21 photos inédites du ghetto de Varsovie trouvées dans un grenier polonais
Les photos de 1943 ont été prises en secret par un pompier polonais chargé d’empêcher les flammes qui engloutissaient le ghetto de se propager du côté aryen de Varsovie
- Flammes au-dessus du ghetto de Varsovie après la révolte, avril-mai 1943 (Crédit : Z. L. Grzywaczewski / d'après les archives familiales de Maciej Grzywaczewski, Musée POLIN)
- Juifs déportés du ghetto de Varsovie suite à la révolte d'avril-mai 1943 (Crédit : Z. L. Grzywaczewski / d'après les archives familiales de Maciej Grzywaczewski, Musée POLIN)
- Négatifs de photos prises par le pompier polonais Z. L. Grzywaczewski en 1943 (Crédit : Macieek Jazwiecki / Musée POLIN)
- Membres de la brigade de pompiers de Varsovie pendant l'occupation allemande de la Pologne (Crédit :Zbigniew Leszek Grzywaczewski)
Des clichés inédits de la répression brutale, par les nazis, du soulèvement du ghetto de Varsovie en 1943 ont été publiés lundi par POLIN : le musée de l’Histoire des Juifs de Pologne.
Prises en secret par un pompier polonais alors que l’armée allemande mettait le feu au ghetto juif, ces photos ont été retrouvées par le fils de ce pompier dans le grenier d’un membre de sa famille.
« Des photos prises par les Allemands constituent l’essentiel de la documentation photographique de l’Holocauste », ce qui fait qu' »aujourd’hui, nous imaginons le ghetto à travers leurs yeux », a déclaré l’historien de la Shoah Jacek Leociak, lors d’une conférence au musée de l’Histoire des Juifs Polin.
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Du coup, « cette pellicule est un document inestimable car elle dépasse cette perspective allemande, (…) cette perspective des bourreaux, qui photographiaient les juifs en tant que victimes déshumanisées, anonymes », ajoute-t-il.
Les photos ne représentent pas les combats. Sur une d’entre elles, prise d’en haut, un groupe de juifs – hommes, femmes et enfants – est escorté par les soldats allemands, armes à la main, vers Umschlagplatz, lieu de départ vers les camps d’extermination.
Sur une autre, dans une rue déserte, une fumée épaisse enrobe des bâtiments, des gravats et des câbles jonchent la chaussée. Sur la troisième, des pompiers éteignent les bâtiments en feu.
Le tout dégage une ambiance d’apocalypse.
« Ce sont les seules photos connues qui ne soient pas prises par les Allemands (dans le ghetto pendant l’insurrection) et qui ne soient pas faites à des fins de propagande », explique Zuzanna Schnepf-Kolacz, une des commissaires de l’exposition « Autour de nous, une mer de feu », qui les présentera au grand public à partir d’avril.
« L’image de ces personnes traînées hors des bunkers restera gravée dans ma mémoire pour le reste de ma vie », a écrit Zbigniew Leszek Grzywaczewski à propos des photos qu’il a prises alors qu’il était pompier et n’avait que 23 ans.
Le soulèvement, qui fut l’acte de résistance collectif le plus important des Juifs contre le régime nazi pendant la Shoah, se déroula du 19 avril (veille de la Pessah) au 16 mai 1943. Alors que 50 000 Juifs « civils » se cachaient dans des bunkers, des combattants juifs ont tenu tête à la plus puissante armée d’Europe pendant des semaines afin d’empêcher les forces allemandes de « liquider » le ghetto de ses derniers habitants.
Avec ses 700 combattants juifs et ses plus de 7 000 victimes juives, le soulèvement « a été la première révolte urbaine significative contre l’occupation allemande en Europe », selon le Musée de la Shoah des États-Unis. Au terme de cette révolte qui aura duré un mois, 42 000 Juifs ont été transportés vers des camps de concentration et de la mort.
Le ghetto de Varsovie avait été créé par les Allemands un an après l’invasion de la Pologne en 1939. Leur but était d’exterminer ses habitants par la faim et les maladies, ou de les déporter vers le camp de la mort de Treblinka, à 80 kilomètres à l’est de Varsovie.
Les photos de Grzywaczewsk constituent les seules images connues du lendemain de la révolte qui n’ont pas été photographiées par les responsables allemands. Certains de ses clichés étaient déjà connus des historiens avant la nouvelle découverte de son fils, mais des dizaines de nouveaux négatifs ont été retrouvés dans le grenier.

