À l’ombre d’Auschwitz, un musée commémore une ancienne communauté juive polonaise
Avant que les nazis ne choisissent Oswiciem comme site du tristement célèbre camp de la mort, les Juifs y ont prospéré pendant 5 siècles ; aujourd'hui, la dernière Juive à y résider perpétue leur mémoire

Oświęcim, Pologne – Avant que leur ville ne devienne tristement célèbre dans le monde entier pour avoir abrité le plus meurtrier des camps d’extermination nazis pendant la Shoah, les Juifs d’Oświęcim vivaient en relative harmonie avec leurs voisins chrétiens pendant près de 500 ans.
À l’occasion de la Journée internationale de commémoration de la Shoah, une visite du musée juif de la ville a révélé l’existence d’une communauté prospère où, à son apogée avant la Seconde Guerre mondiale, les Juifs représentaient 60 % de la population et entretenaient 29 synagogues et institutions religieuses.
« Les 7 500 Juifs qui vivaient ici avant la guerre comprenaient un mélange varié et dynamique de Juifs traditionnels et non religieux, ainsi que des Hassidim de Tzanz, de Satmar et d’autres communautés », a expliqué Hila Weisz-Gut, une Israélienne de 34 ans qui a conduit la visite du musée juif d’Oshpitzin.
« Aujourd’hui, la communauté n’est plus. Je suis la seule juive ici », a déclaré Weisz-Gut, qui vit à Oświęcim depuis un an et demi.
« Seule une poignée de Juifs est revenue ici après la Shoah et la plupart d’entre eux sont partis dans les années 1960. Avant moi, le dernier Juif ici, qui possédait l’un des bâtiments du musée, était un survivant nommé Szymon Kluger, décédé en 2000. »
Weisz-Gut s’est installée à Oświęcim pour effectuer un stage au Centre juif d’Auschwitz dans le cadre de son programme de maîtrise en études sur la Shoah de l’Université de Haïfa, et espère retourner vivre en Israël. Elle voit les murs du camp de concentration depuis sa maison et considère son rôle de gardienne du musée comme une réfutation du plan d’Adolf Hitler visant à détruire la nation juive, a-t-elle expliqué.

« La communauté présente ici aujourd’hui est très tolérante et accueillante, et elle veut simplement cesser de vivre dans l’ombre de la haine et aller de l’avant », a ajouté Weisz-Gut.
Un emplacement stratégique
Probablement fondée par des Slaves il y a 800 ans, Oświęcim a été adoptée par les Juifs qui s’y sont installés comme un endroit agréable à vivre. Ils l’appelaient même Oshpitzin en yiddish, d’après le mot araméen désignant « les invités ». (Une vague d’attaques anti-Juifs entre 1918 et 1921 a été l’exception, et non la règle, a noté Weisz-Gut).
La ville se situe presque exactement au centre du continent européen, à un carrefour géographique entre l’Europe, l’Asie et le Moyen-Orient, ce qui en fait un lieu stratégique pour la construction d’un camp de concentration.
« Cet emplacement est une plaque tournante naturelle pour les transports. Aujourd’hui encore, il y a 14 lignes de chemin de fer ici », a indiqué Weisz-Gut.
« C’est un endroit très central pour déporter les gens de Russie, et la plupart des Juifs se trouvaient déjà dans l’est de la Pologne à l’époque. Les Allemands avaient déjà pris possession de nombreux bâtiments ici, de sorte qu’il était relativement facile d’y installer un camp. »
En outre, les nazis avaient peut-être prévu d’utiliser la fabrique de liqueurs Haberfeld, située à proximité, qu’ils avaient volée à la famille juive qui l’avait fondée, et de produire du carburant dans une installation pétrolière de la région. Toutefois, ces projets ne se sont jamais concrétisés, a précisé Weisz-Gut.
Le camp d’Auschwitz a été achevé en 1941 et les habitants juifs de la ville ont été rassemblés et déportés en 1942. Leurs voisins non-juifs étaient au courant des atrocités et voulaient résister, mais ils étaient incapables de lutter contre la machine de guerre nazie, a indiqué Weisz-Gut.

« Les gens d’ici sentaient la fumée des fours crématoires, mais que pouvait faire une personne désarmée face à une armée ? », s’est-elle demandé.
« Il y a eu des mouvements clandestins et des individus qui ont essayé d’aider, mais beaucoup l’ont payé de leur vie. »
Après la Shoah, toutes les synagogues de la ville ont été détruites, sauf une. Le bâtiment de la synagogue Chevra Lomdei Mishnayot, construit en 1913 près de l’entrée de la ville, a été réquisitionné par les nazis pour servir d’entrepôt. Après la guerre, la structure a finalement été reconvertie en magasin de tapis. Dans les années 1980, des chercheurs israéliens ont découvert une enseigne de synagogue incrustée dans les murs. En 1998, le bâtiment a été restitué à la communauté juive et transféré à la Fondation du Centre juif d’Auschwitz.
Depuis, l’intérieur de la synagogue a été entièrement reconstruit, a expliqué Weisz-Gut.

