A la Cour internationale de justice, Israël encore une fois sur le banc des accusés
L'Assemblée générale des Nations unies veut demander un avis consultatif des juges sur l'illégalité du contrôle exercé depuis 56 ans par Israël sur les Palestiniens de Cisjordanie et de Jérusalem-Est

Alors que les pressions juridiques se renforcent, à l’international, sur Israël en raison de sa guerre contre le Hamas à Gaza, le pays devrait encore davantage attirer l’attention lorsqu’il comparaîtra devant la Cour internationale de Justice, la semaine prochaine, qui sera appelée à statuer sur la légalité du contrôle exercé par l’État juif sur la Cisjordanie depuis 56 ans.
Suite à un référé déposé par l’Assemblée générale des Nations unies à la prestigieuse institution judiciaire de La Haye, au mois de décembre 2022, la Cour internationale de Justice consacrera ses audiences pendant six jours – et ce dès lundi – à la question, alors que pas moins de 52 pays ont remis en cause la conduite et les pratiques de État juif en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ainsi que dans la bande de Gaza.
Toutefois, la Cour internationale de Justice, principal organe juridique des Nations unies, ne pourra émettre qu’un avis consultatif dans la mesure où le dossier a été présenté sous la forme d’un renvoi par l’Assemblée générale des Nations unies. Israël ne reconnaît à la Cour aucune compétence l’autorisant à statuer sur la question du contrôle de la Cisjordanie (dans la requête récemment déposée par l’Afrique du sud devant la Cour – une requête qui affirmait qu’Israël commettait un génocide à l’encontre des Gazaouis dans le cadre du conflit actuel – les juges avaient une compétence dans la mesure où Israël est signataire de la Convention sur les génocides et que l’État juif était donc dans l’obligation de répondre aux accusations lancées par Pretoria).
Un avis consultatif n’a aucune conséquence contraignante pour Israël et l’impact sur le terrain d’une décision prise en défaveur du pays, quelle qu’elle soit, serait négligeable. Néanmoins, un avis qui condamnerait les pratiques israéliennes entraînerait assurément un renforcement des pressions diplomatiques déjà lourdes qui sont exercées sur l’État juif.
Israël rejette la compétence du tribunal en ce qui concerne la question de son contrôle de la Cisjordanie, déclarant que des avis consultatifs ne devraient pas être émis lorsque l’essence d’un dossier est de nature politique, et non pénale. Jérusalem n’enverra donc aucune délégation à La Haye pour présenter ses contre-arguments.

La Cour avait émis un avis consultatif en défaveur d’Israël quand, en 2003, l’Assemblée générale des Nations unies lui avait demandé de se prononcer sur la légalité de la barrière de sécurité qui avait été construite pendant la Seconde Intifada le long de la Ligne verte, qui s’étendait sur des pans considérables de territoire et qui entrait également en Cisjordanie.
Les magistrats avaient déterminé, dans leur décision de 2004, que la barrière était illégale et qu’Israël devait démanteler les sections construites à l’intérieur de la Cisjordanie. Dans la mesure où le jugement n’était qu’un avis juridique et qu’il était donc non-contraignant, il n’avait eu que peu d’impact ou de ramification pénales pour Israël et aucune section de la barrière n’a été détruite depuis.
Toutefois, le statut et le prestige de la Cour de Justice signifie que ce qui se passera la semaine prochaine à La Haye aura une importance symbolique pour le statut international et diplomatique d’Israël.
Israël a pris le contrôle de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est après avoir vaincu l’armée jordanienne pendant la guerre des Six jours, en 1967, maintenant son contrôle depuis sur ces territoires. L’État juif a construit et il a élargi des implantations dans la région – des implantations qui comptent aujourd’hui 500 000 résidents en Cisjordanie seulement et approximativement 230 000 Israéliens qui vivent dans les quartiers juifs de Jérusalem-Est.
Les politiciens israéliens, à l’extrême-droite, appellent depuis de nombreuses années à l’annexion de la Cisjordanie par Israël, notamment des ministres de premier plan qui siègent dans le gouvernement actuel, tandis que de nombreux ministres du Likud ont exclu, de manière répétée, la perspective d’établir un état palestinien sur ces territoires, apportant un soutien appuyé à l’expansion des implantations.
Les audiences de la semaine prochaine seront consacrées à déterminer ce que pourraient être les « conséquences pénales » de la gouvernance à long-terme en Cisjordanie et à Jérusalem-Est suite de la demande soumise par l’Assemblée générale, qui réclame donc un avis consultatif.
De manière plus spécifique, la plainte demande à la Cour quelles seront les conséquences juridiques « émanant des violations en cours, de la part d’Israël, du droit des Palestiniens à l’auto-détermination au regard de son occupation prolongée, des implantations et de l’annexion des territoires palestiniens occupés depuis 1967 ; de la prise de mesures dont l’objectif est de modifier la composition démographique de ces territoires, le caractère et le statut de la Ville Sainte de Jérusalem en tenant compte de l’adoption de législations et de mesures discriminatoires qui y sont liées. »

