A Haïfa, les locaux face à la perspective d’une guerre imminente
Peu perturbés par les menaces de l'Iran et du Hezbollah, les habitants de cette ville portuaire du nord d'Israël disent qu'ils sont prêts à affronter l'épreuve - et à en sortir vainqueurs
HAIFA — Si les hostilités entre Israël et le Hezbollah devaient connaître une escalade, il est probable que cette ville du nord serait pilonnée pendant des semaines par des dizaines, voire par des centaines de roquettes par jour.
Les autorités se préparent à une telle éventualité – elles ont notamment déplacé les matières dangereuses qui étaient entreposées dans la zone industrielle de la localité. Les civils, pour leur part, semblent peu perturbés par la perspective d’une guerre en cette journée de dimanche, affichant des attitudes qui vont de l’indifférence à l’expression d’un certain sentiment de fatalisme.
« J’ai fini de m’inquiéter, d’une certaine façon. Ce qui arrivera arrivera. Je suis là et je continue à ouvrir pour les affaires », s’exclame Eyal Levkovich, 42 ans, propriétaire d’une librairie, le Goldmund Books, située dans le quartier Hadar de la ville. Après les heures d’ouverture du magasin, les lieux deviennent une salle de concert et de spectacle alternative, prisée par les noctambules.
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L’état d’alerte est actuellement élevé. Les tensions ont franchi un nouveau cap après l’assassinat, la semaine dernière, d’un haut-commandant militaire du Hezbollah, Fuad Shukr, à Beyrouth, lors d’une frappe qui a été revendiquée par Israël. Quelques heures après, c’est le chef du Hamas, Ismail Haniyeh, qui a été tué en Iran – un meurtre sur lequel Israël n’a fait aucun commentaire. La république islamique et le Hezbollah ont juré de venger rapidement les défunts, émettant des menaces que Yona Yanav, maire de Haïfa, a jugées « crédibles ».
« Malheureusement, je le crois », a déclaré Yahav, vendredi, devant les caméras de la Douzième chaîne en évoquant Hassan Nasrallah, le dirigeant du Hezbollah. « Chaque fois qu’il a menacé d’attaquer la ville, cela s’est produit. En conséquence, j’écoute ce qu’il dit et je prépare les endroits qu’il menace de manière à ce qu’ils soient aussi prêts que possible » à une éventuelle frappe, a-t-il continué.
Yahav a ajouté que la municipalité avait annulé plusieurs événements publics pour éviter les larges rassemblements. Le Commandement intérieur de l’armée israélienne avait fait savoir, dans une vidéo diffusée après les assassinats, qu’il n’avait émis aucune directive nouvelle pour la région de Haïfa.
Les récentes précautions qui ont été prises en matière de sécurité, sous l’orientation du Commandement intérieur, ont notamment consisté à déplacer les produits chimiques dangereux qui se trouvaient dans les complexes du nord de la ville et dans le port – notamment à l’aéroport de Haïfa et aux alentours de la raffinerie Bazan, et même à l’usine de fabrication de glaces Strauss, située aux abords d’Akko. Cette dernière a été temporairement fermée en raison de la présence de ses réservoirs d’ammoniaque, ont indiqué les médias israéliens.
Levkovich a immédiatement réalisé que ces assassinats pourraient avoir un impact sur son commerce et sur sa vie, affirme-t-il. Mais il dit être « heureux de ce qui est arrivé. Ces gens qui ont été assassinés méritaient de mourir et même si cela peut avoir certaines conséquences qui seront négatives à court-terme, ces répercussions seront largement compensées par les bénéfices que nous en tirerons à long-terme », estime-t-il.
Goldmund Books, qui est l’un des rares établissements nocturnes destinés à la scène intellectuelle de la ville, fera une pause dans ses concerts et dans ses spectacles au mois d’août – mais nullement à cause du Hezbollah ou de l’Iran, insiste Levkovich. « J’avais décidé de prendre des congés au mois d’août avant l’escalade actuelle parce que je voulais prendre un peu de repos », explique-t-il.
En juillet, Goldmund Books a notamment accueilli un spectacle d’improvisation, un événement organisé à l’occasion de la marche des Fiertés LGBTQ et plusieurs soirées dansantes.
