A la frontière libanaise, les réservistes se préparent à un combat potentiel contre le Hezbollah
Des profs, des étudiants ou des employés de bureaux ont dû quitter en toute hâte leur quotidien et leurs familles ; ils disent se focaliser sur la mission qui est la leur sans s'attarder sur le 7 octobre
FRONTIÊRE NORD D’ISRAEL — Dans la matinée du 7 octobre, à 6 heures 45 du matin, alors que les terroristes du Hamas se lançaient dans leur prise d’assaut meurtrière et barbare des communautés et des bases militaires du sud d’Israël, Josh, 39 ans, père de deux enfants, a été réveillé par la sonnerie du téléphone. Son interlocuteur lui a fait part de tirs de roquettes émanant de la bande de Gaza.
Ne s’attendant guère à quelque chose de dramatique, il est sorti tranquillement de son lit. Il a quitté son habitation d’Ortal, sur le plateau du Golan, et il s’est dirigé vers le nord, laissant derrière lui son épouse et ses enfants. Il est arrivé à Odem, le kibboutz dont il est le gérant, et il s’est assuré que la communauté était prête à faire face à toute situation d’urgence susceptible de se poser.
Quand Josh (l’armée a demandé que son nom de famille et la localisation de son unité ne soient pas révélés), qui est aussi commandant dans une unité de blindés en tant que capitaine réserviste, est revenu chez lui, il a reçu un autre appel – le sommant, cette fois-ci, de se présenter à la base de sa brigade.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
L’ampleur de la catastrophe était encore floue et il ne savait pas – comme c’était aussi le cas des autres commandants de compagnie – si son unité serait mobilisée. Les hommes ont commencé à débattre des missions qui pourraient potentiellement leur être confiées jusqu’à 16 heures 30, l’heure où la brigade a été appelée en renfort. La compagnie de Josh a alors commencé affluer vers la base.
Dror, enseignant en Terminale dans une école religieuse pour garçons, âgé de 29 ans, était pour sa part au kibboutz Hispin, sur le plateau du Golan, en compagnie de son épouse et de sa fille en date du 7 octobre, pour fêter Simhat Torah. Les informations sur l’assaut sont difficilement parvenues à la communauté religieuse – mais il se rappelle avoir remarqué que les réservistes du kibboutz partaient les uns après les autres pendant la journée, alors qu’ils étaient progressivement rappelés.
Dror savait qu’il y avait des affrontements à proximité de Gaza mais il ne s’attendait pas à être mobilisé. Une fois que la fête s’est terminée et qu’il a pris connaissance du massacre commis par le Hamas, qui a fait plus de 1400 mort, Dror a su qu’il serait rappelé, lui aussi.
Lui et son épouse ont rapidement rassemblé leurs affaires puis ils sont rentrés chez eux.
« Je n’ai pas eu de doute sur ce que je devais faire. C’était tout aussi clair aux yeux de ma femme », explique Dror. « Elle a fait ses bagages pour partir chez ses parents ».
Il est arrivé sur sa base le 8 octobre à 1 heures du matin, rejoignant les trois autres membres de son équipe. Ils ont préparé leur char.
Ce jour-là, la compagnie a enregistré un taux d’enrôlement de 140 %.
Dimanche matin, Josh a reçu l’ordre de mission et de déploiement de sa compagnie. Destination : la frontière avec le Liban, pour s’assurer que le Hezbollah ne se lancerait pas dans le même type d’attaque que le Hamas avait commis la veille.
C’est le vélo, ça ne s’oublie pas
Trois semaines plus tard, le 29 octobre, dans un champ boueux entouré des forêts et des collines escarpées de la Haute-Galilée, la compagnie de Josh s’affaire autour des chars. Une file de véhicules blindés de transport de troupe est installée sur le devant d’un camp de fortune. Les réservistes ont dressé des tentes civiles hautes en couleur, qui leur servent de dortoir.
La compagnie comprend un large spectre de la société israélienne, même si la moitié environ est constituée de Juifs orthodoxes. Il y a là un immigrant néerlandais, un soldat sino-israélien et un officier druze.
Josh s’est concentré sur trois tâches essentielles depuis qu’il est arrivé sur la frontière qui sépare l’État juif du Liban au lendemain du massacre, confie-t-il au Times of Israel.
« La première, c’est d’apprendre à connaître le secteur », explique-t-il. « C’est d’apprendre à connaître les communautés, c’est d’apprendre à connaître les routes d’accès. C’est de décider quelle section ira à quelle communauté, c’est de décider quelle sera la position de chaque tank. »
Deuxième tâche : sonder la compagnie et s’assurer que les nouveaux réservistes se sont pleinement incorporés au sein de l’unité.
