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A Manchester, les Juifs se préparaient depuis des années à un attentat

Après l'explosion à la bombe survenue lors d'un concert de pop, la population juive locale reste prudente et consciente des enjeux sécuritaires - comme d'habitude

Les services d'urgence arrivent à proximité de l'Arena à Manchester, au Royaume-Uni, le 23 mai 2017 (Crédit : Dave Thompson/Getty Images, via JTA)
Les services d'urgence arrivent à proximité de l'Arena à Manchester, au Royaume-Uni, le 23 mai 2017 (Crédit : Dave Thompson/Getty Images, via JTA)

L’attentat terroriste le plus meurtrier depuis plus d’une décennie au Royaume-Uni a eu lieu lundi à seulement trois kilomètres de la synagogue du rabbin Yisroel Cohene.

Et pourtant, vingt-quatre heures après l’explosion meurtrière à la bombe à Manchester, Cohen a expliqué à JTA n’avoir aucune intention de modifier les arrangements sécuritaires au sein de sa Congrégation.

En fait, Cohen, émissaire du mouvement Habad – qui travaille dans une enclave juive située au nord de la ville, entourée par une zone fortement musulmane – dit qu’il y a peu de marges de manoeuvre pour améliorer la sécurité dans sa communauté très unie.

Après tout, la communauté juive de Manchester – l’une des villes dont la population augmente le plus rapidement au Royaume-Uni en raison d’un afflux de migrants et de jeunes couples en quête d’une alternative face à Londres, considérée comme trop cher – est en état d’alerte maximal depuis longtemps, bien avant l’explosion qui a tué 22 personnes et en a blessé 59 lors d’un concert d’Ariana Grande. Mardi, l’État islamique a revendiqué la responsabilité de l’attentat.

« Eh bien, l’équipement radio fonctionne, les résidents ont été informés, la police patrouille, les professionnels de la sécurité au sein de la communauté juive sont en place depuis les attaques perpétrées en Belgique » l’année dernière, indique Cohen, interrogé sur la sécurité. « Il n’y a pas grand chose à faire de plus – sinon prier ».

Sur Kings Road, une route fréquentée du quartier de Prestwich, qui regroupe une forte communauté juive, les habitants sont à l’affût des étrangers. Tout comportement anormal – particulièrement la prise de photographies ou la collecte d’informations – suscitent rapidement des demandes polies mais fermes de la part des passants comme des commerçants qui répondent aux besoins de cette population ultra-orthodoxe ou moderne.

La vigilance omniprésente dans le quartier juif de Manchester doit beaucoup de sa préparation et de sa formation à la police locale, à l’organisation Community Security Trust et à d’autres groupes. Elle est aussi née des circonstances : Les 30 000 Juifs environ de Manchester se concentrent dans une zone relativement petite, ce qui fait d’eux une proie facile, mais ce qui signifie également que les institutions de la communauté sont également plus faciles à protéger et que la vigilance est plus aisée à instiller.

Tandis qu’il y a également des concentrations de Juifs dans le nord de Londres, à Manchester — une ville de 2,5 millions de personnes, où 15,8 % de la population est musulmane – il y a des tensions ajoutées, les communautés juives et musulmanes vivant dans une étroite promiscuité. Kings Road, par exemple, est prise en sandwich entre la librairie Judaica World à l’ouest et par la mosquée Masjid Bilal à l’est.

Cette juxtaposition a entraîné certaines frictions ces dernières années, notamment des cas de harcèlements de Juifs sur la voie publique et des incidents de violence occasionnels.

Au moins un plan d’attaque prémédité fomenté contre les Juifs de Manchester a été dévoilé et déjoué il y a cinq ans. En 2012, un magistrat britannique a condamné un couple musulman, Mohammed Sajid et Shasta Khan, à sept ans de prison pour avoir rassemblé des renseignements sur les Juifs de Manchester en vue d’un attentat.

« Cet incident était arrivé au moment où nous réévaluions les menaces envers les Juifs de Manchester et c’est l’une des raisons qui avait mené à un remaniement total », explique Cohen.

« Alors aujourd’hui nous, au sein de la communauté juive, sommes peut-être moins surpris que les autres par ce qui est arrivé, a ajouté le rabbin, même s’il indique également que les Juifs de la ville ont été « choqués par l’horreur » de l’attaque commise lors de ce concert.

Le rabbin Shneur Cohen distribue des boissons chaudes et des viennoiseries à la police qui travaille sur les lieux de l'attentat qui a frappé Manchester, au Royaume-Uni, le 23 mai 2017. (Crédit : Chabad of Manchester City Center)
Le rabbin Shneur Cohen distribue des boissons chaudes et des viennoiseries à la police qui travaille sur les lieux de l’attentat qui a frappé Manchester, au Royaume-Uni, le 23 mai 2017. (Crédit : Chabad of Manchester City Center)

Paul Harris, rédacteur du Jewish Telegraph de la ville, indique à JTA qu’il estime généralement que la communauté juive de Manchester est prête à gérer toute situation d’urgence ou leurs éventuelles répercussions, mais il a également noté un point faible : Le soir et pendant l’après-midi, les Juifs pratiquants de la ville se rassemblent aux abords des synagogues – une habitude qui fait d’eux des proies faciles et qui, pour cette raison, a été largement abandonnée dans les communautés en France et au-delà.

« Peut-être cela va-t-il changer maintenant », a indiqué Harris.

Dans une déclaration faite mardi suite à l’arrestation d’un suspect, la Première ministre Theresa May a expliqué que l’explosion à la bombe était « un attentat terroriste aveugle » qui a ciblé des « jeunes sans défense ». La police pense qu’une veste explosive artisanale a été activée par un kamikaze qui pourrait peut-être ne pas avoir opéré seul.

L’explosion a traversé la salle de 21 000 sièges de l’Arena de Manchester à 22 heures 30 alors que Grande, chanteuse de pop âgée de 23 ans et originaire des Etats-Unis, avait déjà quitté la scène. Au moins 12 des 22 personnes tuées dans l’attentat avaient moins de 16 ans. La nouvelle de l’explosion a fait venir des parents inquiets sur le théâtre du drame d’où des enfants, des adolescents et des jeunes adultes sont sortis en toute hâte dans un état de panique.

Cohen a expliqué que la communauté Habad n’avait pas connaissance de victimes juives décédées lors de l’attentat.

Cette attaque survient un peu plus de quinze jours avant les élections générales du 8 juin, lors desquelles Theresa May du parti conservateur affrontera Jeremy Corbyn, leader du parti travailliste. L’attentat pourrait renforcer l’avance de May dans les urnes face à Corbyn, qui promeut la proximité avec les musulmans et a affirmé que le Hezbollah et le Hamas étaient « ses amis ».

Le dirigeant du Parti travailliste britannique Jeremy Corbyn avec des ouvriers métallurgistes après une manifestation à Londres, le 25 mai 2016. (Crédit : AFP/Leon Neal)
Le dirigeant du Parti travailliste britannique Jeremy Corbyn avec des ouvriers métallurgistes après une manifestation à Londres, le 25 mai 2016. (Crédit : AFP/Leon Neal)

L’année dernière, Corbyn – dans un contexte de critiques intenses dans les médias et de la part de son propre parti concernant ce qui était perçu comme son incapacité perçue à juguler les expressions d’antisémitisme dans les rangs du Labour – avait expliqué regretter avoir exprimé son affection pour les deux groupes terroristes islamistes. Suite à l’attentat de lundi, tous les partis ont convenu de suspendre leur campagne pendant trois jours.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, lors d’une conférence de presse conjointe avec le président américain Donald Trump en visite en Israël, a évoqué l’attaque en critiquant les incitations au terrorisme faites par l’Autorité palestinienne sous la gouvernance de son président Mahmoud Abbas.

« Le président Abbas a condamné l’attentat horrible à Manchester », a déclaré Netanyahu alors qu’il se tenait aux cotés de Trump. « Eh bien, j’espère que cela augure d’un réel changement, parce que si l’attaquant avait été Palestinien et que les victimes avaient été des enfants israéliens, la famille du kamikaze recevrait un salaire de la part de l’Autorité palestinienne. C’est la loi palestinienne. Cette loi doit être changée ».

Prenant la parole à Bethléem, Trump a rejoint le concert des condamnations internationales de l’attentat.

« Je ne les appellerai pas des monstres parce qu’ils apprécieraient ce terme. Je vais les appeler des ‘losers' », a-t-il dit.

Le président américain Donald Trump, à gauche, et le leader palestinien Mahmoud Abbas durant une conférence de presse conjointe au palais présidentiel de la ville de Bethléem, en Cisjordanie, le 23 mai 2017 (Crédit MANDEL NGAN/AFP)
Le président américain Donald Trump, à gauche, et le leader palestinien Mahmoud Abbas durant une conférence de presse conjointe au palais présidentiel de la ville de Bethléem, en Cisjordanie, le 23 mai 2017 (Crédit MANDEL NGAN/AFP)

A Manchester, le rabbin Shneur Cohen du Centre Habad de Manchester a organisé une distribution de boissons et de nourriture aux agents de police stationnés aux abords de la salle où a eu lieu l’attentat.

« Nous sommes à Manchester, nous sommes solidaires », a déclaré Cohen aux journalistes sur les lieux du drame.

Mais Harris, le rédacteur du Jewish Telegraph, a déclaré que malgré de telles initiatives, « il y a véritablement un silence – un silence choqué » dans la ville au lendemain de la tragédie.

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