80 ans après, hommages à d’anciens combattants juifs de la Seconde Guerre mondiale
En ce 8 mai, Jour de la Victoire en Europe, découvrez l'histoire et les photos de ceux qui ont combattu aux côtés de l'Armée rouge contre les forces de l'Axe, pour la liberté

Comme pour beaucoup d’Européens, l’histoire de ma famille regorge d’histoires de guerre rapportées du front par mes grands-parents et mes oncles. Militairement parlant, ma généalogie remonte facilement à la Première Guerre mondiale et en 1940 mon grand-oncle a combattu les envahisseurs allemands dans l’infanterie, tandis que mon grand-père paternel a été le chauffeur particulier du commandant en chef de l’armée française, le général Maurice Gamelin.
Mon enfance a été bercée par leurs histoires, ce qui explique peut-être que, depuis que je suis photographe de guerre, je ne m’intéresse pas seulement aux guerres mais aussi aux anciens combattants des précédents conflits.
C’est dans ce contexte qu’un jour de 2004, j’ai eu l’idée de photographier des vétérans de la Seconde Guerre mondiale et de recueillir leurs témoignages. Ainsi, j’ai jeté les bases d’une œuvre qui, avec le temps, apportera quelque chose aux générations futures sur le plan de l’histoire.
Le premier sujet de ce projet photo m’est venu par hasard : je vivais alors à Santa Barbara, en Californie, et je commençais ma carrière de photographe au service de journaux du coin. J’avais rencontré le grand-père d’un ami qui avait été pilote dans le Pacifique : j’ai demandé à le photographier et à l’interviewer pour recueillir ses souvenirs. C’est ainsi qu’est né ce projet photographique qui m’a fait faire le tour du monde pendant plus de 10 ans.
En l’espace de six mois, j’ai rencontré et photographié des anciens combattants de plus de 15 nationalités, à commencer par de nombreux anciens combattants de l’Armée rouge d’origine juive qui avaient combattu sur le front de l’Est. Russes, Ukrainiens, Biélorusses : tous ont vécu des choses uniques sur le plan de la survie et de la résilience.
Cette série de portraits est un hommage à la mémoire de ces anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, de leur force, de leur sacrifice et de leur humanité, quatre-vingts ans après la fin de la guerre. En ce jour où nous célébrons le 80e anniversaire de la Journée de la Victoire en Europe, ces images sont un puissant rappel des personnes, aujourd’hui décédées, qui ont défendu la liberté dans l’une des périodes les plus sombres de l’histoire du monde. Voici leur histoire.
Leonid Rozenberg, Ukraine

« C’est par le plus pur des hasards que j’ai croisé mon père sur la ligne de front, lors de violents combats près de Varsovie, début 1945. Je n’en croyais pas mes yeux : je l’ai brièvement pris dans mes bras. »
Né en 1921 à Izwaslavl, en Ukraine, Leonid Rozenberg obtient son diplôme d’études secondaires en 1939 et sert dans l’armée en tant que lieutenant à Kiev. Envoyé dans l’ouest de la Biélorussie dans les rangs de la 20e division, il est blessé par les mitrailleuses allemandes mais il s’échappe et retourne sur le front du Caucase du Nord, où il est promu chef de compagnie d’artillerie.
Il livrera la bataille de Rostov et de Bielgorod et participera à la libération de Kiev en novembre 1943, avant celle de l’Ukraine, de la Pologne et de l’Allemagne. Il prend part aux combats lors de la libération de Varsovie, début 1945, et reçoit une médaille lors de la bataille de Boevogo-Krasnogo-Znameni. En 1945, près du front de Varsovie, Rozenberg croise son père, qui sera plus tard tué par les troupes allemandes parce qu’il était juif. Il livrera la bataille de Berlin en 1945 et sera ensuite promu major. Il restera en Allemagne jusqu’en 1950 avant de revenir à Moscou, où il servira dans les rangs de l’Armée rouge jusqu’en 1968.
Alexander Turetsky, Russie

