A Jénine, on craint le détournement de l’aide internationale par l’AP
Les dégâts sont évalués à 15 millions de dollars, mais l'aide dépasserait déjà les 45 millions. A la recherche de transparence, des Palestiniens craignent que Ramallah empoche les fonds
Suite à l’opération antiterroriste israélienne de la semaine dernière à Jénine, les habitants de la ville de Cisjordanie se sont tournés vers les réseaux sociaux pour exprimer leur inquiétude que l’aide internationale à la reconstruction ne parvienne pas à la population et soit confisquée par les responsables de l’Autorité palestinienne (AP).
Les pays arabes ont d’ores et déjà promis des millions de dollars pour reconstruire les routes et bâtiments endommagés lors du raid. Les Émirats arabes unis ont promis 15 millions de dollars, l’Algérie 30, auxquels devraient s’ajouter le Qatar et d’autres pays, ainsi que des fonds palestiniens privés.
Jeudi, la commission ministérielle formée par l’Autorité palestinienne pour évaluer les dégâts de cette opération militaire de 48 heures les avait chiffrés à 15,5 millions de dollars, pour l’essentiel dans le camp de réfugiés de Jénine.
Face à cette manne de dons, des habitants de Jénine ont exprimé leur inquiétude quant à la manière dont l’Autorité palestinienne allait dépenser l’argent. Selon l’agence de presse Shehab, affiliée au Hamas, dont le site Internet est interdit dans la Cisjordanie contrôlée par l’AP, certains craignent qu’il ne connaisse le même sort que de « nombreux projets que l’Autorité palestinienne a promus ces dernières années, restés lettre morte ».
La jeune militante Mona al-Rimawi, 21 ans, qui vit dans le camp de réfugiés de Jénine, craint que l’Autorité palestinienne n’utilise les fonds restants, après la reconstruction, à ses propres fins.
« Le coût de la reconstruction du camp de Jénine est de 15 millions de dollars. Quarante-cinq millions ont déjà été remis à l’Autorité palestinienne par les Émirats arabes unis et l’Algérie, sans compter les dons de particuliers et la subvention qatarie », a-t-elle écrit dimanche sur Twitter.
« Je vis à Jénine, j’ai le droit de savoir comment cet argent sera dépensé, et si les autorités utiliseront ce qui restera, après les travaux de reconstruction, pour payer les salaires des personnels. Qu’est-ce qui est prévu ? », a-t-elle écrit.
Dans un autre tweet le même jour, al-Rimawi a critiqué la récente annonce du ministre de l’Intérieur de l’AP, Ziad Hab al-Reeh, d’accorder une augmentation de salaire de 400 shekels aux membres des services de sécurité palestiniens, alors même que 20 000 enseignants ont obtenu une augmentation de seulement 60 shekels seulement après des semaines de grève cette année.
Le militant palestinien Omar Assaf a déclaré à Shehab que « la réputation de l’AP n’était pas sans tâches en ce qui concernait l’argent public, tout le monde le sait ».
Il a demandé la création d’une « commission de la transparence », composée d’habitants du camp de réfugiés chargés de superviser les dépenses et d’éviter la corruption.
« La population de Jénine a le droit de faire partie d’un comité chargé de superviser les dépenses engagées au titre de de l’aide, car c’est elle qui a subi les destructions. », a-t-il déclaré à l’agence de presse.
Le camp de Jénine a été la cible de plusieurs raids importants de l’armée israélienne cette année, mais celui de la semaine dernière a été le plus important de tous ceux menés en Cisjordanie depuis la deuxième Intifada, au début des années 2000.
L’infrastructure du camp a été gravement endommagée lors de ce dernier raid destiné, selon Israël, à capturer les terroristes auteurs d’attentats en Cisjordanie depuis plusieurs mois.
Huit kilomètres de conduites d’eau et trois kilomètres d’égouts ont par exemple été détruits, a déclaré l’ONU. Plus d’une centaine de maisons ont été endommagées, ainsi que des écoles.
Le camp de réfugiés est l’un des plus pauvres et densément peuplés de Cisjordanie, avec une population de 18 000 personnes concentrée sur une surface de 0,43 kilomètre carré seulement.
Réputé pour abriter des groupes armés comme le Hamas ou le Jihad islamique palestinien, il a été pris pour cible par Tsahal, qui veut briser son statut de « ville refuge » des terroristes palestiniens.