A Bordeaux, une lumière sur le consul Sousa Mendes, un « Schindler » méconnu
"Un consul en résistance", jusqu'au 2 octobre au musée d'Aquitaine, retrace le courage d'un fonctionnaire, pour qui "les valeurs de moralité ont été plus fortes que les ordres"
- Vue générale de l'exposition "Candélabre" Aristides de Sousa Mendes, un consul en résistance" qui se tient au musée d'Aquitaine jusqu'au 2 octobre 2022. (Crédit : Thibaud MORITZ / AFP)
- Vue générale de l'exposition "Candélabre" Aristides de Sousa Mendes, un consul en résistance" qui se tient au musée d'Aquitaine jusqu'au 2 octobre 2022. (Crédit : Thibaud MORITZ / AFP)
- Vue générale de l'exposition "Candélabre" Aristides de Sousa Mendes, un consul en résistance" qui se tient au musée d'Aquitaine jusqu'au 2 octobre 2022. (Crédit : Thibaud MORITZ / AFP)
- Vue générale de l'exposition "Candélabre" Aristides de Sousa Mendes, un consul en résistance" qui se tient au musée d'Aquitaine jusqu'au 2 octobre 2022. (Crédit : Thibaud MORITZ / AFP)
- L'exposition "Candélabre" Aristides de Sousa Mendes, un consul en résistance" qui se tient au musée d'Aquitaine jusqu'au 2 octobre 2022. (Crédit : Thibaud MORITZ / AFP)
- Vue générale de l'exposition "Candélabre" Aristides de Sousa Mendes, un consul en résistance" qui se tient au musée d'Aquitaine jusqu'au 2 octobre 2022. (Crédit : Thibaud MORITZ / AFP)
Si la « Liste de Schindler » est mondialement connue, le sacrifice d’Aristides de Sousa Mendes l’est beaucoup moins : Bordeaux consacre une exposition à son consul portugais, héros « oublié » de juin 1940, qui sauva des milliers de réfugiés de la guerre en distribuant de précieux visas.
« Un consul en résistance » (jusqu’au 2 octobre au musée d’Aquitaine), retrace l' »acte de courage » d’un haut fonctionnaire, « catholique fervent » pour qui « les valeurs de moralité ont été plus fortes que les ordres », résume Laurent Védrine, conservateur en chef du musée.
En juin 1940, en dépit des consignes du dictateur Antonio Oliveira Salazar, qui interdisaient l’entrée du Portugal aux « juifs », étrangers sans raison « satisfaisante » et aux « apatrides », il avait distribué des visas aux réfugiés, de toute nationalité ou religion, sauvant ainsi plus de 30 000 personnes, dont 10 000 Juifs. Une désobéissance qui lui valu d’être mis au ban de la société portugaise.
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Démis de ses fonctions à l’issue d’un procès disciplinaire, il meurt en 1954 dans la misère dans un hôpital de Lisbonne à 69 ans. « Il est mort seul, et il est surtout mort dans l’oubli », souligne M. Védrine.

Parfois comparé à l’industriel allemand Oskar Schindler, qui a arraché des centaines de juifs de la déportation, M. Sousa Mendes connaît une réhabilitation tardive. Il a été reconnu en 1966 « juste parmi les nations » par le mémorial de la Shoah à Jérusalem. Puis au Portugal, 20 ans plus tard, il est décoré de la croix du mérite avant son entrée au Panthéon national en octobre 2021.
Depuis, l’invasion de l’Ukraine donne une nouvelle résonance au parcours du consul rebelle, « un modèle universel » car « il y a encore des réfugiés qui fuient la guerre, et des hommes et des femmes courageux qui les aident à leurs risques et périls », souligne son petit-fils Gerald Mendes, qui vit à Montpellier.
« Cette exposition fait un pont entre passé et présent, elle nous interroge sur l’accueil des réfugiés et sur ces notions de désobéissance et d’action citoyenne », ajoute Laurent Védrine.
« Course contre la montre »
Grâce à plusieurs fonds documentaires, le musée retrace ces semaines cruciales à Bordeaux après l’invasion de la Belgique, des Pays-Bas et du Nord de la France par l’Allemagne, le 10 mai 1940. Alors que 4 millions de personnes se jettent sur les routes de l’exil, des milliers cherchant à fuir l’Europe affluent à Bordeaux où le gouvernement français se replie le 14 juin.

Le chaos puis sa rencontre avec le rabbin Kruger, parti de Pologne, font vaciller Sousa Mendes. « Tenaillé entre le devoir d’obéissance et celui d’humanité, il va s’enfermer trois jours avant de prendre la décision de désobéir », relate Laurent Védrine.
A l’entrée de l’exposition, le « Candélabre », une sculpture-vidéo métallique en forme de chandelier, symbolise ce dilemme intérieur. Sur l’œuvre, conçue par l’artiste Werner Klotz sur une idée de Sebastien Michael Mendes, petit-fils du consul, des écrans font défiler des images qui ont pu tourmenter le consul, père de 15 enfants – sa famille, sa carrière, les réfugiés – tandis qu’une bande sonore égraine des noms de familles qui a obtenu le sésame. « A la fin, il les signe sur un coin de table à même la rue à Bayonne, c’est une course contre la montre », retrace le conservateur en chef.
Entre les journaux d’époque et des images du Pont de Pierre sur la Garonne envahi par une marée humaine, des objets prêtés par la Fondation Sousa Mendes plongent le visiteur dans ces bribes de vie : le nounours d’une Néerlandaise réfugiée, des passeports tamponnés par le consul, des étoiles jaunes…

Comme d’autres descendants de bénéficiaires des visas, dispersés dans le monde, Jennifer Hartog n’a appris que tardivement en 2013 l’action de Sousa Mendes, grâce au travail d’identification de la fondation. « Ils ne savaient pas que Sousa Mendes faisait un acte de courage en mettant un tampon », souligne émue cette Canadienne dont la famille fuyait les Pays-Bas.
Sa cousine de Jerusalem Beatrice Brom a bien tenté de connaître le parcours de sa mère. Mais « elle disait simplement: ‘Nous avons eu de la veine' ».
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