À Avignon, des pièces racontent des drames nés de l’antisémitisme
Plusieurs pièces revisitent des histoires vraies liées à l'antisémitisme, du combat de Zola en faveur du capitaine Dreyfus au drame des écoliers juifs absents à la rentrée 1942
Au off d’Avignon, plusieurs pièces revisitent des histoires vraies liées à l’antisémitisme, du combat de Zola en faveur du capitaine Dreyfus au drame des écoliers juifs absents à la rentrée 1942.
« Rentrée 42 : bienvenue les enfants ! »
1er octobre 1942, des institutrices préparent la rentrée à l’école de filles Victor-Hugo du 11e arrondissement de Paris. Mais sur 123 élèves, il n’y a que 14 qui répondent à l’appel.
« Rentrée 42 : bienvenue les enfants ! », co-écrite par Pierre-Olivier Scotto et Xavier Lemaire et donnée au Théâtre La Luna à Avignon, aborde avec délicatesse le drame des jeunes victimes de la rafle du Vel’d’hiv en juillet 42 (dont 4 115 enfants, soit un tiers des Juifs arrêtés).
« Je me suis intéressé à cette histoire en regardant les plaques commémoratives sur les écoles de Paris et me suis demandé comment traiter la question de la Shoah par la question de l’absence », affirme à l’AFP Xavier Lemaire.
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L’école dans la pièce est fictive mais les auteurs se sont inspirés d’une école de garçons du 4e arrondissement où 160 élèves juifs ne sont pas revenus.
Le co-auteur, qui signe également la mise en scène, dit avoir discuté avec des institutrices qui ont pleuré à la fin des représentations. « Elles se demandaient ‘qu’est ce que j’aurais fait à cette époque ?' »
« J’avais eu aussi le témoignage du comédien Roger Défossez, 91 ans, qui se souvient que quand il était en CM2, il y avait 30 élèves qui ne sont pas revenus, dont son meilleur ami », précise-t-il.
La pièce est tout public et peut être vue dès la classe de 6e.
« Les téméraires »
La défense par Emile Zola du capitaine Alfred Dreyfus est bien connue mais dans « Les téméraires », Julien Delpech et Alexandre Foulon ont choisi de mettre cette histoire en miroir avec celle du film muet que réalisera en 1899 Georges Méliès, dreyfusard convaincu.
« Julien Delpech dit avoir voulu explorer ces actes de courage dans un climat d’antisémitisme » et une France déchirée par cette affaire qui a duré de 1894 et 1906.
L’auteur des Rougon-Macquart « était au sommet de sa gloire, il savait qu’il risquait la prison », rappelle M. Delpech, qui s’est intéressé à la mort de Zola par asphyxie, présentée comme accidentelle, même si la thèse de l’assassinat a aussi été évoquée.
La pièce, donnée au Théâtre des Gémeaux, montre progressivement la colère de l’écrivain face aux mensonges de l’armée qui accuse le capitaine d’avoir livré des documents secrets français à l’Empire allemand.
En parallèle, des scènes non dénuées d’humour racontent comment Méliès a monté en 1899 son court-métrage (dix minutes) sur l’affaire, considéré comme le premier film politique de l’histoire du cinéma.
« Dolores »
« Dolores », c’est l’histoire tragique et hors du commun du danseur de flamenco juif Sylvin Rubinstein, qui dansait avec sa sœur jumelle Maria, parcourant avec elle les cabarets les plus prestigieux d’Europe sous le nom de scène d’ « Imperio y Dolores ».
Co-écrite par Yann Guillon et Stéphane Laporte et donnée au Théâtre Actuel, la pièce retrace l’histoire du duo, né d’une danseuse juive et d’un aristocrate russe et fauché en pleine gloire : après des mois dans le ghetto de Varsovie, lui entre dans la résistance contre les nazis, elle meurt dans le camp d’extermination de Treblinka.
Hanté par sa disparition, Sylvin va l’incarner sur scène en portant des costumes de flamenca, et surtout va mener des attentats contre des officiers nazis, parfois déguisé en femme.
« Son histoire est une véritable épopée », commente Stéphane Laporte à propos du danseur décédé en 2011 à l’âge de 96 ans. « On a voulu transmettre ce côté flamenco sous les bombes et surtout cette image de résistant. »
À la fin de la pièce, son personnage dira : « J’ai 87 ans, elle aura toujours 25 ans. »