6 % des violences commises par des résidents d’implantations sanctionnées – Yesh Din
Une étude sur 19 ans révèle que plus de 80 % des enquêtes ont été classées pour manquement de la police, témoignant d'une "politique israélienne délibérée"
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Une organisation israélienne a réalisé une étude portant sur des enquêtes de la police israélienne sur les violences commises par des Israéliens contre des Palestiniens en Cisjordanie, de 2005 à septembre 2023. Cette étude a permis de révéler que 94 % des enquêtes qu’elle a pu examiner ont été classées sans inculpation, et 3 % seulement ont abouti à une condamnation.
Dans plus de 80 % des enquêtes examinées, les affaires ont fini par être classées au motif que la police n’a pas réussi à identifier l’auteur des faits ou à trouver les preuves nécessaires pour poursuivre les coupables.
L’étude, réalisée par l’organisation Yesh Din, qui fait campagne contre la présence israélienne en Cisjordanie, a également révélé que les résidents palestiniens se méfient fortement des services israéliens chargés de l’application de la loi, et que 58 % des Palestiniens victimes d’un délit en 2023 ont choisi de ne pas signaler ce délit à la police.
L’étude est basée sur 1 664 enquêtes de police concernant des incidents de violence israélienne présumée contre des Palestiniens en Cisjordanie qui ont été suivies par Yesh Din entre 2005 et septembre 2023. Ce chiffre ne correspond pas au nombre total d’enquêtes de ce type ouvertes par la police, mais simplement à celles que Yesh Din a suivies. Il s’agit de tous les incidents pour lesquels l’organisation a reçu une procuration de la victime palestinienne présumée pour la représenter devant la police et les procureurs dans le cadre d’une procédure judiciaire, lui permettant ainsi de suivre le déroulement de l’enquête.
Le nombre total d’enquêtes policières au cours de cette période n’était pas disponible.
Ces conclusions surviennent alors que les violences liées dans les implantations se sont multipliées tout au long de l’année 2023 et que ces attaques ont connu une recrudescence encore plus grave au cours du premier mois qui a suivi l’attaque du 7 octobre sur le sud d’Israël par le groupe terroriste du Hamas. Cette situation a entraîné le dépeuplement d’une quinzaine de communautés rurales d’éleveurs palestiniens dans la vallée du Jourdain et les collines au sud de Hébron à la suite de violences et de harcèlements intenses commis par les habitants des implantations.
Yesh Din note dans son rapport qu’en vertu du droit international, les résidents palestiniens de Cisjordanie sont des « personnes protégées » qu’Israël a donc le devoir de protéger. Il ajoute que le manquement de l’État à ce devoir pendant une période aussi longue témoigne de son soutien au phénomène des attaques violentes contre les civils palestiniens.
« Le fait que cet échec systémique perdure depuis au moins vingt ans montre que l’État d’Israël normalise et soutient la violence idéologique perpétrée par les habitants israéliens des implantations contre les Palestiniens de Cisjordanie comme politique et en profite », a déclaré l’organisation.
La police n’a pas répondu à une demande de commentaire
L’organisation a déclaré que les données relatives à ces cas constituaient néanmoins « un échantillon unique, important et cumulatif » permettant d’analyser la réponse de la police israélienne aux crimes à motivation idéologique commis par des Israéliens en Cisjordanie.
Sur les 1 664 cas suivis par Yesh Din, 670, soit 40,3 %, concernaient des infractions violentes perpétrées par des civils israéliens contre des Palestiniens, à savoir des homicides, des agressions physiques, l’utilisation d’armes à feu, des jets de pierres, des menaces et l’abattage ou la mutilation d’animaux ; 772, soit 46,4 %, concernaient des infractions contre la propriété, tels que les incendie de maisons, de mosquées et de voitures, le vol, l’abattage d’arbres, la destruction de récoltes, les actes de vandalisme et les graffitis ; enfin, 222 cas, soit 13,3 %, concernent des incidents au cours desquels des Israéliens ont tenté de s’approprier des terres palestiniennes, en les clôturant, en y érigeant des structures ou en en bloquant l’accès.
Seules 1 615 des 1 664 enquêtes de police suivies par Yesh Din ont été menées à terme. 1 513, soit 93,7 % des affaires suivies, ont été classées sans chef d’accusation.
Des inculpations ont été prononcées dans 107 cas seulement, soit 6,6 %. (La différence de 0,3 % reflète les affaires qui ont été classées par la police mais rouvertes à la suite d’un appel de Yesh Din, et qui ont ensuite abouti à une mise en accusation).
Il est important de noter qu’environ 84 % des enquêtes de police ont été closes en raison de manquements de la police. Sur les 1 437 affaires dont les motifs de classement ont été communiqués à Yesh Din par la police, 921, soit 64%, ont été classées « auteur inconnu », c’est-à-dire que la police a constaté qu’un délit avait bien été commis mais n’a pas été en mesure d’identifier le coupable.
Dans 290 autres cas, soit 20 %, l’enquête a été clôturée sans mise en accusation pour « insuffisance de preuves », ce qui signifie qu’ici aussi, la police a déterminé qu’un crime avait été commis mais n’a pas réussi à rassembler les preuves nécessaires pour poursuivre le coupable.
162 autres enquêtes, soit 11,5 %, ont été closes parce que la police a conclu soit qu’aucune infraction pénale n’avait été commise, soit que l’infraction ne remplissait pas les conditions requises pour être poursuivie, et 64 autres enquêtes, soit 4,5 %, ont été closes pour diverses autres raisons.
Sur les 107 actes d’accusation déposés contre des Israéliens pour des attaques contre des Palestiniens en Cisjordanie entre 2005 et septembre 2023, 50 se sont terminés par une forme de condamnation, soit environ 3 % du total des enquêtes de police suivies.
« Le taux élevé d’échec indique un échec systémique et délibéré de longue date dans les réponses des forces de l’ordre aux crimes idéologiquement motivés contre les Palestiniens en Cisjordanie », dit Yesh Din.
« L’analyse des données recueillies par Yesh Din pendant 19 ans prouve que le système israélien d’application de la loi manque à son devoir de protéger les Palestiniens de violences [commises par des Israéliens]. »
« Cet échec se reflète tout au long de la procédure de gestion des crimes idéologiques commis par des citoyens israéliens contre des Palestiniens en Cisjordanie : prévention inefficace, enquêtes de police ratées, faibles taux de condamnation et peines indulgentes pour les criminels condamnés. »
« Le fait que cet échec systémique perdure depuis au moins vingt ans indique qu’il s’agit d’une politique délibérée de l’État d’Israël, qui normalise la violence idéologique des habitants des implantations contre les Palestiniens de Cisjordanie, la soutient et bénéficie de ses résultats. »