A 90 ans, Michel Bouquet incarne Wilhelm Furtwängler
Dans "A tort ou à raison", l'acteur français joue le chef d'orchestre allemand accusé de collusion avec les nazis

L’acteur français Michel Bouquet, 90 ans, aime broder et rebroder ses rôles : il reprend sur scène à Paris avec maestria un personnage endossé pour la première fois il y a 15 ans. « Pourquoi arrêter ? », demande-t-il.
Sourire et yeux malicieux, il jure lors d’une rencontre avec l’AFP qu’il « n’arrêtera jamais le théâtre ». A voir sa gourmandise à jouer son nouveau rôle dans toutes ses contradictions, on comprend son désir de ne jamais quitter les planches.
Dans « A tort ou à raison » au Théâtre Hébertot, il est le chef d’orchestre Wilhelm Furtwängler, accusé de collusion avec les nazis.
Un demi sourire ou un plissement des yeux lui suffisent pour insuffler toute son ambiguïté au chef du Philharmonique de Berlin, resté à son poste alors que les nazis vidaient les orchestres de leurs musiciens juifs.
La pièce, écrite par le Sud-Africain Ronald Harwood (scénariste du film « Le Pianiste »), a été rodée en région avant de venir à Paris.
Michel Bouquet l’a jouée lors de sa création en France en 1999, dans une mise en scène de Marcel Bluwal, aux côtés de Claude Brasseur. Cette fois, C’est Francis Lombrail qui reprend le rôle du commandant américain Steve Arnold, convaincu de la culpabilité de Furtwängler.
La pièce, à l’affiche pour encore trois ou quatre mois, s’inspire de faits réels : les Américains ont effectivement poursuivi le chef de la Philharmonie de Berlin lors de la dénazification en 1946, pour avoir exercé son art sous Hitler.
Furtwängler avait serré la main d’Hitler, il avait joué pour le Führer, notamment le jour de son anniversaire, et était resté à son poste pendant toute la période nazie.
Mais à la fin de la guerre, nombre de musiciens ont pris sa défense, comme Yehudi Menuhin. « Et à la différence de Karajan, il avait refusé sa carte du parti nazi et avait sauvé de nombreux musiciens juifs », rappelle Michel Bouquet.
L’acteur, bien plus âgé que ne l’était Furtwängler à l’époque (1886-1954), ne faiblit pas et instaure avec le public une tension particulière, voix très basse enflant brutalement, démarche hésitante ou brusquement alerte.
Chaque soir, le public fait un triomphe à cet acteur français hors normes qui s’était déjà distingué dans « Le roi se meurt » de Ionesco, incarné 830 fois en près de 20 ans.