À deux doigts de la victoire ? Netanyahu dit qu’il ne parlait pas au sens strict du terme
Le Premier ministre dit à la presse étrangère explique que la prise de Rafah allait « ouvrir la voie » au triomphe et réaffirme la nécessité de maintenir le corridor de Philadelphi
Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Lors d’une conférence de presse donnée mercredi à la presse étrangère, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a exposé ses positions sur l’état de la guerre à Gaza, et en particulier sa nouvelle focalisation sur la frontière de la bande avec l’Égypte, connue sous le nom de corridor de Philadelphi, et son refus de retirer les troupes israéliennes de là pour un accord potentiel de cessez-le-feu et de libération d’otages.
le Premier ministre Benjamin Netanyahu a débuté son discours visiblement ému, peinant à raconter les excuses qu’il a présentées à la famille d’Alex Lobanov pour ne pas avoir réussi à le libérer de Gaza, comme pour cinq autres otages.
Netanyahu a dit très bien comprendre ce que c’est que d’être une famille endeuillée. « C’est une horreur », a-t-il déclaré avec gravité.
Il a ensuite rappelé les atrocités commises le 7 octobre, déclarant que « le 7 octobre, nous avons connu la pire sauvagerie de ce siècle ».
Il a évoqué les meurtres, les viols et les enlèvements perpétrés par le groupe terroriste du Hamas le 7 octobre.
Ces sauvages, ces terroristes implantés par l’Iran près de notre frontière, comme ailleurs, et que nous sommes déterminés à vaincre », a-t-il déclaré. Nous sommes déterminés à les vaincre, à extirper ce mal de nos rangs ».
Il a ensuite repris l’essentiel de la présentation qu’il avait faite la veille en hébreu sur le corridor de Philadelphi.
Il a ensuite été invité à expliquer sa déclaration d’avril selon laquelle Israël n’était « qu’à deux doigts de la victoire » contre le groupe terroriste palestinien du Hamas. Cinq mois plus tard, le pays semble encore loin d’avoir atteint cet objectif insaisissable, et le conseiller à la Sécurité nationale, Tzachi Hanegbi, a indiqué que la guerre se poursuivrait probablement jusqu’en 2025.
« Ce que je voulais dire [à l’époque], c’est que nous étions à un pas de l’élément critique qui ouvrira la voie à la victoire », a indiqué Netanyahu lors de la conférence de presse en anglais, faisant référence à l’offensive de Rafah qu’Israël a lancée au début du mois de mai.
« Je ne pensais pas qu’il nous serait possible de remporter cette victoire sans entrer dans Rafah, et j’ai résisté à de nombreuses pressions internationales et américaines [afin] de pouvoir pénétrer dans Rafah et [de prendre] Philadelphi », a-t-il ajouté.
« Nous sommes aujourd’hui en mesure d’anéantir le Hamas militairement. Il reste encore du travail à faire pour détruire ses capacités de gouvernance », a-t-il poursuivi. « Je ne veux pas administrer Gaza, mais je veux en retirer le Hamas. »
Le Premier ministre a réitéré sa demande de maintenir une présence de Tsahal à la frontière entre Gaza et l’Égypte pendant la première phase d’un éventuel accord de cessez-le-feu, même si elle est réduite.
« Si Israël quitte le corridor, il ne pourra plus y revenir », a-t-il déclaré. « Nous ne partirons pas pendant les 42 jours de la première phase d’un éventuel accord sur les otages. Nous resterons sur place. » Face aux critiques, il a répondu : « Certains disent que si nous restons, l’accord ne sera pas respecté. Mais je leur réponds qu’un tel accord signerait notre perte. »
Il a également précisé que si Israël quittait la frontière entre Gaza et l’Égypte, « nous pourrions libérer quelques otages – ils nous les remettraient. Mais la majorité resterait entre leurs mains. Israël perdrait alors son principal levier de pression sur le Hamas. »
Comme lors de son échange avec les journalistes israéliens en début de semaine, Netanyahu a utilisé une carte pour illustrer son propos pour démontrer aux journalistes qu’il était impératif de maintenir les troupes de Tsahal stationnées le long de la frontière.
Depuis que la région frontalière a été prise en mai, les troupes israéliennes ont découvert de nombreux tunnels de contrebande, utilisés par le Hamas pour s’armer massivement ces dernières années. Le corridor de Philadelphi est devenu un point de blocage dans les négociations sur les otages. Netanyahu a déclaré qu’Israël ne se retirerait pas, tandis que le Hamas exige un retrait total des troupes israéliennes comme condition minimale.
