A la découverte du nouveau salon de l’avenir durable en Israël
Le premier salon israélien consacré à l’innovation climatique a présenté des produits pour un avenir durable : crème glacée instantanée, arbres intelligents et stands recyclés
La file d’attente pour accéder au tout premier salon israélien consacré à la technologie climatique, à Tel Aviv, était longue mais pleine de bonne humeur et l’on entendait parler allemand, portugais, hébreu.
« Le fait que beaucoup, ici, portent jeans et t-shirts est le signe qu’ils viennent de l’industrie de la technologie et qu’ils viennent faire des affaires », a noté un participant, mercredi.
La file d’attente avançait doucement, au parc des expositions du Centre Rabin, lorsqu’un jeune homme, vêtu de l’”uniforme” de la tech a dit : « Je suis exposant », ce qui lui a valu d’être rapidement intégré à l’espace de conférence. « C’est un peu comme le sésame, dans la file d’attente à l’aéroport », a-t-il plaisanté.
La pandémie de COVID-19 a empêché les gens de voyager, tout comme elle a privé le monde des affaires de nombreuses foires et salons.
Il s’agissait là du tout premier salon israélien dédié à la technologie climatique mondiale, secteur en plein essor auquel les technologies israéliennes espèrent contribuer pour apporter des solutions aux défis majeurs que rencontre l’humanité.
Tomorrow.io, par exemple, développe des logiciels de renseignement météorologique, SeeTree a construit un réseau d’intelligence arborescente pour stimuler les cultures, Asterra, un système de satellites capable de localiser et d’analyser les fuites d’eau provenant des conduites souterraines, et Terra Space Lab (TSL) a présenté son système spatial de détection précoce et de surveillance des événements environnementaux tels que les incendies de forêt.
Les exposants étaient accueillis dans des structures temporaires faites de matériaux développés par UBQ, start-up qui valorise les déchets ménagers non triés en les transformant en un thermoplastique recyclé. Les panneaux en PVC multicouches fabriqués avec les produits UBQ ont remplacé les plastiques à base d’huile utilisés pour les infrastructures de conférence, dont l’empreinte carbone est bien plus élevée.
« Toutes ces structures ont été faites par nous », déclare Tato Bigio, co-PDG et co-fondateur de la startup, désignant avec fierté les structures carrées visibles sous un pavillon en forme de tente.
« Le secteur des technologies propres gagne du terrain en Israël, et il y a un nombre impressionnant de startups exposées aujourd’hui. »
Lorsqu’il a fondé UBQ, en 2012, explique-t-il, il n’y avait pas beaucoup d’entreprises de technologie climatique en Israël.
Lors du salon, la start-up foodtech Solato a offert aux participants de la crème glacée fraîche préparée sur place. J’ai personnellement dégusté une glace au parfum nocciola (noisette), faite à base de capsules semblables à celles utilisées par les machines à expresso, juste un peu plus grandes. Ces capsules, qui contiennent de l’eau, du concentré de fruits ou des noix, des fibres et du sucre sont insérées dans la machine à fabriquer la crème glacée – de la taille d’un petit refroidisseur d’eau de comptoir – qui lit le QR code et traite la demande. La capsule de polypropylène, une fois vidée de ses ingrédients, est utilisée pour servir la crème glacée.
Ce processus de fabrication de crème glacée consomme 85 % moins d’énergie qu’une méthode classique, car il requiert moins de réfrigération – la glace est servie sur place – et son empreinte carbone est inférieure de 95 %, affirme la société.
La concomitance de la production et de la consommation explique que les niveaux de sucre et de graisse soient également plus faibles, ajoute le technologue alimentaire Yaron Renasia, car ces deux éléments jouent le rôle de conservateurs dans le processus traditionnel de fabrication de la crème glacée.
Une autre start-up israélienne, Cellomat, promet la « révolution du reconditionnement des smartphones » grâce à sa machine à recycler les vieux smartphones.
Rattrapage de retard en matière de technologie climatique
Israël, que l’on qualifie souvent de Startup Nation pour ses prouesses dans tout ce qui concerne les nouvelles technologies, des logiciels à la cybertechnologie, en passant par l’intelligence artificielle et les semi-conducteurs, est en retard par rapport à d’autres pays dans le domaine des technologies climatiques. Mais c’est clairement en train de changer, car les décideurs, comme les citoyens du monde entier, se rendent à l’évidence qu’il s’agit d’un défi majeur et urgent.
Les entrepreneurs israéliens sont « attirés » par les problèmes considérés comme insolubles, assure Dror Bin, Directeur de l’Autorité israélienne de l’innovation, en marge de la réunion. « Ils aiment tout ce qui est de l’ordre de la ‘mission impossible’. »
Lorsque ce défi est associé à une énorme demande du marché et à d’importants capitaux, et partant du principe que le climat concerne tous les aspects de la vie et de l’activité humaines, ils s’impliquent à 100 %, explique-t-il.
« Je suis certain qu’entrepreneurs et investisseurs israéliens vont s’intéresser en nombre à ces questions », assure Bin au Times of Israel, « et être à l’avant-garde » de ces technologies.
En outre, la technologie climatique couvre un grand nombre de secteurs comme l’alimentation, la mobilité intelligente et l’énergie, offrant aux entrepreneurs la possibilité de démontrer leur talent dans le domaine qui les intéresse le plus.