« Plus l’humeur nationale se dégrade – et elle est plutôt mauvaise en ce moment – plus les gens sont intéressés à l’idée d’oublier un peu ce qui se passe en se rendant à un événement culturel en buvant de la bière pour gagner deux heures de répit », note-t-il.
‘Le Tout-Puissant veille sur nous’
Shai Hofri, propriétaire d’un magasin vendant des produits d’entretien et des ustensiles ménagers sur le marché de Talpiot, à Haïfa, ne doute pas de la probabilité d’une attaque à la roquette massive. Hofri, 49 ans, fait partie des milliers de résidents de Haïfa qui ont vécu la Seconde guerre du Liban, en 2006, lorsque des centaines de roquettes du Hezbollah avaient pris la ville pour cible. L’une d’entre elles avait tué huit personnes à la gare ferroviaire centrale, du côté du port.
« Vous voyez, je suis un homme de foi. On va dire que ça limite mon degré d’anxiété. Je pense que le Tout-Puissant veille sur nous », explique Hofri qui a hérité de son magasin de son père. « Mais même si je ne l’étais pas : cela fait des mois que nous nous inquiétons. Nous avons stocké des réserves il y a déjà des mois. A un moment, s’inquiéter devient désuet. Nous avons simplement atteint ce cap ».
Hofri, qui vend du papier hygiénique et autres produits de la maison à des prix défiant toute concurrence, n’a remarqué aucune hausse de ses ventes au cours de ces derniers jours, déclare-t-il.
« C’est parce que les gens ont déjà fait leurs stocks il y a des mois, quand les échanges de tirs avec le Hezbollah venaient tout juste de commencer », selon lui. Hofri ne se réjouit toutefois pas de la situation. « J’irai dans les abris et je prendrai les précautions nécessaires quand il y aura des roquettes. Mais je n’ai pas l’intention de stresser outre mesure à cause de tout ça », poursuit-il.
Comme d’autres habitants de longue date, Hofri se souvient parfaitement de la guerre de 2006, quand les travailleurs avaient été dans l’obligation de ne pas sortir de chez eux pendant plus d’une semaine à Haïfa. Les scénarios actuels qui sont envisagés notamment par l’armée israélienne envisagent un nombre de roquettes beaucoup plus élevé et des frappes plus précises que cela n’avait été le cas lors de la Deuxième guerre du Liban, si un conflit à grande échelle devait encore éclater avec le Hezbollah.
Haïfa, une métropole tentaculaire accueillant environ 280 000 habitants, compte une centaine d’abris antiaériens entretenus par la ville et qui sont en bon état, selon la municipalité. De plus, des centaines d’abris antiaériens privés, situés en majorité dans des zones résidentielles, sont éparpillés dans toute la ville, avec des degrés variés de propreté et un accès plus ou moins facile.
Des centaines de résidents de Haïfa ont décidé, comme l’ont fait également des milliers d’Israéliens, de construire des abris ou des zones abritées dans leurs habitations au lendemain du 7 octobre, quand les hommes armés du Hamas s’étaient livrés à un pogrom dans le sud d’Israël, déclenchant la guerre à Gaza – une guerre qui avait aussi marqué le début des hostilités avec le Hezbollah et avec l’Iran. Au commencement du conflit en cours, les Israéliens avaient fait des réserves de boîtes de conserve, de papier hygiénique et autres produits d’urgence. Un assaut sur les approvisionnements qui semble depuis s’être arrêté.
En cet après-midi de dimanche, seules quelques personnes arpentent les rayons d’Osher Ad, un supermarché discount qui offre des réductions sur de multiples produits. Un homme ultra-orthodoxe, Shmuel Rozenberg, explique que son caddie plein à ras-bord n’a rien à voir avec les tensions régionales : « Je viens ici le dimanche pour éviter la ruée du vendredi, avant le Shabbat », dit-il.
Haim Mergashvili, 47 ans, est le gérant d’un magasin qui vend des fruits secs et des arachides sur le marché. Si une course aux produits alimentaires qui se conservent longtemps avait lieu, il le saurait, explique-t-il au Times of Israel. Comme c’est le cas aussi de sa clientèle, Mergashvili ne fait aucune préparation particulière en matière d’approvisionnement, ajoute-t-il.
« Le seul travail de préparation que je fais, c’est de ne pas écouter, lire ou débattre des informations », confie-t-il au Times of Israel. « Je suis calme et le Hezbollah ne pourra rien y faire ».
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