À la première fête Nova depuis le 7 octobre
La "fête de la guérison" à Tel Aviv a rassemblé 40 000 personnes, fans de transe et proches de disparus. Ils évoquent leurs traumatismes et montrent leurs tatouages, hommages aux morts
Près de neuf mois après l’assaut barbare des terroristes du Hamas sur le festival de musique Nova, qui a fait plus de 360 morts et 40 otages séquestrés à Gaza, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées, jeudi soir, dans le parc HaYarkon de Tel Aviv pour ce que les organisateurs ont qualifié de « fête de la guérison ».
Il s’agit en effet du tout premier événement officiel organisé par la tribu Nova depuis le 7 octobre, lorsque cette communauté de la musique trance est devenue le symbole du malheur qui a frappé d’Israël.
De nombreux rescapés du massacre, au cours duquel 300 personnes ont trouvé la mort, étaient là, pour rappeler le traumatisme du 7 octobre, lorsque des milliers de terroristes ont pris d’assaut le sud d’Israël pour y tuer 1 200 personnes, faire 251 otages et déclencher la guerre de Gaza.
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Il y avait aussi d’autres profils dans le public – qui, selon les organisateurs, a dépassé les 40 000 personnes –, assez différents des festivaliers du 7 octobre dernier. Des familles avec de jeunes enfants mangeaient des pommes de terre à côté de couples de septuagénaires en train de bouger les bras en rythme avec la musique.
Même la programmation musicale était sensiblement différente de celle de Nova. De grands DJ de trance – comme Captain Hook ou Astrix – ont mixé, mais il y a également eu des groupes de rock, des chanteurs pop et mizrahi, Comme The Giraffes, HaYehudim, Noga Erez, Ninet ou encore Zehava Ben.
Et dans la zone VIP, il y avait des spectateurs manifestement religieux – sans doute pas des rescapés du massacre du 7 octobre, qui tombait l’an dernier pendant Shabbat et la fête de Simhat Torah.
Deux d’entre eux, Tamar et David Amar, ont 15 de leurs proches venus à la rave d’octobre, programmée du jeudi soir au lundi, et rentrés chez eux le vendredi après-midi pour le Shabbat.
Leur frère Hanan, 37 ans, père de trois enfants, a assisté aux prières de Simhat Torah à la synagogue, le vendredi soir, avant de se rendre à la fête. Il a été assassiné à l’intérieur d’un abri anti-aérien dans lequel il s’était réfugié en bord de route.
Pour Tamar, cette fête de la guérison organisée par Nova est une première.
« J’ai voulu me sentir proche de mon frère, comprendre ce qui lui faisait aimer des événements comme celui-ci », explique-t-elle. « Il n’avait pas vraiment les pieds sur terre, alors que je suis tout le contraire, mais il m’a appris des choses. Il apportait sa lumière partout, c’était un être d’amour et de musique. Il nous a appris ce que signifiait de vivre le moment présent. »
Nir Haddad, un rescapé de la rave Nova, dit qu’il lui a fallu un certain temps pour remettre les pieds dans une soirée transe, qui se sont faites discrètes Israël après le 7 octobre.
« Au début, rien que le fait d’entendre la musique faisait tout ressurgir », confie-t-il. « Mais aujourd’hui, la musique est revenue et nous sommes ici pour rendre hommage à ceux que nous avons perdus, et devinez quoi ? Nous sommes encore plus forts qu’avant. Si nous arrêtons de vivre, là oui, ils auront gagné. »
Nir Shoval, un ado fou de musique trance et de heavy metal, dit que même s’il n’était pas à la rave Nova d’octobre, il se sent très proche de cette communauté. « Ils sont complètement fous, mais dans le bon sens. Ces gens sont incroyables et très amusants à fréquenter. Ce qui s’est passé le 7 octobre m’a profondément affecté. »
Sophie Barrs confie avoir ressenti des émotions très variées tout au long de la nuit.
« C’était assez extrême. A un instant, nous faisions de la méditation guidée et les larmes roulaient sur mes joues, et tout d’un coup, le DJ revenait et criait : ‘Nous allons danser à nouveau !’ et cette musique folle et joyeuse reprenait », explique Barrs en reprenant une phrase devenue le slogan de la résilience de la communauté Nova.
« C’était des montagnes russes émotionnelles. Et aussi une puissante preuve d’unité, de fraternité et d’amour. »
Darwish, fameux DJ de la scène trance, a expliqué au public que c’est son activité artistique qui lui avait permis de surmonter la douleur d’avoir perdu son fils, Laor Abramov- apprenti DJ – le 7 octobre dernier.
« On peut danser de douleur, de joie et d’amour », a-t-il déclaré. « Plus que jamais, en ce moment, nous avons besoin de pouvoir nous exprimer totalement, comme nous sommes. »
Mia Schem, enlevée lors de la rave avant d’être libérée 55 jours plus tard à la faveur d’un accord, s’est également adressée à la foule, pour demander de ne pas abandonner les 116 otages encore à Gaza.
« Il ne faut pas perdre la foi, ils vont rentrer : jamais nous ne cesserons de nous battre pour eux », a déclaré Schem. Elle a parlé de sa détention dans les tunnels de Gaza, quand elle tenait la main d’autres otages, et dit un psaume pour leur libération. « C’est l’un des moments les plus émouvants qui m’ait été donné de vivre. »
Schem s’est fait tatouer la phrase « Nous danserons à nouveau » après sa libération de Gaza. Nombre de ceux qui ont pris part à la fête de jeudi s’étaient fait tatouer depuis le massacre, puisant à la fois dans l’esthétique transe et la symbolique ô combien forte du tatouage, pour les Juifs, depuis la tragédie de la Shoah.
Kfir Azulay, venu avec sa mère Linda, a fait du dernier SMS de son défunt frère Yonatan un tatouage sur son avant-bras : « Je me sens mal, mais le bonheur est la source de toutes les bénédictions. »
Sa mère, Linda, qui arborait un T-shirt avec une photo de Yonatan et le drapeau israélien, était au téléphone avec son fils lorsqu’un lance-grenade l’a frappé. Neuf mois plus tard, elle dit ne pas parvenir à trouver le réconfort.
« Cela devient plus difficile avec le temps, pas plus facile. Avec lui, la maison était pleine de lumière, alors qu’aujourd’hui, c’est Tisha BeAv tous les jours chez nous », confie-t-elle en parlant du jour de deuil juif.
Uzi Yochananof s’est fait tatouer plusieurs fois depuis le massacre de la rave dont il était un bénévole, avec sa sœur. Ils y coupaient des pastèques et distribuaient de l’eau.
Mona Chen-Tov, fan autoproclamée de trance âgée d’une soixantaine d’années, arbore sur son avant-bras un tatouage jaune nimbé d’une lumière noire avec la date de l’attaque du Hamas. Elle danse et distribue des petits mots, ici comme lors de la rave Nova du 7 octobre. Certains la reconnaissent.
D’autres, à l’instar d’Alejandro Lopez et Elad Jolles, se sont fait tatouer la date et le logo de Nova.
« Le tatouage est pour moi une étape importante. On se le fait faire et on peut passer à autre chose », explique Jolles.
Un autre, Omer Shitrit, montre un tatouage inspiré du personnage de Marvel Groot en train de rendre hommage à son ami assassiné, Segev Shushan. Tout comme Shitrit, Shushan – qui a été assassiné en même temps que sa petite amie Anita Lisman – était photographe. Depuis le 7 octobre dernier, Shitrit est allé à plusieurs soirées transe pour y faire des photos.
« Nous montrons que nous sommes toujours là et que nous n’oublierons pas », conclut-il.
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