À la Knesset, la procureure générale réfute l’accusation d’application sélective de la loi
Le Shin Bet reconnaît avoir enquêté sur des forces de l’ordre, mais nie avoir collecté des informations sur des responsables politiques dans une affaire d'infiltration du mouvement kahaniste

La procureure générale Gali Baharav-Miara a nié toute partialité de son bureau dans l’enquête sur les fuites d’informations sensibles, affirmant aux députés lors d’une session dimanche de la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset « qu’il n’y a pas d’application sélective ».
S’adressant à l’audience, convoquée pour discuter des « préoccupations concernant l’application sélective en matière de fuites, la violation de la liberté de la presse et du droit de consulter un avocat par les enquêteurs et le Shin Bet », Baharav-Miara a insisté sur le fait que « le système judiciaire agit de manière cohérente, professionnelle et pertinente, selon des critères fixes appliqués à chaque affaire en fonction de ses circonstances ».
Après l’annonce en février de l’ouverture par le Shin Bet d’une enquête sur de possibles liens entre des conseillers du Premier ministre Benjamin Netanyahu et le Qatar, Netanyahu et ses partisans avaient accusé tant l’agence de sécurité que la procureure générale d’application sélective de la loi en enquêtant sur les rivaux politiques du Premier ministre.
La droite a également critiqué l’arrestation et l’interrogatoire du rédacteur en chef du Jerusalem Post, Zvika Klein, dans le cadre de cette affaire.
Eli Feldstein, conseiller de Netanyahu et principal suspect dans l’affaire « Qatargate », avait déjà été inculpé en novembre dans une autre affaire portant sur le vol et la fuite d’un document classifié de Tsahal transmis au quotidien allemand Bild pour influencer l’opinion publique en faveur du Premier ministre.
Toutefois, les enquêtes sur les fuites n’ont pas visé uniquement des alliés de Netanyahu.

Au début du mois, la police a interrogé le député de l’opposition, Gilad Kariv (Avoda), soupçonné d’avoir divulgué des informations classifiées issues d’une session à huis clos de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset.
Au cours de l’audience de dimanche, Baharav-Miara a expliqué que la décision d’ouvrir une enquête repose sur un « équilibre délicat » entre trois facteurs principaux : les dommages potentiels causés par la fuite, la probabilité d’identifier le responsable, et « l’effet dissuasif de l’ouverture d’une enquête ainsi que l’importance de la liberté de la presse ».

« Un examen ou une enquête ne sera ouvert que si les dommages ou les dommages potentiels résultant de la fuite d’informations sont significatifs et réels, et uniquement s’il existe des perspectives d’enquête », a-t-elle précisé dans une lettre adressée aux députés avant son témoignage.
Elle a également souligné que les enquêtes se concentrent généralement « sur ceux ayant divulgué des informations de manière non autorisée, et non sur les journalistes qui les publient ».
En réponse, la députée Tally Gotliv (Likud) a déclaré que Mme Baharav-Miara « ne comprend de toute façon rien aux affaires criminelles », tandis que son collègue Moshe Saada (Likud), a menacé que la procureure elle-même « n’échapperait pas » à une future enquête.
Bien qu’elle ait répondu de manière générale aux questions des députés, Baharav-Miara et son bureau ont refusé de s’exprimer sur des enquêtes spécifiques, affirmant avoir « donné instruction à [ses] collaborateurs de ne pas répondre aux questions concernant des affaires en cours, afin de ne pas influencer les enquêtes ou en révéler le contenu ».
« Nous n’avons pas reçu de réponses »
La liste de questions soumise en amont par le président de la commission, Simcha Rothman (HaTzionout HaDatit), « comprenait des interrogations portant sur des enquêtes ou des affaires en cours, assorties d’hypothèses infondées sur des motivations imaginaires attribuées au système judiciaire », a-t-elle déclaré.
Baharav-Miara est depuis longtemps la cible de la coalition de Netanyahu, les ministres ayant voté à l’unanimité en mars une motion de censure à son encontre, dans le but d’accélérer son limogeage.
Réagissant à son témoignage, Rothman, l’un des principaux architectes du projet de refonte judiciaire controversée du gouvernement, a jugé que ses propos étaient « totalement équivalents à dire ‘faites-moi confiance’ ».
« Le public jugera si la procureure générale a répondu aux questions qui lui avaient été transmises à l’avance et posées pendant la séance. À mon avis, elle ne l’a pas fait », a-t-il déclaré.