Son père tenait également pendant la guerre un journal. En mai 1943, il a écrit : « Je garderai, je pense, toute ma vie dans la tête l’image (…) des silhouettes chancelant de faim et d’effroi, sales, déchirées. De (ces gens) fusillés massivement, les vivants se prenant le pied dans les cadavres de ceux qui ont été abattus ».
Dans le « Stroop Report », un rapport qui a fait l’objet de nombreuses études, le commandant SS allemand responsable de la destruction du ghetto avait envoyé au quartier général de Berlin une série de photos illustrant la brutalité de l’opération de nettoyage qui avait suivi la révolte.
Ces nouvelle photos ont été découvertes par hasard, alors que Maciej Grzywaczewski, le fils du pompier/photographe, aidait le musée POLIN de Varsovie à préparer une exposition basée sur les photos de son père.
Dans l’une des boîtes de son défunt père, Grzywaczewski a trouvé les négatifs de 48 photos datant de la guerre. Parmi ces images, 33 photos sont des photos du ghetto, dont 21 n’avaient jamais été publiées.

Toutes les images inédites seront présentées en avril pour commémorer le 80e anniversaire du soulèvement lors de l’exposition temporaire du musée POLIN intitulée « Autour de nous, une mer de feu : le sort des civils juifs pendant le soulèvement du ghetto de Varsovie ».
En 1941, le photographe amateur Zbigniew Leszek Grzywaczewski a rejoint la brigade des pompiers de Varsovie.
Pendant la plus grande partie de l’occupation, la brigade opérait en dehors du ghetto dans la Varsovie aryenne. Au cours de la répression de la révolte juive, les Allemands ont chargé les pompiers de veiller à ce que les incendies à l’intérieur du ghetto ne se propagent pas aux quartiers aryens de la ville. Les Allemands mettaient systématiquement le feu aux bâtiments du ghetto pour en chasser les habitants et les insurgés qui s’y cachaient.
Pendant l’opération de destruction du ghetto par les Allemands au lance-flammes, qui a duré un mois, Grzywaczewski a subrepticement pris des photos entre ses tâches.

« Retrouver les négatifs c’est arriver à la source – le premier support original qui contient toutes les images et indique l’ordre dans lequel elles ont été prises », a déclaré Marta Dziewulska, porte-parole de POLIN.
« Nous découvrons des images du soulèvement que nous n’avions jamais vues auparavant, ou nous repérons de nouveaux détails et fragments d’images qui ont été coupés des tirages. L’histoire de leur auteur et le contexte dans lequel elles ont été prises sont tout aussi importants », a déclaré Mme Dziewulska.
Avant l’été 1942, plus de 400 000 Juifs avaient été enfermés dans le plus grand ghetto juif d’Europe. Après la déportation de la plupart des Juifs du ghetto de Varsovie vers le camp de la mort de Treblinka à l’été 1942, les groupes de résistance du ghetto se sont unis pour rassembler des armes et planifier la défense des habitants restants.
Les combattants juifs savaient qu’ils n’avaient aucune chance de gagner, mais – selon les sources primaires – résister aux nazis était une question d’honneur juif. Outre les témoignages des survivants, on sait beaucoup de choses sur la vie et la mort dans le ghetto de Varsovie grâce aux archives Oneg Shabbat, qui contiennent des documents enterrés avant la révolte.

Dans son journal, Grzywaczewski a documenté l’expérience qu’il a vécue pendant un mois à l’intérieur du ghetto en feu. Bien qu’il ne fasse pas référence à ses photographies clandestines dans son journal, les négatifs découverts par son fils témoignent des descriptions de Grzywaczewski sur les conséquences de la révolte.
« Nous savions qu’en tant que pompier, [notre père] avait contribué à éteindre les incendies du ghetto, tout comme nous savions qu’il avait participé à l’insurrection de Varsovie et qu’il avait alors été blessé », a déclaré Maciej Grzywaczewski, connu pour son activisme contre le contrôle soviétique de la Pologne.
« Cependant, mon père ne parlait pas [du soulèvement], tout comme il ne nous disait pas qu’il avait fait partie de l’Armée de l’Intérieur [clandestine]. Je pense que c’était une question de sécurité à l’époque communiste », a déclaré Grzywaczewski.
En août 1944, plus d’un an après la révolte juive, lors du soulèvement de Varsovie occupée contre le contrôle allemand, le père de Grzywaczewski était l’un des nombreux pompiers qui ont combattu pendant 63 jours pour libérer la ville. En réponse au soulèvement, les forces allemandes ont assassiné plus de 150 000 civils polonais dans des exécutions de masse, et 16 000 résistants ont été tués lors de combats contre l’armée allemande.

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