« Ma compagnie effectuait des missions de reconnaissance. Mon commandant nous envoyait souvent sur les lignes de front allemandes pour tenter d’y capturer un soldat allemand ou pour y recueillir des informations. C’était une mission très dangereuse mais nécessaire à la victoire. »
Né à Moscou en 1924, Alexander Turetsky passe son enfance dans la capitale jusqu’à la fin de ses études. Il devient lieutenant en 1942, à peine âgé de 18 ans.
Il assiste à de violents combats à Leningrad, lors d’une forte poussée allemande, et est blessé en tentant de mettre ses soldats à l’abri. Il sert dans les rangs de la 344e division Roslavskaya entre janvier 1942 et janvier 1945 et livre combat dans un village près de Moscou à la tête d’une compagnie d’une centaine d’hommes. Son unité est souvent utilisée pour effectuer des missions de reconnaissance, à la recherche d’Allemands à capturer et interroger.
Il combat pendant toute la campagne de Biélorussie et prend part à une bataille particulièrement dure à Smolensk, en Russie, dans les faubourgs de la ville. Il participe à de violents combats, en 1944, lors de l’opération Bagration, qui brise les lignes de front allemandes et constitue la plus grande défaite de toute l’histoire militaire allemande. Turetsky est renvoyé sur les bancs de l’école militaire entre janvier et mai 1945, ce qui lui fait manquer la fin de la guerre. Il retourne ensuite à l’école militaire et prend sa retraite en 1967, alors à la tête d’un régiment et avec le grade de colonel.
Josef Krulyak, Russie

« La situation n’a jamais été vraiment paisible sur la mer Noire. Les Allemands nous attaquaient souvent avec leurs bombardiers, en piqué, en larguant des bombes sur le pont de nos navires. Je faisais du mieux que je pouvais pour les abattre avec nos canons, mais c’était comme des mouches qui planaient au-dessus de nos positions. »
Né le 18 avril 1927, Josef Krulyak passe toute son enfance à Rzhev, en Russie. Après le début de la guerre, en juin 1941, ses parents et lui quittent leur ville natale pour échapper aux Allemands. Ils partent travailler dans une ferme collective avant de s’installer à Marmysah, où ils travaillent dans des écuries. Krulyak est mobilisé en 1944, à l’âge de 17 ans, et est formé pour servir dans la Marine russe. Il est affecté sur le destroyer Krasnyikrym, au sein d’un équipage de canons antiaériens, et combat pour la première fois en avril 1944 au sein de la flotte de la mer Noire, luttant contre les forces de l’Axe en retraite, principalement contre les avions allemands chargés des attaques.
Une nuit, alors qu’il est de garde, Krulyak repère un objet qui se déplace dans l’eau et qui s’avère être une mine flottante. Il la signale à son capitaine, ce qui sauvera de très nombreuses vies. Il prend part à de petites batailles à l’intérieur de la ville et reste dans l’est de la mer Noire jusqu’à la fin de la guerre. Après-guerre, l’équipage reste posté en Géorgie jusqu’en 1951.
Salomon Freidlyand, Biélorussie

« J’étais mieux éduqué que la plupart des hommes de ma division. Mon commandant a demandé des volontaires pour rejoindre une unité chimique. J’ai accepté. »
Né à Orsha, en Biélorussie, en 1921, Salomon Freidlyand s’installe à Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) en 1925 et y étudie entre 1929 et 1939. Il est enrôlé dans l’Armée rouge en 1939 et se forme à Alexandrie. Envoyé dans l’ouest de l’Ukraine, il prend la tête d’une batterie d’artillerie de 45 millimètres.
Lorsque les Allemands envahissent le pays, il se trouve stationné à Slaviansk, où ils luttent contre l’avancée de l’armée allemande. Freidlyand est ensuite transféré à la 297e division et plus tard à une division chimique spéciale. Il sort diplômé de sa formation militaire en février 1942 et devient lieutenant : il travaille alors avec des partisans et des espions de façon à recueillir des informations sur les troupes allemandes présentes dans les environs. Blessé lors de la bataille de Stalingrad, il est renvoyé à Leningrad. Il part s’installer à Tachkent, en Ouzbékistan, mais faute de pouvoir trouver un travail, il part pour Andijan, où il travaille pour le gouvernement jusqu’à la fin de la guerre.
Israël Barsuk, Ukraine

« Mon commandant a été tué devant moi par un tireur allemand embusqué. L’instant d’avant, il donnait des ordres, l’instant suivant, il était mort, face contre terre, une balle dans la tête. »
Né à Kremnchuk, en Ukraine, en 1919, Israël Barsuk est enrôlé dans l’armée et, en 1939, envoyé à Komsomolsk-na-amor, dans l’est de la Russie, dans les rangs de la 220e division. Lors de l’invasion de l’Allemagne en juin 1941, il est renvoyé dans sa division sur le front sud-ouest de Zaporizhzhia, en Ukraine. Grièvement blessé lors d’une violente bataille contre les troupes allemandes, il passe quatre mois dans un hôpital en Ossétie.

