A l’ère du Premier Temple, il y avait un autre lieu de culte près de Jérusalem
Des fouilles sont en cours sur le site d'un lieu de culte datant du 10e siècle avant l'ère commune à Motza, dans la Judée antique, à environ 7 kilomètres du mont du Temple
- Photo aérienne du temple de Motza à la fin de la saison de fouilles 2013 (Crédit : P. Partouche, SkyView)
- Figurine représentant un cheval découverte au temple de Motza (Crédit : Clara Amit/IAA)
- Des figurines anciennes découvertes à Tel Motza (Crédit: Clara Amit/Autorisation de l'IAA)
- Figurine représentant un bélier trouvée au temple de Motza, aux abords de Jérusalem (Crédit: Yael Yolovitch/Israel Antiquities Authority)
Le temple de Salomon, sur le mont du Temple, n’a probablement pas été un lieu de culte unique et centralisé dans la région de la Judée en terre sainte, selon les résultats de recherches récemment publiés dans la revue Biblical Archaeology Review par une équipe d’archéologues de l’université de Tel Aviv et de l’Autorité israélienne des antiquités.
Un complexe de temple massif datant de la deuxième période de l’âge de Fer, qui s’est étendue de l’an 900 avant l’ère commune environ jusqu’au début du 6e siècle avant l’ère commune, fait actuellement l’objet de fouilles à Tel Motza, à seulement sept kilomètres au nord-ouest de la cité de David, à Jérusalem.
Initialement découvert en 2012, le temple de Motza est contemporain du Premier temple de Jérusalem et repose sur le même plan architectural.
Sa taille aurait représenté environ deux tiers de la taille du Premier temple et a été probablement érigé par les mêmes constructeurs venus dans la région depuis la Syrie, au nord, comme décrit dans la Bible, a révélé lundi Shua Kisilevitz de l’Autorité israélienne des antiquités (AAI) au Times of Israel.
En raison de la proximité de Motza avec le Premier temple de Jérusalem, les principaux chercheurs travaillant sur ces fouilles, Shua Kisilevitz et le professeur Oded Lipschits de l’institut d’archéologie Sonia et Marco Nadler de l’université de Tel Aviv, présument que ce lieu de culte séparé avait dû être approuvé par l’administration de la « branche principale » de Jérusalem.
« Il est impossible d’avoir pu construire un temple aussi monumental et majeur à une telle proximité de Jérusalem sans qu’il n’ait été autorisé par le système au pouvoir », explique Shua Kisilevitz.
Le fait que le temple de Motza ait fonctionné parallèlement au site plus grand de Jérusalem signifie qu’il avait été « probablement placé sous les auspices de Jérusalem », estime-t-elle, ce qui remet largement en cause la conception contemporaine des pratiques religieuses pendant cette période légendaire de la monarchie unifiée et ultérieurement.

Selon Shua Kisilevitz, tandis que le périmètre entier de la structure de Motza reste à découvrir, les fouilles ont jusqu’à présent donné toutes les indications possibles de l’existence d’un lieu de culte parallèle.
« C’est presque comme une liste de vérifications de ce que nous nous attendions à trouver – même si, bien entendu, nous aimerions en trouver plus – mais c’est davantage que ce qui a pu être trouvé jusqu’à présent dans la région », note Shua Kisilevitz.
Elle note l’orientation est-ouest de l’édifice et un agencement qui consiste en une cour et en un large bâtiment rectangulaire. Ce type de plan avait été développé au Proche-Orient, au troisième millénaire avant l’ère commune et on le retrouve dans d’autres lieux de culte de la région, notamment au temple de Jérusalem et en Syrie, à ‘Ain Dara et à Tell Ta‘yinat.
Un autel retrouvé dans la cour de Motza, positionné directement en face de l’entrée du bâtiment, est une autre vérification figurant sur la liste de Kisilevitz. Un temple n’est pas un endroit où entraient les fidèles ; ils se rassemblaient plutôt dans la cour.
« C’est là que nous nous attendons à trouver des vestiges de ces activités », clame-t-elle.
Parmi les vestiges déjà retrouvés, une table d’offrande en pierre et « un lot entier d’objets » – des figurines, des supports pour le culte et des calices, qui avaient pu être apportés par les pénitents et qui auraient servi à « meubler » le temple.
Autre élément parlant, une décharge à ordures avoisinante où l’équipe a découvert des ossements et des morceaux de poteries. Shua Kisilevitz explique qu’elle était utilisée de la même manière que les Juifs, aujourd’hui, utilisent une geniza pour les textes sacrés.
« Tout ce que vous pouvez utiliser dans un temple, animal ou récipient, est gorgé de symbolisme religieux et devient sacré en soi dès lors qu’on l’utilise pour un rituel religieux. On ne peut donc pas le jeter ; on le dépose plutôt dans une extrémité sacrée », dit-elle.

