À Chypre, les survivants de la rave Supernova reçoivent des soins pour se rétablir
Les festivaliers traumatisés bénéficient d'une retraite de 5 jours entièrement prise en charge, avec yoga, spa et séances de groupe. Il y a une liste d'attente de 1 400 personnes
Les brises de la mer Méditerranée, le spa, l’acupuncture, la gastronomie, la méditation, le yoga, la musique et les séances de thérapie ne sont que quelques-unes des offres de cette retraite à Chypre gracieusement proposée aux survivants du massacre de la rave Supernova.
Le propriétaire – israélien – du vaste centre de retraite de Secret Forest, situé dans les montagnes au-dessus de Paphos, n’a pas attendu pour passer à l’action suite aux terribles événements du 7 octobre dernier. En collaboration avec des experts en traumatologie, son équipe a organisé plusieurs retraites thérapeutiques de cinq jours, entièrement prises en charge, pour les survivants de la rave, par groupes de cinquante.
À l’aube du 7 octobre, jour de Shabbat et de la fête de Sim’hat Torah, des milliers de terroristes du Hamas se sont introduits en territoire israélien depuis la bande de Gaza, avant de commettre des atrocités et des massacres, qui ont débouché sur une nouvelle guerre.
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Ce jour-là, quelque 1 200 Israéliens ont été tués et plus de 240 ont été pris en otage, enfants et personnes âgées compris. Outre les pogroms commis dans les kibboutzim plus ou moins proches de la bande de Gaza, les terroristes ont attaqué la rave Supernova, événement musical dans le désert qui avait rassemblé environ 3 000 participants – beaucoup se trouvaient en état d’ébriété lors de l’attaque.
« Nous étions ici pour Sim’hat Torah. Nous aimons notre pays et notre peuple. Aussi nous nous sommes dit, comment être utile ? Nous avons vu ces personnes qui ont survécu à la fête… assis chez eux, avec leur traumatisme et tout le stress qui règne en ce moment en Israël. Ils ont perdu des amis, mais eux-mêmes ont été sauvés. Nous avons pensé les faire venir ici, dans l’utopie tranquille et thérapeutique qu’offre la nature », explique Yoni Kahana, 35 ans, propriétaire de Secret Forest.
Kahana, qui a grandi au sein du mouvement Habad, explique : « C’est émouvant de voir l’effet que cela a sur eux. Ils me disaient qu’ils ne mangeaient plus, dormaient mal, étaient traumatisés. Et soudain, l’envie de vivre revient. »
Secret Forest, qui s’adresse principalement aux Israéliens, dispose d’une cuisine casher et attire des personnes indifféremment religieuses et laïques. Ce centre de retraite haut de gamme et pittoresque dispose d’une multitude d’installations et de traitements holistiques. Les séjours coûtent normalement le prix d’une escapade méditerranéenne de luxe, à savoir entre 800 et 1 500 shekels la nuit en semaine, suivant l’hébergement.
Kahana a gracieusement mis ses installations à la disposition des survivants de la rave Supernova, en partie sur ses propres deniers, animé par l’envie d’agir pour le bien. Il a ensuite lancé un appel au financement participatif pour assurer la gratuité des traitements. La liste d’attente est aujourd’hui de 1 400 personnes.
Zohar Wilson, 58 ans, psychothérapeute partenaire des ateliers de Secret Forest a été l’un des premiers auxquels Kahana a parlé de son projet. Il fait partie intégrante de l’équipe de professionnels chevronnés chargés de diriger les traitements et de superviser les aspects thérapeutiques de l’opération.
Ce que font ici les thérapeutes n’a « rien à voir avec le traitement habituel des post-traumatismes. C’est tout au contraire un traitement pour un traumatisme très récent, toujours bien présent. C’est totalement différent. Cela ne concerne pas les émotions, le subconscient ou les traumatismes d’enfance », explique-t-il.
Il y a également un spécialiste des phénomènes psychédéliques, ajoute Wilson, parce que « certains ont subi un traumatisme alors qu’ils trippaient. C’est très particulier ».