Les startups israéliennes sont déjà leaders dans certains domaines, comme l’agriculture de précision, les protéines alternatives, la mobilité intelligente ou les nouveaux matériaux, précise-t-il.
« Nous pensons que nous aurons bientôt un fort écosystème sur toutes ces questions », ajoute-t-il. « Je ne manque jamais une occasion, en rendez-vous ou ailleurs, d’inviter entrepreneurs, investisseurs, organismes gouvernementaux et universités à s’intéresser à ce domaine. »
Organisé par l’ONG à but non lucratif PLANETech – consortium formé de l’Institut israélien pour l’innovation et du Business Group –, le salon s’est tenu en partenariat avec l’Autorité israélienne de l’innovation.
Plus de 1 500 participants israéliens étaient attendus, pour découvrir les travaux d’une centaine de startups et entreprises de technologie climatique, selon un communiqué des organisateurs, publié avant l’événement.
L’événement a attiré cinq des dix plus grands investisseurs mondiaux impliqués dans les technologies climatiques, dont Energy Impact Partners, Plug and Play Ventures et ENGIE New Ventures.
Selon ses organisateurs, l’un des principaux objectifs du Salon était de rappeler l’importance des technologies climatiques et présenter les solutions les plus innovantes que l’industrie israélienne avait à offrir.
Ilana Trombka, directrice générale du Sénat fédéral du Brésil, a indiqué être venue partager son expérience en matière d’égalité des sexes et de solutions innovantes avec Israël.
« Il y a un grand nombre de startups ici, toutes impliquées dans la réponse au changement climatique », en même temps que les personnes qui ont besoin de solutions, a-t-elle déclaré. « Si nous nous réunissons, ce sera plus facile de résoudre les problèmes. »
Selon PLANETech, il existe 694 startups dans les technologies climatiques en Israël, dans une variété de secteurs comprenant l’énergie, la mobilité, l’agriculture, l’alimentation, l’économie circulaire et l’eau.
Une startup sur sept créée en 2021 l’a été dans la technologie climatique, précisait PLANETech dans son dernier rapport, soit 14 % du nombre total de startups en Israël – 9 % l’année précédente.
Selon les chiffres fournis par l’Autorité israélienne de l’innovation, les investissements dans les entreprises israéliennes de technologie climatique, au premier semestre 2022, ont atteint près de 1,5 milliard de dollars. Pour l’ensemble de l’année 2021, le chiffre est proche de 2,5 milliards de dollars, contre un peu plus de 1,5 milliard de dollars en 2020.
Ces chiffres sont encore relativement faibles comparés aux sommes énormes investies dans d’autres secteurs technologiques en Israël.
L’investissement total dans le secteur technologique israélien a atteint 25,6 milliards de dollars en 2021. Mais la tendance est clairement à la hausse.
« Nous en sommes encore à la montée en puissance », assure Bin, de l’Autorité de l’innovation. Selon le rapport PLANETech, les investissements dans les entreprises de technologie climatique en Israël, de 2018 à 2021, ont augmenté de 340 %, 2,6 fois plus rapidement que les investissements mondiaux dans le secteur.
Lorsque nous le croisons, Joern-Carlos Kuntze, cofondateur et associé d’Extantia Capital, fonds de capital-risque basé en Allemagne qui investit dans les technologies climatiques et dispose de 300 millions d’euros d’actifs, prend un verre avec Oliver Schwarzer, directeur financier et partenaire du fonds.
Presque toute l’équipe de l’entreprise, composée d’une douzaine de personnes, a fait le déplacement à Tel Aviv, précise-t-il.
Extantia a réalisé des investissements d’un peu moins de 10 millions d’euros chacun dans trois startups israéliennes, dans le cadre d’un fonds de création récente, explique-t-il. L’un des investissements est notamment allé à H2Pro, société basée à Césarée, spécialisée dans la fabrication d’hydrogène à faible coût et en grande quantité, qui a également obtenu un financement du fondateur de Microsoft, Bill Gates.
Bien que Kuntze refuse de révéler le nom des deux autres startups israéliennes dans lesquelles Extantia a investi, il indique qu’elles opèrent dans les secteurs de l’énergie thermique et de la capture de l’air.
Les entreprises israéliennes représentent un quart du portefeuille d’investissement mondial d’Extantia, composé de 12 startups, ajoute-t-il. Le fonds de capital-risque a un représentant en Israël qui en cherche d’autres.
« Israël est resté en marge du secteur pendant un certain temps, probablement dans l’attente de ce que les autres faisaient », analyse Kuntze. « Mais maintenant, ils voient que l’Europe est très active et ils se rendent compte que la dépendance énergétique est un problème, et que c’est une menace qui nous concerne tous. »
« Le fait que nous soyons ici, avec toute notre équipe, montre l’intensité de notre engagement envers cette zone. Nous sommes persuadés qu’il y a un bon potentiel ici », assure-t-il au Times of Israel.
Les autorités et politiciens doivent s’assurer que les startups aient les moyens de mettre en œuvre et piloter leurs technologies localement, en supprimant les verrous a l’innovation, conclut-il.
« Il y a beaucoup de savoir, ici, et le climat peut clairement devenir un pilier de l’économie israélienne – et Israël, un leader des technologies climatiques. »