« Rien de ce que vous voyez ici n’est d’origine, à l’exception de l’enseigne. Tout le reste a été offert. »
Un lustre et plusieurs rouleaux de la Torah ont été sauvés d’autres communautés décimées et donnés par des survivants de la Shoah, a-t-elle ajouté.
Une visite du musée
Aujourd’hui, le complexe du musée juif d’Oshpitzin comprend trois bâtiments : la synagogue, une maison autrefois occupée par le dernier résident juif et un immeuble résidentiel autrefois partagé par des familles juives et chrétiennes.
Le musée attire des visiteurs du monde entier, dont beaucoup s’y arrêtent après avoir visité le site des camps d’Auschwitz. Les groupes religieux prennent souvent le temps de prier dans la synagogue abandonnée, a indiqué Weisz-Gut.
Weisz-Gut a évoqué certains des points forts du musée qui illustrent la vie juive dynamique de la ville avant la Shoah.
En montrant une œuvre en verre peint à l’entrée du musée avec le nom écrit en anglais, polonais et hébreu, Weisz-Gut a déclaré : « Le choix d’appeler le musée par le nom juif ‘accueillant’ d’Oshpitzin, au lieu d’Oświęcim, a été à mon avis une décision très importante qui a une incidence sur la tonalité de l’ensemble du musée. »

Une exposition de documents anciens montre l’acquisition d’un terrain pour une synagogue et un cimetière en 1588, qui témoigne de la présence officielle d’une communauté juive dans la région.
« C’est la preuve de l’existence d’une communauté juive active ici », a poursuivi Weisz-Gut.

À proximité, une pierre tombale usée par les intempéries – l’objet le plus ancien du musée – raconte une autre histoire. « Elle date du 15ᵉ ou du 16ᵉ siècle », a expliqué Weisz-Gut.
« Un habitant de la région l’a trouvée dans un grenier et l’a apportée ici. Cet acte de préservation en dit long sur la façon dont l’histoire nous revient. »

Une sélection de bouteilles de la distillerie Haberfeld raconte l’histoire du résident le plus célèbre d’Oświęcim. Jakob Haberfeld a ouvert son usine de vodka et de liqueurs en 1804 aux abords de la ville et est devenu riche, finissant par construire un manoir de quarante pièces connu sous le nom de « Haberfeld House ». En 1939, lorsque l’Allemagne a envahi la Pologne, le propriétaire Alfons Haberfeld et son épouse visitaient l’exposition universelle de New York. Ils y sont restés jusqu’en 1967, date à laquelle Alfons est revenu et a trouvé la distillerie propriété de l’État et la Haberfeld House en ruine.

D’autres documents illustrent les drames et les tragédies de la communauté. Dans l’un d’entre eux, des lettres racontent une romance à la « Roméo et Juliette » entre Stanislav, un chrétien polonais, et Reguina, une femme juive, en 1931. Interdit de se fréquenter, Stanislav l’a tuée et s’est ensuite suicidé au bord de la rivière. L’exposition comprend une lettre écrite par le père de Stanislav à sa fille décrivant ce qui s’est passé.

À proximité, une photographie de deux jeunes filles, Martha et Olga – la première chrétienne, la seconde juive – illustre le déchirement de leur amitié d’enfance, interrompue par la Shoah. Après l’arrestation d’Olga par les nazis, Martha a risqué sa vie pour la revoir une dernière fois dans le camp de concentration avant qu’Olga ne soit finalement tuée.

Une autre exposition raconte l’histoire du père Jan Skarbek, un prêtre catholique qui a risqué sa vie pour aider les Juifs pendant la Shoah en fabriquant des documents, en introduisant clandestinement de la nourriture à Auschwitz et en aidant les évadés. Ses efforts courageux lui ont valu d’être reconnu et une place à l’extérieur du musée porte désormais son nom.

Enfin, la visite du musée s’est achevée dans la salle de la Shoah et la salle du souvenir, où des photographies, des diplômes et des souvenirs personnels donnés par des survivants racontent des histoires de vies vécues et de vies perdues.
« Ce sont des marqueurs qui garantissent qu’ils ne seront jamais oubliés », a souligné Weisz-Gut.
Le musée gère une application où les gens peuvent en apprendre davantage en ligne sur l’histoire d’Oświęcim.
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