« On vous a demandé de fournir des données sur le nombre d’enquêtes ouvertes. Il existe des enquêtes closes pour lesquelles vous ne fournissez aucune information, et d’autres questions ne concernant pas des affaires en cours. Jusqu’à présent, nous n’avons pas reçu de réponses. »
« Culture du mensonge [et] politisation »
Après l’intervention de Baharav-Miara, un représentant du Shin Bet a nié que l’agence ait ordonné l’ouverture d’une enquête sur les fuites concernant les dirigeants politiques de l’État, tout en confirmant avoir lancé une investigation sur la prolifération d’idéologies extrémistes au sein des forces de l’ordre – provoquant de vives réactions d’élus de la coalition.
Le responsable a affirmé que, bien que « l’infiltration d’éléments terroristes kahanistes au sein des forces de l’ordre ait été et demeure une source de préoccupation, et que l’enquête ait porté sur ce sujet », « aucune information n’a été recueillie concernant un ministre ou un député ».
Le mois dernier, des informations avaient révélé que l’agence avait secrètement enquêté sur l’influence potentielle de l’extrême droite sur la police israélienne, en raison de soupçons d’ingérence politique de la part du cabinet du ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir.
En réponse aux remarques du fonctionnaire, Ben Gvir avait publié un communiqué accusant le chef du Shin Bet, Ronen Bar, de « culture du mensonge, de politisation et de fabrication d’affaires », mettant « en péril l’État d’Israël ».
« Contrairement aux démentis, le Shin Bet a espionné des ministres, des députés, le chef de la police [et] le commissaire de l’administration pénitentiaire israélienne, et a également – comme le révèlent les enregistrements – fabriqué une affaire contre un officier de police exceptionnel qui refusait de coopérer à des activités illégales », a affirmé Ben Gvir.
« Tout cela s’est fait avec la coopération active de la procureure générale, qui a recruté les services de renseignement pour fabriquer des affaires criminelles, dans le cadre ‘d’enquêtes’ sélectives et corrompues », a-t-il ajouté.
Plus tôt ce mois-ci, la chaîne publique Kan a diffusé un enregistrement du chef de la Division juive du Shin Bet, dans lequel on l’entend dire à Avishai Mualem — un officier supérieur de la police en Cisjordanie, soupçonné d’avoir fermé les yeux sur des attaques d’extrémistes juifs pour s’attirer les faveurs de Ben Gvir — que de jeunes habitants d’implantations radicalisés avaient été arrêtés et détenus sans preuve, les qualifiant au passage de « schmocks » (« crétins » en yiddish).
La semaine dernière, Netanyahu a diffusé un autre enregistrement dans lequel Mualem déclare au responsable du Shin Bet que « vous n’avez rien contre [le suspect] ».

Mualem a été arrêté en janvier, soupçonné d’abus d’autorité et d’entrave à une enquête pour corruption et autres délits.
S’adressant aux représentants des forces de l’ordre lors de l’audience, Rothman a reproché aux représentants des forces de l’ordre d’avoir « raté l’occasion de venir avec des chiffres et des données pour réfuter les accusations d’application sélective de la loi ».
« Vous ne convainquez personne ; au contraire, vous renforcez le sentiment que vous agissez de manière inappropriée », a-t-il déclaré.
« Violation du droit des députés »
La réunion de dimanche s’est tendue à plusieurs reprises. Après avoir été expulsée, comme d’autres députés d’opposition, la députée Pnina Tamano-Shata (HaMahane HaMamlahti) a dénoncé ce qu’elle a qualifié de « violation du droit des députés à s’exprimer, de réduction au silence et d’expulsion massive de députés de l’opposition ».
Elle a qualifié ces événements de « nouveau seuil d’abaissement » pour Rothman, sur fond de débat déjà « cynique » sur l’application sélective de la loi.

« Rothman nuit non seulement aux députés, mais aussi au droit de la population d’être entendue par l’intermédiaire de ses représentants élus », a-t-elle accusé, au milieu d’une vague de critiques émanant des parlementaires de l’opposition.
Parmi les députés expulsés au cours du débat figurait également Elazar Stern, du parti Yesh Atid, qui a crié « honte » à l’adresse de Rothman alors qu’il était escorté hors de la salle.