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Interview‘Il y a quelque chose de très juif dans ce que nous faisons’

A Haïti, un professeur juif défend le coup de main plutôt que la main tendue

Steven Werlin raconte ses 20 ans consacrés à sortir de la pauvreté des habitants du pays le plus pauvre d’Amérique

Le professeur Steven Werlin travaille avec l'association Fonkoze qui accorde des micro-prêts aux familles pauvres de Haïti. (Crédit : Fonkoze)
Le professeur Steven Werlin travaille avec l'association Fonkoze qui accorde des micro-prêts aux familles pauvres de Haïti. (Crédit : Fonkoze)

A Haïti, où la pauvreté précède l’existence, aider quelqu’un à devenir auto-suffisant a un plus grand impact qu’une autre boîte de produits d’hygiène ou de vêtements d’occasion.

« Qu’Haïti soit le pays le plus pauvre de l’Amérique et l’un des pays les plus pauvres au monde est un fait presque trop communément su pour que cela vaille la peine de le mentionner », écrit dans son nouveau livre To Fool the Rain: Haiti’s Poor and their Pathway to a Better Life le professeur Steven Werlin.

Pendant un entretien téléphonique avec le Times of Israël depuis sa maison de Mirebalais, à Haïti, Werlin a déclaré qu’il était temps d’adopter une approche exhaustive et à long terme de la pauvreté du pays.

« Les ultra-pauvres ne sont pas souvent vus comme des personnes capables de prendre une décision. Nous avons vu cela encore et encore, a dit Werlin. Ils ont besoin de soutien, ils ont besoin de compréhension. Mais le fait qu’ils ne soient pas maintenant ceux qui prennent les décisions tient plus aux circonstances qu’à autre chose. »

Werlin détient un doctorat de philosophie et, jusqu’en février, il était professeur au Shimer College de Chicago. Il a trouvé sa vocation, aider les Haïtiens pauvres, il y a presque 20 ans, quand il a contacté l’association Fonkoze, pour Fondasyon Kole Zepole. Il s’agit de la plus grande association de micro-financement d’Haïti, qui fournit de petits prêts aux femmes les plus pauvres du pays, dont beaucoup vivent avec moins d’un dollar par jour et par foyer.

« Les ultra-pauvres ne sont pas souvent vus comme des personnes capables de prendre une décision »
Steven Werlin

Werlin est tombé amoureux d’Haïti en 1996, quand il rendait visite à un ancien étudiant travaillant dans ce petit pays. Pendant son séjour, il s’est arrêté dans des écoles et des cliniques. C’est pendant l’un de ces après-midis passés dans un centre d’alphabétisation pour adultes près de Port au Prince que cela l’a frappé. Après avoir vu des femmes si désireuses d’apprendre, il a décidé qu’il avait du travail à faire à Haïti.

Fonkoze a été fondé en 1994. Le nom de l’association signifie grossièrement « épaule contre épaule ». Il vient de l’idée de ses fondateurs que sortir les gens de la pauvreté nécessite de la solidarité. Tout le reste, comme le dit un proverbe haïtien, « est comme laver les mains de quelqu’un puis les sécher avec de la saleté. »

« D’une certaine manière, il y a quelque chose de très juif dans ce que nous faisons. Cela reflète la tradition juive de parcourir le monde et de trouver des endroits qui ont besoin d’aide », a dit Werlin, qui a grandi à Lexington, dans le Massachussetts.

Le professeur Steven Werlin. (Crédit : Fonkoze)
Le professeur Steven Werlin. (Crédit : Fonkoze)

Même si Werlin rend visite à ses parents aux Etats-Unis pour les fêtes, et pendant ses visites pour Fonkoze, il n’habite plus dans ce pays. Il partage à présent son temps entre une chambre dans une maison de Kaglo, un village des montagnes surplombant Port au Prince, et plusieurs autres résidences.

C’est une décision qu’il ne regrette pas.

A une époque, voyager entre Haïti et les Etats-Unis était épuisant. Il ne ressent plus aussi profondément le choc culturel, et est clairement chez lui à Haïti quand il dit qu’il n’est pas embêté par des petites choses, comme être coincés à un feu rouge ou être en retard à un rendez-vous.

Ce n’est pas qu’il n’existe pas de projets de développement ou caritatifs à Haïti. Comme l’écrit Werlin, il y a presque un excès de programmes bien intentionnés. Mais la plupart des femmes n’y participent pas, dit-il. Elles n’ont pas l’initiative de chercher ces programmes, ou ne savent pas comment y entrer. Et certaines femmes ont pu avoir une mauvaise expérience.