La dernière, note Josh, « c’est de se préparer pour le moment de vérité, à ce qui arrivera si nous devons franchir la frontière avec le Liban et aller combattre ».
Il compte lourdement sur les talents des commandants de char. « C’est le commandant qui regarde le soldat dans les yeux et qui sait très bien ce qu’il est en train de traverser ».
« En fin de compte, je compte sur le fait que les gens qui sont ici ont bien compris pourquoi ils sont là et ce que nous sommes en train de faire », s’exclame-t-il.
Roi, étudiant en neurobiologie à l’Université hébraïque et commandant de l’un des trois chars Merkava de l’unité, est âgé de 27 ans. Il dit porter toute son attention aux trois hommes qui se trouvent à ses côtés dans le tank.
« Il faut que je m’assure que l’équipage est prêt », dit-il. « Mentalement aussi. Je leur parle, je m’assure que nous sommes tous dans le même état d’esprit. Que nous sommes tous prêts pour les missions qui sont susceptibles de nous être données et aussi pour toutes les autres ».
Les soldats passent une grande partie de leurs journée à se former, à se perfectionner.
« Cela fait de nombreuses années que les tanks ne font plus partie de mon quotidien », déclare Dror. « On doit se rafraîchir la mémoire en refaisant les exercices que nous avons pu faire ces dernières années. Nous savons pertinemment qu’il ne s’agit pas ici de faire des exercices avant de repartir chez nous ; aujourd’hui, tout est important et chaque exercice doit être réalisé avec le plus de professionnalisme possible parce qu’on ne sait absolument pas ce que le futur nous réserve. Nous nous préparons aux missions avec l’idée qu’elles pourraient avoir lieu dès demain matin ».
Plus les forces israéliennes pourront s’exercer, indique-t-il, mieux ce sera pour elles – et pire ce sera pour le Hezbollah.
« Un exercice après l’autre, un entraînement après l’autre et les choses s’améliorent et deviennent plus automatiques, plus précises », continue-t-il.
« C’est comme faire du vélo », poursuit Dror. « On commence par le tricycle, puis on attaque le deux roues ».
Le Hezbollah, soutenu par l’Iran, a tiré des dizaines de missiles de précision anti-chars, de roquettes et d’obus de mortier vers des positions militaires israéliennes et vers les communautés du pays depuis l’assaut barbare du Hamas, le 7 octobre. Il a aussi envoyé des hommes armés – certains affiliés à des groupes terroristes palestiniens – qui ont tenté de s’infiltrer dans le nord de l’État juif. Plusieurs drones ont également été interceptés.
Tsahal a annoncé avoir frappé des dizaines de cellules terroristes dans le sud du Liban, ces derniers jours.
Vous mettez des œillères pour pouvoir faire ce que vous devez faire
Ces échanges hostiles ont conservé une portée limitée en termes d’ampleur. Israël a menacé le Hezbollah, disant que le Liban pairait le prix d’un renforcement de ses attaques.
Alors qu’ils s’entraînent et qu’ils se préparent à la possibilité de franchir la frontière libanaise, les soldats disent ne pas s’attarder sur le choc qu’ils ont ressenti le 7 octobre.
« Au moment où on vous appelle, et je sais que c’est aussi le cas de nombreux autres, vous vous concentrez sur la mission qu’on attend de vous », indique-t-il. Vous mettez des œillères pour pouvoir faire ce que vous devez faire ».
Il n’a pas regardé les listes recensant les noms des victimes décédées dans l’attaque barbare du Hamas : « J’ai peur que ça ait une influence sur moi ».
« Je comprends personnellement bien la gravité du moment mais j’ai fait le choix de ne pas trop y penser », explique Roi. « Je pourrai penser à tout ça, analyser les choses plus tard. Aujourd’hui, je me focalise davantage ce qu’on attend de nous, sur les missions qui nous sont confiées ».
Josh note que les officiers de son unité ont beaucoup évoqué la possibilité d’encourager la discussion autour des émotions et des craintes des soldats, de la nostalgie de leur foyer. « Actuellement, nous restons focalisés sur notre mission », dit-il, « mais si nous devons rester ici longtemps, il faudra qu’on détermine comment s’y prendre pour aborder ce genre de sujet ».
La nature du Bien
Même si les réservistes sont beaucoup plus âgés que les soldats qui font leur service et qui, en conséquent, s’entraînent tous les jours, ils ont d’autres avantages.
