistes locales – Touro, Temple Sinaï et les Portes de la prière – hébergeaient les prières du samedi matin en rotation pour les trois congrégations.
Avec le mouvement Loubavitch supervisant le seul mikvé de la ville, dit Greenberg au JTA, il est question que Beth Israël et Shir Chadash, une synagogue conservatrice de Metairie, unissent leurs forces pour construire une alternative.
Allan Bissinger, président de la fédération suite à l’ouragan Katrina, souligne que parmi les Juifs de la Nouvelle-Orléans, « il y a encore un sentiment communautaire persistant – c’est l’un des héritages de Katrina ».
En effet, la plupart des institutions juives de la ville ont récupéré complètement ou sont en bonne voie.
A Metairie, la Torah Academy Chabad, détruite par l’ouragan, a ouvert une installation de 5,7 millions de dollars l’an dernier.
A quelques rues de là, l’école communautaire, qui occupe une aile du Centre Goldring-Woldenberg et comprend une cafétéria casher, attend 37 étudiants en septembre. Le nombre est loin des 90 d’avant Katrina, mais représente une augmentation de 37 % par rapport à 2013, lorsque le mot « juif » a été retiré du nom de l’école dans une tentative controversée de recruter des étudiants issus de familles moins pratiquantes.
Alors qu’une enquête de 2010 de la fédération a révélé que 85 % des Juifs de la Nouvelle Orléans appartiennent à une synagogue – près de trois fois la moyenne nationale rapportée dans l’enquête Pew de 2013 – la fréquentation reste une source de préoccupation pour les rabbins de Crescent City.
David Polsky, l’énergique rabbin de 37 ans de Anshe Sfard, une congrégation orthodoxe, affirme que les jeunes Juifs sont devenus des fidèles au cours des dernières années, bien que la fréquentation le Shabbat atteint les 30 ou 40 fidèles.

Beth Israël n’a pas eu de minyan [10 personnes] quotidien depuis Katrina et attire un groupe d’environ 30 personnes le Shabbat, mais « le pouls [de la congrégation] est bon, » dit Greenberg, qui a passé un an à Hillel, de l’Université de Californie, Berkeley, avant de s’installer à la Nouvelle Orléans.
Selon lui, accueillir un minyan quotidien est un objectif à long terme, attirant les 20 ans et plus qui ont afflué à la Nouvelle-Orléans au cours des dernières années pour capitaliser le gonflement de l’économie post-Katrina.
Alors que les dirigeants juifs ont tourné leur attention vers des préoccupations plus quotidiennes, comme la fréquentation d’une synagogue, après une décennie de récupération, le sentiment de traumatisme et de perte profonde toujours ressenti est une partie indissociable de l’identité communale.
Pour les nouvelles arrivantes comme Jessie Wilson, 28 ans, la voie à suivre est difficile.
Quand elle est arrivée en 2012 de College Station, Texas, après que son mari, ingénieur, a été embauché par Shell, elle s’est sentie déconnectée du narratif de la perte et de la renaissance, surtout au Beth Israel, où elle est membre.
« Je souhaite qu’il y ait un autre sens au besoin communautaire d’être ici, en dehors du contexte de Katrina », dit-elle de son séjour à Metairie.
Pourtant, Wilson reconnaît que ceux qui ont perdu leurs maisons et leurs biens « puisent une énorme quantité de force dans le souvenir de ce qu’ils ont vécu, » et elle, à son tour, tire un grand réconfort dans le fait de savoir que si les Juifs de la Nouvelle-Orléans ont résisté à la catastrophe une fois, ils peuvent le faire de nouveau.
Lorsque Greenberg a postulé pour le poste à Beth Israel en 2013, le comité d’embauche a insisté pour qu’il comprenne combien Katrina fait encore partie de l’identité de la congrégation. Il compare certains des membres les plus âgés à des grands-parents se remémorant du vieux pays, non pas nécessairement de l’agonie du déplacement, mais de la nostalgie de la vie d’antan.
« Il existe un fossé entre les générations. C’est vraiment un schisme dans leur histoire », dit-il.
L’écart peut difficilement être décrit comme un conflit, mais il a laissé certains, y compris Wilson, peu certains sur la façon dont les Juifs de la Nouvelle-Orléans choisiront de se présenter, tandis que de plus en plus de nouveaux arrivants assumeront des rôles de leadership dans la communauté. Comme la majeure partie de la Nouvelle-Orléans, tous ceux qui étaient là en 2005 ont vécu une évacuation, essuyé des dommages de propriété ou pire, et souvent les deux.
« Personne ne veut se pencher sur le passé, faire le deuil, mais personne ne veut passer à autre chose, » dit Weil, président de la fédération.
Bradley Bain, ingénieur de 37 ans, a grandi à la Nouvelle-Orléans et est retourné à sa ville natale il y a trois ans dans le cadre du programme des nouveaux arrivants.
Il est émerveillé par la renaissance de la vie juive – sa femme travaille avec Hadassah et siège au conseil d’administration de l’Académie de Torah Chabad – mais s’inquiète que les répercussions de l’expérience du Katrina soit placée au centre de ce renouveau juif.
« Les gens ont peur de perdre quelque chose qui peut galvaniser la communauté aussi efficacement que cela », dit-il. « Nous devons changer nos énergies, d’une récupération suite au Katrina à une construction d’une communauté sans crise. »
Peut-être, se demande-t-il en un jour pluvieux à Metairie, si les Juifs de la Nouvelle-Orléans refermaient volontairement le chapitre du Katrina, la raison d’être de la communauté disparaîtrait. L’événement d’anniversaire de 10 ans du Katrina à Beth Israel le 23 août semble être un effort de tourner la page : il est appelé « 10 ans plus loin ».
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