Avec les formations et les micro-prêts fournis par Fonkoze, les familles peuvent avoir des cultures durables et ne plus dépendre de l'aide humanitaire. (Crédit : Fonkoze)
Avec les formations et les micro-prêts fournis par Fonkoze, les familles peuvent avoir des cultures durables et ne plus dépendre de l’aide humanitaire. (Crédit : Fonkoze)

Par exemple, Werlin parle dans son livre de programmes de travail contre rémunération organisée dans le plateau central du pays. Ce genre de programmes attire les donateurs, parce qu’ils pensent qu’ils améliorent les infrastructures locales tout en payant ceux qui en ont besoin, dit-il. Mais les participants sont souvent payés moins que promis, et pire, les dirigeants communautaires prélèvent souvent une partie de la somme, ou attribuent les emplois à leurs amis et à leurs familles, qui n’en ont pas besoin.

Pour Fonkoze, l’idée est de proposer une main tendue, mais un coup de main grâce à son programme Chemen Lavi Miyo (CLM).

Il utilise l’approche dite du diplôme, qui propose une formation et des actifs aux femmes les plus pauvres d’Haïti qui ont démontré leur dévouement à se sortir, elles et leurs familles, de la pauvreté. Elles travaillent étroitement avec les gestionnaires de CLM, qui fournissent aux femmes des outils pour améliorer leur confiance en elles, apprendre à gérer une entreprise, et se former aux compétences sociales.

La couverture de To Fool the Rain, du professeur Steven Werlin. (autorisation)
La couverture de To Fool the Rain, du professeur Steven Werlin. (autorisation)

Celles qui sont diplômées par le programme nourrissent leurs enfants tous les jours, n’ont pas de malnutrition non soignée, vivent dans une maison avec un toit et ont leurs propres latrines. Pour la plupart, les enfants vont à l’école, et le foyer a au moins deux sources de revenus, et des outils de production dont la valeur est de 40 % supérieures à celles des outils qui ont été donnés par le programme, selon Fonkoze.

Une étude publiée en 2014 par l’association humanitaire internationale Concern Worldwide a montré que quatre ans après leur diplôme, deux tiers des participantes ont maintenu leur situation, et un tiers continue à faire des progrès importants. De plus, la moitié des diplômées continuent à améliorer la situation de leur logement, et elles sont quatre fois plus nombreuses à envoyer leurs enfants à l’école.

Chaque membre reçoit également une petite somme en liquide pendant que son commerce s’accroît, et des soins gratuits en partenariat avec Zanmi Lasante, une association partenaire haïtienne spécialisée dans ce secteur. A ce jour, 4 642 femmes et leurs familles du plateau central du pays ont terminé le programme, et 850 familles y participent en ce moment, selon Fonkoze.

Et même s’il n’existe pas une approche unique pour mettre fin à la pauvreté dans le monde, il existe des éléments utilisés par Fonkoze qui pourraient être appliqués ailleurs, explique Werlin.

« Il y a des différences entre ce qui marche ici et ce qui marcherait dans les régions pauvres des Etats-Unis. Nous réussissons à Haïti parce que l’économie est plutôt informelle. La stratégie principale est de former les gens à devenir des entrepreneurs », dit-il.

« La stratégie principale est de former les gens à devenir des entrepreneurs »
Steven Werlin

« Aux Etats-Unis, il s’agit plus de créer des emplois. Mais en dehors de ça, il existe les mêmes problèmes et les mêmes principes de garde d’enfants, de bien-être et de soutien de la communauté. D’accès au planning familial, et à des soins avant et après la naissance. »

Dans tout son livre, Werlin raconte l’histoire des personnes que lui et Fonkoze ont aidées. Même aujourd’hui, l’histoire d’Orélès et Mirléne est frappante.

Le couple vit dans les montagnes au-dessus de Bwawouj, sur le plateau central d’Haïti.

Quand Werlin a rencontré le couple pour la première fois, ils faisaient face à une myriade de problèmes, dont la maladie, un logement délabré, un bras handicapé et, le plus dévastateur, la perte d’un enfant.

Lentement, grâce au programme CLM, le couple a pu commencer à élever du bétail et à cultiver des haricots. Encore plus important, la mère de Mirléne a participé à la garde de leur fille survivante, ce qui a pu libérer du temps au couple pour s’occuper de leur toute nouvelle ferme.

« C’est gratifiant de voir un couple réellement heureux et souriant, avec des enfants heureux qui jouent autour d’eux », a dit Werlin.

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