Les quatre figurines découvertes sur le site – deux à forme humaine et deux représentant un cheval – pourraient indiquer que le temple avait été utilisé pour adorer une variété de dieux et pas seulement Yahvé, comme à Jérusalem.
Kisilevitz note que la Bible évoque deux réformes religieuses qui avaient été décidées par le roi Ezéchias et par le roi Josué, et elle ajoute ironiquement que le fait qu’il y en ait eu deux dit énormément des pratiques de culte largement présentes qui avaient été interdites.
Selon le récit biblique, les rois avaient consolidé les pratiques religieuses au temple de Jérusalem et éliminé les activités de culte au-delà de ses frontières.
Elle maintient que les figurines – ou idoles – ne faisaient pas nécessairement l’objet d’un culte mais qu’elles étaient des intermédiaires avec le ou les déités.
« Nous devons penser les choses en les replaçant dans le contexte… Au Proche-Orient, dans l’antiquité, les temples étaient les maisons des dieux au sens littéral », rappelle-t-elle.
« Alors en plus de la nourriture, de la boisson et des offrandes, ces figurines étaient un moyen de rappeler au dieu que vous étiez là et que vous aviez fait une requête », s’amuse-t-elle.

Il est toutefois impossible de dire précisément quand les habitants du royaume de Juda ont abandonné le polythéisme et que Yahvé est devenu le seul dieu, ajoute-t-elle.
« Si nous pouvions nous transporter en Judée, au 8e siècle », poursuit-elle, « nous serions sidérés » par les différences dans les pratiques cultuelles de l’époque et celles d’aujourd’hui, affirme-t-elle.
Ce que de futures fouilles pourraient découvrir
Le plan du sol du temple de Motza reste encore indéterminé, certaines parties des murs étant encore ensevelies. Les archéologues espèrent en découvrir davantage lors des saisons 2020 et 2021, au printemps, avec l’aide d’une équipe de 50 personnes, notamment des membres du personnel et des étudiants de l’université de Tel Aviv, de l’université Charles (de Prague, en République tchèque), de l’université Osnabrück, en Allemagne, et de l’UCLA aux États-Unis, selon le communiqué de presse de l’université de Tel Aviv.
Autre question en suspens à laquelle l’équipe espère apporter une réponse, celle de savoir quand le temple a cessé d’être utilisé comme lieu de culte.
« Jusqu’à quand il a été utilisé est une question déterminante », indique Shua Kisilevitz. Les chercheurs veulent savoir s’il a continué à être utilisé comme temple après les réformes instituées par le roi Josué, entre l’an 640 et 609 avant l’ère commune.
« Malheureusement, nous n’avons pas encore de réponse », ajoute-t-elle.
Selon le site internet consacré aux fouilles, il y a eu de nombreuses études entreprises sur le site – d’abord des excavations de préservation qui ont été réalisées avant la construction d’une nouvelle route vers Jérusalem, en 1993, 2002, 2003, et pendant les années 2012–2013. Pendant ces fouilles, les archéologues avaient découvert que cette zone fertile avait été d’abord habitée il y a 9 000 ans et que la présence humaine y a été presque continue jusqu’à aujourd’hui.
Selon le site internet, le secteur est « situé vers le bas d’une pente descendant d’un col, entourée de ruisseaux et de terres agricoles, et dominant l’entrée vers Jérusalem le long d’une route ancienne s’étendant des terres basses (la plaine côtière et Shephelah) jusqu’à la région centrale vallonnée. Les vallées de Soreq et de Moẓa/Arza convergent à la base de la pente et forment un vaste bassin connu pour son sol fertile et ses flux hydrauliques saisonniers ».
Le grand nombre d’artefacts datant de la seconde période de l’Age de fer (du 10e au 6e siècle avant l’ère commune) qui a été découvert au cours des précédentes fouilles avait permis aux archéologues d’identifier le site comme étant celui de la Mozah biblique, qui apparaît dans le livre de Josué 18 comme étant une ville du territoire de la tribu de Benjamin.

En 2009, les archéologues Zvi Greenhut et Alon De Groot avaient déclaré que le site était « un grenier royal spécialisé dans le stockage des grains qui fournissait avant tout ses produits à Jérusalem » sur la base de la découverte de dizaines de silos et de structures de stockage. Grâce à la richesse accumulée par le biais de ce commerce, il semble que les résidents de Motzah aient pu construire et maintenir leur propre temple.
Ils n’avaient pas été les seuls à mener des activités de culte hors de Jérusalem – des vestiges d’idoles ont été retrouvés à Beit Shemesh, et des fouilles antérieures ont permis de découvrir un petit lieu de culte du 8e siècle avant l’ère commune à Arad, ainsi que des salles de culte présumées à Lachish.

Jusqu’à cette découverte faite à Motza, il n’y avait jamais eu de temple massif et construit à dessein connu dans la région de Judée, en dehors de Jérusalem, mais Kisilevitz ne pense pas qu’il sera le dernier.
« Il y a eu, c’est sûr, des activités liées au culte dans toute la région. Je pense qu’à un moment, on découvrira davantage de temples », explique-t-elle. Les populations de l’époque accomplissaient clairement « des actes liés au culte », ajoute-t-elle, présumant que toute implantation, en fonction de sa taille et de ses ressources, devait compter une telle structure.
Le temple de Motza apporte toutefois la preuve que les prêcheurs de Jérusalem avaient approuvé l’idée d’un tel culte.
« Malgré les narratifs bibliques qui décrivent les réformes d’Ezéchias et de Josué, il y avait en Judée des temples qui étaient autorisés en plus du temple officiel de Jérusalem », note Lipschits dans un communiqué de presse de l’université de Tel Aviv. Nos découvertes, jusqu’à présent, changent fondamentalement la manière dont nous comprenions les pratiques religieuses des Judaïtes ».
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