Malgré les documents lui notifiant qu’il n’est plus apte au service actif, début 1942, il repart au combat dans les rangs d’une division de chars sur le front du Caucase du Nord après avoir convaincu ses supérieurs de le renvoyer au front. Les pertes sont très lourdes car l’Armée rouge a alors pour objectif de faire le plus de victimes allemandes que possible.
Barsuk reste dans le Caucase du Nord jusqu’à la fin 1942, date à laquelle on le renvoie à Moscou comme appui technique aux unités blindées qui combattent sur le front. C’est là qu’il travaillera jusqu’à la fin de la guerre, tout en étant régulièrement déployé sur les fronts ouverts pour s’assurer que les unités blindées disposent des pièces de rechange appropriées et tout en se rendant dans les usines pour s’assurer qu’elles fonctionnent correctement. Le 8 mai 1945, jour de la fin de la guerre, Barsuk se trouve sur la Place Rouge.
Gregory Gurtovnik, Russie

« Je ne pourrai jamais oublier les combats de rue dans Lvov. Nos hommes mouraient par milliers, jonchant les rues, les pièces à l’intérieur des appartements éventrés que nous défendions. Les Allemands n’arrêtaient pas d’aller et venir. »
Né à Salnitza, en Ukraine, Gregory Gurtovnik s’installe à Odessa avec sa famille alors qu’il n’a que 7 ans. Ils partiront ensuite pour à Samarcande pendant la Seconde Guerre mondiale. A l’âge de 18 ans, Gurtovnik se porte volontaire pour intégrer les rangs de l’Armée rouge et est affecté dans une unité de chars. Il se forme et s’entraîne au Tadjikistan avant d’être envoyé, avec la 3e armée de chars, en Ukraine, où il prend part à une offensive majeure pour reprendre Kiev aux Allemands.
Son unité est acheminée à Kanotop par voie ferrée et se bat pour traverser le fleuve Dniepr. Les Allemands sont défaits et d’autres unités russes les rejoignent. Au bout de quatre jours, un combat de grande ampleur a lieu au cours duquel Gurtovnik est blessé puis renvoyé au front. Après la bataille de Kiev, il se bat dans l’ouest de l’Ukraine et participe aux batailles de Ternopol et Lvov. La bataille de Lvov est on ne peut plus disputée car les Allemands y disposent d’importants effectifs et livrent là leur dernier combat. En septembre 1944, Gurtovnik combat à Cracovie et Berlin, à un moment où l’Armée rouge subit de lourdes pertes.
Après la campagne de Pologne, son unité se déplace vers l’Elbe pour faire la jonction avec les forces américaines. La bataille prend fin le 2 mai 1945, après quoi ils rallient Prague pour y rétablir l’ordre. Après la guerre, Gurtovnik fera des études d’ingénieur et rejoindra les rangs d’une unité de sous-marins.
Semen Vaidman, Ukraine

« Un matin, nous avons quitté la ligne avec 100 hommes de ma compagnie : à la fin de la journée, seuls sept de mes hommes et moi sommes revenus. Les Allemands nous avaient tendu une embuscade. Mes hommes tombaient tout autour de moi. »
Ce fut l’un des jours les plus difficiles de ma vie.
Né à Suvorovo, en Ukraine, Semen Vaidman y passe toute son enfance avant de partir s’installer à Odessa puis Leningrad. Il étudie dans un collège technique puis dans une école militaire. Il est envoyé en Biélorussie dans les rangs de la 318e division de l’Armée rouge, où il est chef de compagnie d’artillerie. En 1941, alors chef de division, il fait face à l’invasion de Bobruysk par les Allemands. Interrogé pendant quatre mois par le NKVD, il est envoyé à Stalingrad où il devient instructeur d’exercice et commandant d’une compagnie de canons de 203 millimètres.
Après la bataille de Stalingrad, il retourne au front dans les rangs de la 112e brigade d’artillerie et est promu capitaine. Il livrera plusieurs batailles en Pologne et en Allemagne, où il restera après la guerre jusqu’en 1948 et où il aura un fils. Il reviendra à Moscou en 1959.
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