La procédure commencera lundi avec les arguments oraux qui seront avancés par « l’État de Palestine », qui bénéficie de trois heures pour les présenter. Dans la semaine, ce sont 52 autres nations, ainsi que l’Organisation de coopération islamique et l’Union africaine, qui feront une présentation orale de 30 minutes devant le tribunal, en commençant par l’Afrique du sud.
Un grand nombre de pays qui présenteront leurs arguments, au cours de l’audience, devraient faire preuve d’hostilité à l’égard d’Israël – c’est notamment le cas du Bangladesh, de Cuba, de l’Iran, du Pakistan et d’autres. D’autres encore comprennent la Russie, qui occupe actuellement de larges pans de l’Ukraine ainsi que deux régions de Géorgie, et la Turquie, qui occupe plusieurs régions de la Syrie.
Les nations occidentales comme les États-Unis, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la France et la Hongrie, entre autres, présenteront également des arguments oraux et ils pourraient adopter des points de vue plus modérés sur la question.
La résolution de l’Assemblée générale des Nations unies qui avait approuvé la demande faite d’un avis consultatif se référait à de nombreux aspects du contrôle israélien de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et des politiques mises en œuvre à l’égard de Gaza. Elle n’avait pas reconnu la nature complexe et contestée au niveau politique du conflit israélo-palestinien et des conséquences de cette réalité sur le terrain.
Elle exprimait « une préoccupation profonde » face aux « graves restrictions » mises en œuvre sur la liberté de déplacement des Palestiniens, face aux violences des résidents d’implantations contre les civils et face à ce qu’elle qualifiait de « situation humanitaire catastrophique » à Gaza avant que le conflit actuel n’éclate.
La résolution demandait qu’Israël « cesse le déplacement forcé des civils », se référant en particulier au déplacement de certaines communautés bédouines ; que l’État juif cesse « le transfert de sa propre population dans les Territoires palestiniens occupés » et notamment à Jérusalem-Est ; qu’il mette un arrêt aux activités d’implantation et qu’il lève le blocus sur Gaza.
Le professeur Robbie Sabel, spécialiste de droit international à l’université Hébraïque, a indiqué que le but ultime de la requête d’avis consultatif était d’obtenir une reconnaissance, de la part des juges, que la gouvernance d’Israël en Cisjordanie était illégale, ainsi qu’une déclaration sur les éventuelles conséquences induites par cette illégalité.
Mais il a noté que la résolution ne comprenait pas d’argument juridique et qu’elle était plutôt un recueil de conclusions politiques tirées par l’Assemblée générale.
« Elle a d’ores et déjà déterminé qu’Israël est coupable de ces crimes, ils détermineront que ces territoires sont des territoires palestiniens alors que la question reste controversée », a indiqué Sabel.
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