A la frontière d’Israël, un photographe remonte le temps
Edward Kaprov utilise du collodion humide pour "prendre des photos de la même manière que les premières prises en Terre sainte" et "établir un dialogue entre le passé et le futur"
Le long de la frontière israélienne avec Gaza, Edward Kaprov ajuste une dernière fois son imposant appareil photo à plaques, qu’on dirait tout droit sorti du XIXe siècle, pour figer en images une jeep de l’armée israélienne.
« Voyons ce que ça donne », lance-t-il en s’éloignant à grands pas de l’appareil perché sur un lourd trépied pour rejoindre sa chambre noire mobile installée dans une tente de pêche près du kibboutz Kissoufim, dans le sud d’Israël et proche de la bande de Gaza.
Partagé entre la photographie de presse et des projets personnels depuis deux décennies, Edward Kaprov, 43 ans, s’est mis ces dernières années à utiliser la méthode du collodion humide, développée au milieu du XIXe siècle en France, en Angleterre et aux Etats-Unis.
Après avoir débuté avec un appareil photo numérique une série sur les frontières israéliennes, il décide en 2015 de poursuivre ce projet avec des procédés datant de la naissance de la photographie.
Le but est de « prendre des photos de la même manière que les premières prises en Terre sainte, pour établir un dialogue entre le passé et le futur », explique-t-il.
Pour raviver la magie des premiers temps de la photographie, patience et rigueur sont de mise.
Le laborieux procédé, nécessitant des répliques du matériel de l’époque, n’a presque pas changé au fil du temps et n’incorpore aucune avancée technologique ou presque – tout juste Edward Kaprov a-t-il recours à son iPhone pour mesurer la lumière.
Collodion et nitrate
Le photographe commence par installer sa chambre noire dans la tente qu’il a dressée le long d’un champ de blé, avant de brosser la plaque de verre sur laquelle il va délicatement verser le collodion et de la plonger dans la solution de nitrate d’argent.
Retournant à l’appareil photo, il y dispose le verre, passe sa tête sous une couverture colorée, ouvre l’objectif, compte jusqu’à trois pour capturer l’image désirée, et récupère la plaque.
De retour sous la tente, il sort avec précaution la plaque toujours immergée dans le liquide, pour l’exposer au soleil. La jeep militaire capturée apparaît peu à peu sur le verre. Toute l’opération doit durer 10 à 15 minutes au maximum car le mélange sèche très vite.
L’intérêt de M. Kaprov pour les frontières s’inscrit dans sa propre quête d’identité en Israël, son pays depuis son départ de Sibérie (Russie) à 17 ans.
« Je n’ai pas vraiment réussi à me trouver depuis que j’ai quitté ma patrie natale. Je cherche toujours », affirme-t-il.
Cheveux courts, petite barbe et allure svelte, il passe ses journées sur le terrain à la recherche de vues intéressantes, en compagnie de son chien, un croisé de colley.
Israël est entouré de murs et de barrières imposantes censés protéger le pays. Ils tiennent à distance les randonneurs, offrant à Edward Kaprov des images brutes. Mais certaines de ses photos capturent des Israéliens riverains de la frontière avec la bande de Gaza.
D’une utopie à l’autre
« J’ai fui une utopie, mais je me suis retrouvé dans une autre utopie », philosophe-t-il sur son passage de la Russie anciennement soviétique à Israël.
Travailler au collodion réclame la plus grande concentration chez le photographe, mais aussi chez son sujet qui doit rester immobile et « entre dans un état méditatif », affirme Edward Kaprov. La spontanéité de la photographie moderne n’est pas de mise.
Le procédé suscite les rencontres: cet après-midi-là, les quatre parachutistes qui se trouvaient dans la jeep se sont approchés, intrigués. Ils ont ensuite accepté de poser dans le même décor avant de découvrir le résultat.
« Le résultat compte pour moi, mais il est clair que le processus lui-même occupe une place centrale », assure Edward Kaprov, avant de lancer, enthousiaste: « C’est comme de la magie, pour moi et pour tous ceux qui sont autour ».
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