24e semaine de protestation en Israël contre la refonte judiciaire
À la veille du vote pour l'élection du nouveau chef du Barreau israélien, le chef intérimaire met en garde contre la "destruction de l'indépendance du pouvoir judiciaire"
Des dizaines de milliers de personnes ont participé samedi soir à des rassemblements à travers le pays contre le plan du gouvernement visant à affaiblir le système judiciaire, après une semaine marquée par un vote chaotique de la Knesset sur la commission de sélection des juges du pays et par la suspension, par les dirigeants de l’opposition, de leur participation aux négociations pour trouver un compromis.
La société d’estimation des foules CrowdSolutions, citée par la Treizième chaîne, a évalué à quelque 100 000 le nombre de personnes rassemblées à Tel-Aviv.
Le 24e week-end de manifestations, qui s’est déroulé dans quelque 150 endroits du pays, intervient également avant les élections prévues cette semaine pour élire le chef de l’Association du barreau israélien, qui est devenue un élément central du bras de fer entre les deux camps, une élection qui sera suivie de près par les deux parties.
Amit Becher, chef intérimaire de l’IBA, qui brigue un poste permanent, s’est adressé à la foule lors de la manifestation principale à Tel-Aviv, ainsi que l’ancienne ministre de la Justice et des Affaires étrangères, Tzipi Livni, pour ne citer qu’eux. De nombreuses personnalités de l’opposition ont participé aux manifestations organisées à travers le pays, notamment le chef de l’opposition Yair Lapid et le chef de Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman.
« Les événements de mercredi à la Knesset – la tentative de reporter la convocation de la commission [de sélection des juges] – sont une nouvelle preuve de la tentative de révolution contre laquelle nous nous battons depuis des mois », a déclaré Becher aux manifestants rassemblés.
« Une tentative visant à détruire l’indépendance du système judiciaire, à nommer des juges politiques, à contrôler le président de la Cour suprême et à détruire la démocratie ».
Il a affirmé que l’élection de son principal opposant, Efi Nave, à la tête de l’Association du barreau israélien donnerait au gouvernement « le contrôle total de la nomination des juges ». Efi Nave, qui a quitté son poste en 2021 à la suite d’un scandale sexuel, est perçu comme favorable aux objectifs de la coalition.
Livni a déclaré à la foule que la coalition « fait déjà avancer des décisions et des lois fascistes qui changeront à jamais le visage d’Israël ».
Le gouvernement propose « des lois qui suppriment l’égalité, qui établissent la suprématie religieuse sur les laïcs, la suprématie juive sur les Arabes et la suprématie des corrompus sur les juges », a déclaré Livni, qui portait un tee-shirt sur lequel était inscrit le mot « égalité ».
Ces manifestations font suite à une semaine politique agitée au cours de laquelle Lapid et le chef du parti de HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, ont suspendu leur participation aux négociations sur la réforme judiciaire à la résidence du président, alors que le ministre de la Justice, Yariv Levin, a juré d’essayer de faire avancer la législation de manière unilatérale.
L’annonce de MM. Lapid et Gantz est intervenue après la tentative du Premier ministre Benjamin Netanyahu de torpiller un vote visant à nommer deux membres de la Knesset à la commission de sélection des juges, organe essentiel que les partisans de la réforme judiciaire souhaitent remanier de fond en comble.
Netanyahu avait demandé à la coalition de voter contre les deux nominés à la commission, après avoir contraint tous les membres de la coalition, sauf un, à abandonner la course, ce qui aurait eu pour effet de reporter l’élection de 30 jours. Mais, plusieurs députés du Likud se sont révoltés et ont voté pour la candidate de l’opposition, la députée de Yesh Atid Karine Elharrar, laquelle a ainsi été élue. Le vote pour l’élection du deuxième député au sein de l’organe aura lieu dans les semaines à venir.
Des représentants de l’opposition ont dénoncé les tentatives de Netanyahu de manipuler la situation et d’empêcher la commission de sélection des juges de se réunir, raison pour laquelle ils ont suspendu les pourparlers jusqu’à ce que la commission puisse se réunir.
Le 20 juin, l’Association du Barreau d’Israël organisera un scrutin pour élire son nouveau dirigeant, une élection qui contribue à la division politique nationale, aggravée par le vote de la Knesset mercredi. Si Nave remplace Becher, qui assure l’intérim, il devrait nommer deux représentants favorables aux projets de réforme du gouvernement au sein de la commission de sélection des juges.
La composition de la commission de sélection des juges est au cœur des efforts déployés par la coalition pour accroître considérablement le contrôle politique sur le système judiciaire. Un projet de loi clé du plan de refonte remodèlerait la commission et donnerait au gouvernement une majorité automatique, lui conférant le pouvoir de déterminer la plupart des nominations judiciaires.
Ce projet de loi est sur le point d’être adopté et pourrait être soumis au vote final de la plénière de la Knesset à tout moment. Une telle action conduirait presque certainement à la reprise d’intenses manifestations de la population, comme ce fut le cas avant que la législation ne soit gelée en mars pour permettre des négociations sur un compromis largement accepté concernant la réforme du système judiciaire.
Des mois de discussions n’ont abouti à rien, et les pourparlers semblent désormais gelés pour les prochaines semaines, alors que la pression monte au sein de la coalition pour reprendre le travail législatif.
Les détracteurs de la réforme affirment que la loi révisée privera la Cour suprême de justice de son autorité de contrôle et de contre-pouvoir sur le parlement, ce qui érodera le caractère démocratique d’Israël et privera les minorités de toute protection. Les partisans de la réforme affirment que la législation est nécessaire pour contrôler ce qu’ils considèrent comme un pouvoir judiciaire trop intrusif.