En soulignant la proximité entre l’enclave palestinienne et les villes frontalières israéliennes, ainsi que Jérusalem, Tel Aviv et Beer Sheva, Netanyahu a insisté sur le rôle stratégique du corridor de Philadelphie pour l’armement du Hamas. Il a affirmé que cette capacité à se réarmer avait conduit au massacre du 7 octobre.
Netanyahu a ajouté que la controle de la frontière était nécessaire non seulement pour empêcher le Hamas de terroriser Israël, mais aussi pour l’empêcher de « terroriser la population de Gaza ».
« Gaza n’a aucun avenir si la frontière reste poreuse et si le réarmement via le corridor de Philadelphi est permis », a-t-il averti.
Une grande partie des responsables de la Défense sont en désaccord avec Netanyahu. Des hauts responsables, dont le ministre de la Défense et le chef d’état-major, estiment qu’Israël pourrait se retirer temporairement du corridor de Philadelphi et y revenir plus tard si nécessaire. Ils considèrent qu’un retrait, même provisoire, est crucial pour maximiser les chances de libérer les otages en vie.
Dans l’opposition, les critiques reprochent à Netanyahu d’avoir ignoré la question de Philadelphi jusqu’à récemment, l’accusant d’utiliser ce sujet comme prétexte pour faire échouer tout accord. Netanyahu, de son côté, soutient que « si vous voulez libérer les otages, vous devez maintenir le contrôle du corridor de Philadelphi » afin de conserver la pression sur le Hamas.
Lorsqu’il a été interrogé sur les raisons pour lesquelles Israël a attendu sept mois après le début du conflit pour s’emparer de la frontière entre Gaza et l’Égypte, Netanyahu n’a pas donné de réponse directe, se contentant de dire que la stratégie militaire, approuvée par les dirigeants politiques, visait d’abord à sécuriser le nord de Gaza avant de se tourner vers le sud.
C’est grâce à cette avancée que Tsahal a pu éliminer près de 20 000 terroristes du Hamas, dont certains de ses principaux commandants, et prendre le contrôle de la ville de Gaza ainsi que de l’hôpital Al-Shifa, utilisé par le Hamas comme centre de commandement.
Netanyahu a insisté sur le fait que son plan depuis le début était de pénétrer à Rafah et de prendre le contrôle du corridor de Philadelphi.
« Cela a pris du temps, mais c’est une progression militaire qui nous a permis d’arriver à ce stade. Aujourd’hui, nous y sommes », a-t-il déclaré. « Si nous partons, nous ne reviendrons pas. Vous le savez.
Tout le monde ici le sait », a-t-il ajouté, en soulignant que des pressions diplomatiques empêcheraient tout retour.
Netanyahu a également averti que, sans contrôle du corridor, le Hamas pourrait faire sortir clandestinement des otages vers l’Iran ou le Yémen, bien que de telles craintes n’aient émergé qu’après la prise de la frontière par Tsahal en mai.
« Nous parlons de la première phase – 42 jours [pendant lesquels] nous restons sur place avec une présence quelque peu réduite parce que nous n’avons pas besoin d’une force aussi importante sur place », a-t-il déclaré.
Au cours de cette première phase, Israël a accepté d’entamer des discussions sur un cessez-le-feu permanent, qui constitue la deuxième phase de l’accord, a déclaré Netanyahu.
Il a insisté sur le fait que Gaza ne resterait démilitarisée que si le corridor de Philadelphi « était fermement contrôlé et ne servait pas de voie d’approvisionnement en armes et équipements terroristes », sans préciser explicitement que ce contrôle devait être exercé par Israël.
Il a simplement déclaré qu’une « force devait être tenue sur les lieux » laissant entendre qu’il faisait allusion à des arrangements d’après-guerre, tout en affirmant que peu importait qui contrôlait la zone, tant que la frontière restait hermétique.
Netanyahu a montré des images des tunnels construits par le Hamas sous le corridor de Philadelphi, soulignant leur ampleur en déclarant : « C’est un problème énorme, vraiment énorme. »
« Amenez-moi n’importe qui capable de prouver – pas sur papier, pas avec des mots ou des présentations, mais sur le terrain, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois – qu’il peut véritablement empêcher que ce qui s’est passé ne se reproduise », a-t-il déclaré.