« Il y a le fait que tout le monde ici a été volontaire pour venir, que personne n’a été forcé à le faire », déclare Dror. « Nous avons aussi plus de maturité, nous avons des responsabilités plus grandes. J’ai laissé derrière moi une épouse, une fille, des parents et une fratrie et ça fait mieux comprendre la portée de la mission. On comprend mieux les raisons de notre combat, ici ».
La majorité des enseignants de son école ont été mobilisés, explique Dror, mais il tente de rester en contact avec ses élèves au maximum. « Les cours théoriques sur le sionisme et sur l’Histoire juive se sont transformés en travaux pratiques », ajoute-t-il.
La faille politique qui s’est déclarée dans le pays au cours des neuf mois qui ont précédé la guerre n’a pas disparu au sein de l’unité, affirme-t-il, mais elle a été contextualisée.
« Une personne avec laquelle vous auriez pu vous disputer sur Facebook est dorénavant assise à vos côtés dans un char », déclare Dror. « Même s’il y a des débats après tout ça – je pense personnellement qu’il y en aura – ils auront un certain sens de la mesure parce que 400 000 Israéliens sont rassemblés dorénavant sous les couleurs de l’uniforme. Il y a 8,5 millions de citoyens autour nous mais il y en a aussi un grand nombre ici ».
« Finalement, ce sont des citoyens qui sont ici avec toutes sortes de visions politiques, toutes sortes de visions du monde, et nous les accueillons tels qu’ils sont – comme ils nous accueillent eux-mêmes », continue-t-il. « Il apparaît très clairement que nous formons une nation même si l’ennemi a pu croire qu’il pourrait tirer profit de la situation – et qu’il s’est lourdement trompé. Il nous a fallu un moment pour comprendre qui nous sommes, ce que nous sommes mais ça s’est fait très vite, en réalité ».
Alors qu’ils défendent les villes situées sur la frontière nord d’Israël, les réservistes sont convaincus que leur cause est juste.
« Nous combattons au nom de notre capacité à exister, je pense que c’est clair », s’exclame Josh. « Il ne s’agit pas d’une agressivité israélienne qui s’exprimerait d’une manière ou d’une autre. C’est notre droit d’être ici. Nous affrontons des ennemis qui ne veulent pas que nous soyons ici et qui sont prêts à tout faire pour garantir que nous n’y resterons pas. Nous ferons tout, de notre côté, pour nous assurer que nous maintiendrons notre présence ici ».
Alors que certaines organisations et certains pays accusent Israël de commettre des crimes de guerre à Gaza, l’officier estime qu’il est « absurde que notre éthique de guerre soit utilisée pour tenter de réduire notre capacité de riposte ».
« Nous avons constaté la manière dont se comporte l’ennemi, dont il traite sa propre population ; je ne pense pas qu’il y ait une dilemme moral sur la justesse de notre cause et sur le caractère déterminant qu’aura notre victoire », indique-t-il.
Se battre contre le Hamas entre dans le cadre de la mission confiée aux Juifs d’apporter plus de Bien au monde, affirme Dror.
« Il y a ici des gens qui, dans la vie civile, sont éducateurs, thérapeutes, employés du secteur des hautes-technologies ; tous s’impliquent dans la nécessité de faire avancer le monde, de faire le Bien », fait-il remarquer. « Et nous sommes appelés à faire le Bien d’une autre façon. Personne ici n’a envie de tuer, de détruire ; nous ne sommes pas comme ça mais aujourd’hui, le Bien consiste à faire ce que nous faisons ici. »
Nous sommes venus faire le Bien et la nature du Bien est de vaincre le Mal
« Il est écrit dans la Torah que nous sommes appelés à être une bénédiction pour le monde », continue l’enseignant. « Parfois, la bénédiction est de s’asseoir devant un ordinateur ; parfois, la bénédiction est de s’asseoir derrière un bureau, devant une classe pour enseigner et parfois, la bénédiction, c’est lorsque le peuple Juif signale au monde ce qu’est le Mal, ce qu’est le terrorisme, ce que nous devons vaincre et ce même au prix de la guerre ».
« Nous sommes venus faire le Bien et la nature du Bien est de vaincre le Mal, » dit-il.
L’armée israélienne est à la bonne place pour l’emporter contre ce Mal, insiste Josh.
« Depuis mon service militaire, en 2003, et jusqu’à aujourd’hui, je n’avais jamais vu l’armée montrer tant de force, être si concentrée sur sa mission, si préparée », déclare-t-il. « Le prix à payer est très élevé mais le signal d’alarme activé lors du 7 octobre a gonflé à bloc nos capacités militaires, et nous en avons beaucoup ».
« L’ennemi n’a aucune chance », s’exclame-t-il.
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel