Israël en guerre - Jour 563

Rechercher

À Netivot, la pauvreté aggrave les problèmes d’une ville frontalière meurtrie

Les milliers d'habitants de cette ville située sur la ligne de front font face aux tirs incessants du Hamas, dans un mélange de foi, de défiance et un manque d'alternatives

Aviel Zaguri, à gauche, et son frère Meir devant leur yeshiva à Netivot, en Israël, le 15 octobre 2023. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israël)
Aviel Zaguri, à gauche, et son frère Meir devant leur yeshiva à Netivot, en Israël, le 15 octobre 2023. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israël)

Dans les décombres de son immeuble à la façade noircie, à Netivot, Liora Touito regarde des voisins mettre deux valises dans leur voiture.

Une roquette est tombée ici, tuant trois voisins, et mettant le feu à la cour de Touito.

Cette mère de quatre enfants aimerait faire comme tous ces habitants qui ont temporairement fui cette ville de 35 000 habitants située à seulement 11 kilomètres de Gaza. Mais Touito est tellement à court d’argent qu’elle ne peut même pas accepter les offres d’hébergement gratuit des municipalités et particuliers pour les personnes déplacées.

« Le 10 approche », expliquait-elle dimanche, allusion à la date de prélèvement de son encours de carte de crédit.

« Je travaille dans un supermarché et j’arrive à peine à joindre les deux bouts. Si je ne travaille pas, je ne peux ni payer mon loyer ni nourrir mes enfants. »

Quelque 1 400 Israéliens sont morts dans les hostilités qui se poursuivent avec le groupe terroriste palestinien du Hamas, à Gaza, la plupart d’entre eux lors de l’incursion brutale de près 1 500 terroristes qui, le 7 octobre, ont assassiné un très grand nombre d’Israéliens, perpétrant des atrocités qui ont choqué le monde entier. Depuis, Israël a laissé parler les armes – artillerie et armée de l’air – dans l’attente d’une incursion terrestre destinée à en finir avec les dirigeants du Hamas.

La façade noircie de l’immeuble de Liora Touito à Netivot, en Israël, huit jours après la chute d’une roquette qui a tué trois personnes, le 7 octobre 2023. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israël)

La situation difficile de Touito n’a rien d’exceptionnel au regard de la pauvreté qui affecte de nombreux habitants des villes meurtries du Neguev occidental, depuis plus de 22 ans sous la menace des roquettes de Gaza. Pourtant, ces difficultés n’ont pas empêché la croissance de la ville, pas davantage qu’elles n’ont brisé l’esprit ou la foi de nombreux habitants.

Raphaël Fahimi, à gauche, Netanel Maskelchi et Raphaël Meir Maskelchi. (Avec l’aimable autorisation de la famille Maskelchi)

La mort des voisins de Touito – Raphael Fahimi, son gendre Netanel Maskelchi et le fils de Maskelchi, Raphael Meir Maskelchi, âgé de 14 ans – a peut-être aussi quelque chose à voir avec la pauvreté, dit-elle.

« À cause des vols, ils sont nombreux à mettre des bonbonnes de butane pour cuisiner sur leur balcon plutôt qu’à l’extérieur. La roquette a enflammé le butane. C’est ce qui les a tués », explique Touito, dont la fille aînée souffre de stress post-traumatique.

La façade noircie de l’immeuble de Liora Touito à Netivot, en Israël, huit jours après qu’une roquette l’a frappé, tuant trois personnes le 7 octobre 2023. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israël)

Le bâtiment touché par la roquette dispose d’un abri, mais il est inutilisable car les habitants l’ont transformé en pièce de rangement.

« Les gens ont des familles nombreuses ici et ils stockent depuis des années tout un tas de choses comme des meubles ou des matelas pour éviter d’avoir à en acheter de nouveaux », explique Touito. « Je voudrais qu’ils vident l’abri, mais personne ne m’écoute. »

Avec ses enfants, Touito dort chez son petit ami, qui dispose lui d’un abri.

L’abri de l’immeuble de Liora Touito est rempli de meubles huit jours après la chute d’une roquette qui a tué trois personnes le 7 octobre 2023. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israël)

A Netivot, le salaire mensuel moyen est d’environ 9 500 shekels, soit 30 % de moins que la moyenne nationale. La ville compte pourtant des quartiers plus riches composés de maisons jumelées et d’immeubles d’habitation modernes. Contrairement aux immeubles du centre-ville, les quartiers chics se sont vidés, confie Aviel Zaguri, 27 ans, père de quatre enfants.

Dégâts causés par la chute d’une roquette Qassam dans une rue de Netivot le 10 octobre 2023. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israël)

Les habitants des quartiers plus riches ont des proches disposés à les accueillir, des voitures pour se rendre au travail ou un travail qu’ils peuvent faire à distance. « Les quartiers les plus agréables sont vides », explique Zaguri depuis le centre poussiéreux de la ville, qui résonne depuis des jours du bruit sourd des tirs des deux côtés de la barrière avec Gaza.

A Sderot, Ofakim, Netivot, Ashkelon et ailleurs, des milliers de personnes sont parties, dissuadées par les innombrables attaques à la roquette du Hamas qui frappent Israël depuis neuf jours et ont d’ores et déjà tué plusieurs personnes.

Des Juifs assistent à des événements commémorant la mort de Baba Sali sur sa tombe à Netivot, en présence de nombreux policiers, le 5 janvier 2022. (Crédit : Flash90)

Pour certains de ses habitants, Netivot bénéficie d’une protection divine car c’est le lieu de sépulture de Yoram Michael Abargel, rabbin décédé en 2015 et honoré par des milliers de disciples qui prient régulièrement dans une synagogue élevée en sa mémoire, non loin de sa tombe. Aujourd’hui encore, elle attire des pèlerins et des fidèles à toute heure.

Il en va de même pour la tombe d’Israël Abuhatzeira, plus connu sous le nom de Baba Sali, rabbin d’origine marocaine dont les disciples disent qu’il a accompli des miracles avant sa mort en 1984.

Le sang d’un terroriste recouvre la chambre de Rachel et David Edry à Ofakim, le 11 octobre 2023. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)

« Netivot aurait facilement pu se retrouver dans une situation comme celle d’Ofakim », estime Yehuda Oshert, 57 ans. Il évoque la mort brutale, le 7 octobre dernier, de dizaines d’habitants d’une ville voisine. « Mais les saints sages ont semé la confusion dans l’esprit des terroristes qui voulaient venir à Netivot : ils nous ont protégés », ajoute Oshert, père de trois enfants.

Oshert et sa femme tiennent, eux, à rester sur place. « Je n’ai jamais plié, je ne suis jamais parti, je n’ai jamais cédé un pouce à ces animaux, et ce n’est certainement pas maintenant que je vais commencer », dit-il sur un ton de défi.

Un soldat de l’armée regardant les destructions faites par les terroristes du Hamas au kibboutz Kfar Azza, à proximité de la frontière avec Gaza, le 15 octobre 2023. (Crédit : Chaïm Goldberg/Flash90)

Entouré de kibboutzim et de moshavim, Netivot est un exemple criant de la coexistence de ce que certains qualifient de « premier et second Israël », à savoir une élite culturelle majoritairement ashkénaze et des citoyens majoritairement séfarades et défavorisés.

Le clivage s’étend aux domaines religieux et politique, le « second Israël » étant traditionnellement plus pieux que le premier et, dans l’ensemble, plus susceptible de voter pour des partis religieux de droite.

Les manifestations qui, durant les 10 premiers mois de l’année, se sont opposées au gouvernement de droite du Premier ministre Benjamin Netanyahu ont clairement creusé ces divisions. Mais l’attaque terroriste du 7 octobre a « mis de côté » ces différences, estime Oshert dont le sentiment est assez conforme à la vision de la majorité sur la fracture interne.

« C’est le signe que, divisés, nous allons tomber », dit-il. « Quand je prie sur la tombe d’Abargel, je prie pour tout le monde : ceux de Tel-Aviv, ceux de Netivot, même ceux des kibboutz », dit-il en clin d’œil au stéréotype de laïcité farouche propre à ce groupe démographique.