« Nous sommes prêts à envisager cette option, mais je doute qu’elle se concrétise. Tant que cela ne se produit pas, nous ne quitterons pas la zone », a affirmé Netanyahu.
Il a rappelé que le cessez-le-feu de novembre, qui avait permis la libération de plus de 100 otages, avait été obtenu grâce à « notre invasion de Gaza et la pression militaire exercée. Le Hamas nous a rendu les otages. Après cela, il s’est dit : ‘La communauté internationale va exercer une pression sur Israël et nous ne devrons plus faire de concessions’.
« Mais après [l’invasion de] Rafah, ils ont changé d’avis », a-t-il déclaré. « Si nous quittons Rafah, si nous quittons le corridor de Philadelphi, il n’y aura pas de [leviers] de pression. Nous ne récupérerons pas les otages. »
Haaretz a cité une source de la coalition proche du gouvernement qui affirme, sous couvert de l’anonymat, que le Premier ministre Benjamin Netanyahu aurait décidé il y a plusieurs semaines qu’il ne voulait pas conclure un accord de « trêve contre libération d’otages » en raison de la pression exercée par ses partenaires d’extrême-droite de coalition.
« Il a constaté que la question du corridor stratégique de Philadelphie lui permettait de s’assurer le soutien de la droite modérée et qu’il pouvait gagner des points sur ce point. »
Le quotidien révèle que la source anonyme n’est pas le ministre de la Défense Yoav Gallant, qui s’est disputé sur la question avec Netanyahu, ce qui indique que le mécontentement à l’égard du Premier ministre au sein de la coalition va au-delà du ministre de la Défense
« Aucun des ministres, même ceux qui savent que Netanyahu est en train de saborder l’accord, ne fera quoi que ce soit. Leur survie politique dépend de la durée de vie du gouvernement, et cette situation va donc perdurer. Netanyahu conduira à une guerre sans fin parce que c’est ce qui est le mieux pour lui », selon la source.
Lors du point de presse, Netanyahu a été interrogé sur le nombre de morts civils à Gaza. Selon le ministère de la Santé dirigé par le Hamas, le bilan total de la guerre s’élèverait à près de 41 000 morts, mais il ne fait pas de distinction entre civils et terroristes.
Netanyahu a indiqué qu’entre 17 000 à 18 000 terroristes du Hamas avaient été tués, et a reconnu que ce chiffre correspondait à peu près au nombre de civils tués.
Il a souligné que, malgré la densité de Gaza et son réseau de tunnels, Tsahal avait réussi à obtenir « le plus faible ratio civils/terroristes de l’histoire de la guerre urbaine moderne, soit 1 pour 1 ».
Il a rappelé qu’Israël prenait des précautions pour réduire les pertes civiles et qu’une campagne massive de vaccination contre la polio avait été lancée à Gaza.
« Chaque mort civile est pour nous une tragédie, tandis que pour le Hamas, c’est une stratégie », a déclaré Netanyahu.
Il a également souligné qu’Israël avait tout mis en œuvre pour garantir la sécurité des Palestiniens avant de lancer ses attaques. Il a rappelé les critiques internationales féroces auxquelles Israël a dû faire face lors de l’évacuation d’un million de Palestiniens de Rafah avant d’y lancer son offensive.
Il a néanmoins affirmé que l’évacuation s’était déroulée sans incident majeur et que les prédictions de pertes civiles massives se sont révélées infondées.
« Soyez honnêtes », a-t-il lancé à la presse étrangère, « vous nous avez accusés de quelque chose de scandaleux, alors qu’en réalité, ces accusations étaient outrageusement fausses ». Il a ajouté : « L’armée israélienne accomplit des actions qu’aucune autre armée n’a jamais réalisées dans l’histoire, et elle continuera de le faire. »
Selon différents groupes d’aide humanitaire, les évacuations successives des Palestiniens déplacés par la guerre ont engendré des conditions catastrophiques, incluant un manque d’eau potable et des problèmes d’assainissement graves, responsables d’une recrudescence des maladies.
Interrogé sur l’idée que le corridor de Philadelphi serait le seul obstacle à un accord, Netanyahu a ridiculisé cette hypothèse. Il a précisé qu’il existait d’autres points de désaccord, notamment le ratio entre otages et terroristes, ainsi que la volonté d’Israël d’exercer un veto sur la libération de certains terroristes et d’en exiler d’autres.
« Le Hamas a tout refusé », a-t-il conclu. « Nous tentons de trouver un terrain d’entente pour entamer des négociations, mais ils s’y opposent. »