De nombreux survivants de Supernova souffrent d’un « double traumatisme », dit-il, d’abord parce qu’ils ont survécu à l’événement terroriste et subissent tous les effets psychologiques qui en découlent, ensuite parce qu’ils étaient sous l’influence de diverses substances lorsque les faits se sont produits.
« Certains d’entre eux sont morts à cause de cela. Pour d’autres, cela leur a sauvé la vie. Tout dépend des substances. Si vous prenez un stimulant, un upper, vous pouvez courir pendant des heures. Certains d’entre eux ont couru pendant six heures sans s’arrêter pour échapper au massacre. Cela les a aidés. Ceux qui avaient pris des substances psychédéliques ont vu les choses se passer comme au ralenti. Chacun a vécu quelque chose de différent. »
Les thérapeutes font en sorte d’aider les survivants à comprendre que ce qu’ils ont vécu va les aider à évoluer, comme une sorte de « cadeau de la tragédie », explique Wilson. « Ils connaissent tous beaucoup de gens qui sont morts là-bas, des amis. Nous les aidons aussi à faire face à la culpabilité, à passer de la culpabilité du survivant au devoir du survivant. »
Il dit que le « devoir du survivant » consiste à se dire : « J’ai le devoir d’être ici. J’ai des proches, des enfants, des parents, des frères et sœurs, des amis. Je dois être présent à la fois pour moi et pour eux. »
L’une des patientes soignées à Chypre, dit-il, a sauvé deux personnes qui n’étaient alors pas en état de se protéger. Elle les a guidées et a pris soin d’elles pendant des heures, sous les tirs, jusqu’à ce qu’elles soient toutes en sécurité.
« Mais elle était pleine de culpabilité parce qu’elle n’en avait pas sauvé davantage. Il faut normaliser ce sentiment de culpabilité. C’est normal de se sentir coupable. Il est normal de ressentir de la honte, de la culpabilité, de la tristesse, de la détresse ou que sais-je encore. Une fois normalisé, il est possible de passer à autre chose. »
Au-delà des séances de thérapie de groupe ou individuelles, les survivants ont reçu beaucoup de traitements à visée thérapeutique.
« Trois somptueux repas par jour. Spa. Piscines. Traitements par l’eau. Acupuncture chinoise, réflexologie, massages corporels, respiration, musique et vin chaque soir, cours de yoga, méditation, pleine conscience, cours de danse », énumère-t-il. « Ils ont des activités du matin au soir destinées à les connecter à leur corps, car c’est le meilleur ancrage. L’idée est de les ancrer. »
L’équipe chargée de la thérapie sélectionne les candidats, car il n’est pas possible de prendre en charge les traumatismes les plus graves. Elle travaille de conserve avec l’Institut Hakomi d’Israël, centre de traitement et école, et Nova Help, organisation caritative, afin d’assurer la poursuite de traitements de psychothérapie entièrement gratuits après la retraite de Chypre, une fois de retour en Israël.
L’équipe de thérapeutes retrouve les rescapés à l’aéroport Ben Gurion, à l’aller, et les raccompagne sur le vol retour. Dans le cas du groupe de Wilson, une alerte à la roquette a eu lieu immédiatement après l’atterrissage à l’aéroport. Tous se sont réfugiés dans les toilettes pendant 20 minutes, un brutal retour à la réalité après « l’utopie » de leur retraite.
« Les traitements étaient très bons. Ces personnes nous ont sauvées. Elles connaissaient nos besoins et étaient très attentives », a déclaré Stefani Susan, une participante de 25 ans.
« Je suis rentrée de cette semaine beaucoup plus forte. J’y suis allée avec un ami. Nous avions peur d’y aller, ça me paraissait étrange de prendre l’avion, de partir à l’étranger… Mais quand nous sommes arrivés, nous nous sommes sentis en sécurité. J’ai vraiment apprécié ce moment passé avec les gens de la rave, nos échanges. Nous avons vraiment été écoutés, nous avons ressenti de l’amour et de la gentillesse », a-t-elle expliqué.
Susan, qui avait effectué un séjour de deux mois, en Inde, avant la rave de Supernova, ne sait pas encore ce qu’elle veut faire de sa vie.
« Pour l’instant, je prends le temps de me comprendre et de décider de la suite des événements. »
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