Pourtant, les différences persistent, mais réinterprétées, au moment où toutes les familles d’Israël – le premier comme le second – enterrent leurs morts et se préparent à une guerre longue et meurtrière.

David et Rachel Edry, à gauche, arrivent à leur domicile à Ofakim, le 11 octobre 2023, pour la première fois depuis que les terroristes du Hamas les ont pris en otage. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)

Rachel Edry, habitante d’Ofakim devenue célèbre pour avoir réussi à survivre, avec son mari, à une prise d’otage par cinq terroristes du Hamas, dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas.

« Nous avons été punis par Dieu. Ils ont perturbé les prières des Juifs le jour de Yom Kippour, comme des sauvages. La sauvagerie s’est alors déchainée sur nous, mais au centuple », dit-elle à un voisin, évoquant la polémique sur les prières orthodoxes publiques à Tel Aviv qui ont âprement divisé la société israélienne quelques jours avant l’attaque.

De l’autre côté de l’échiquier politique, des survivants politisent la tragédie.

« Où sont tous ces gens qui nous ont traités de traîtres ? », questionne dans une interview à la Douzième chaîne, mercredi, Sofie Berzon MacKie, survivante du kibboutz Beeri, qui a payé un très lourd tribut à l’attaque terroriste du Hamas.

Sofie Berzon MacKie s’entretient avec un journaliste de la Douzième chaine le 11 octobre 2023. (Crédit : Douzième chaine. Utilisé conformément à l’article 27a de la loi sur les droits d’auteur)

« C’est nous, les gauchistes, les traîtres ? », a-t-elle demandé, répétant cette insulte fréquemment utilisée contre les manifestants opposés à la refonte judiciaire et les gauchistes en général. « Les traîtres, ce sont ces gens dont je paie le salaire et qui m’ont quasiment laissée mourir », a déclaré en pleurant Berzon MacKie, une artiste née au Royaume-Uni.

De retour à Netivot, Aviel Zaguri n’a pas bougé d’un pouce. Il n’a pas bronché lorsque des roquettes se sont abattues à quelques kilomètres de Netivot, dans un bruit sourd qui a couru jusque dans les plaines du Neguev occidental. Au moment du coucher du soleil, il se tenait encore devant sa yeshiva, levant les yeux vers le spectacle qui embrase le ciel du désert au-dessus de Netivot chaque soir, à savoir les défenses du Dôme de Fer qui poursuivent et détruisent les roquettes lancées sur les villes israéliennes toute proches.

« Ma femme a parlé de partir un temps pour Jérusalem, mais nous nous sommes dit que ce n’était pas beaucoup plus sûr. Et franchement, c’est tellement compliqué de vivre avec ses parents ou d’autres proches, quand on a quatre enfants en bas âge, qu’il est quelque part plus facile de rester ici, sous le déluge des armes. »

Les enfants de Zaguri sont habitués au bruit des sirènes et des explosions, dit-il. « Nous élevons nos enfants au beau milieu de tout ça. Nos jumeaux, âgés de 5 ans, nous ont un jour demandé ce qu’étaient ces bruits sourds. Je leur ai dit : les Arabes de Gaza veulent nous tuer, mais Dieu veillera sur nous si nous veillons sur nous-mêmes et respectons ses commandements. »

En savoir plus sur :
S'inscrire ou se connecter
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
Se connecter avec
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation
S'inscrire pour continuer
Se connecter avec
Se connecter pour continuer
S'inscrire ou se connecter
Se connecter avec
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un email à gal@rgbmedia.org.
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.
image
Inscrivez-vous gratuitement
et continuez votre lecture
L'inscription vous permet également de commenter les articles et nous aide à améliorer votre expérience. Cela ne prend que quelques secondes.
Déjà inscrit ? Entrez votre email pour vous connecter.
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
SE CONNECTER AVEC
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation. Une fois inscrit, vous recevrez gratuitement notre Une du Jour.
Register to continue
SE CONNECTER AVEC
Log in to continue
Connectez-vous ou inscrivez-vous
SE CONNECTER AVEC
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un e-mail à .
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.