À New York, Smotrich prédit un consensus sur la refonte judiciaire
Le ministre des Finances affirme aux chefs de la Citibank que le « bruit » lié à la réforme se calmerait ; envisage de supprimer la "clause des petits-enfants" de la Loi du retour
NEW YORK – Le ministre des Finances Bezalel Smotrich a déclaré mardi aux dirigeants de la Citibank à New York que le « bruit » lié aux mesures prises par le gouvernement pour réformer le système judiciaire « se calmerait dans un avenir proche » avec l’adoption par la coalition d’un accord de compromis acceptable pour le « courant dominant » en Israël.
Ces propos constituent un rare aveu de la part d’un haut responsable du gouvernement, à savoir que le projet de loi controversé et de grande portée présenté à la Knesset devrait être plus modéré lorsqu’il devra franchir sa dernière lecture.
D’éminents économistes israéliens et étrangers ont averti que le projet de loi conçu pour réduire considérablement le pouvoir de la Cour suprême de justice risquait de nuire au secteur financier du pays, arguant que l’affaiblissement de la démocratie ferait de l’État juif un endroit plus risqué pour les investisseurs.
Les principaux dirigeants du secteur high-tech israélien ont déjà retiré des dizaines de millions de dollars des banques locales et le shekel a pris un coup, enregistrant une dépréciation de 2 % par rapport au dollar américain après l’adoption en première lecture, au début du mois, du premier texte du projet de loi relatif à la réforme judiciaire.
Smotrich a profité de la réunion de mardi pour assurer aux dirigeants de la Citibank que l’économie israélienne est stable et qu’elle se redressera.
« Nous allons calmer les marchés. Nous allons calmer l’économie », a assuré Smotrich aux dirigeants de la banque dans un discours en hébreu transmis à la presse par l’intermédiaire d’un traducteur. « Je suis convaincu qu’investir en Israël aujourd’hui est l’un des investissements les plus sûrs qui soient ».
Au cours de la réunion, les deux parties ont également discuté de l’impact de la récente faillite de la Silicon Valley Bank et de la Signature Bank, des opportunités d’investissement dans la technologie israélienne et d’autres questions économiques, selon un communiqué du bureau de Smotrich.
« L’économie israélienne est forte, stable et relativement facile à gérer en temps de crise », a déclaré Smotrich aux dirigeants de la Citibank.
Il n’a pas nommé les responsables de la Citibank qui ont participé à la réunion, mais la directrice générale de la banque, Jane Fraser, n’apparaît pas sur les photos publiées par son bureau. Neil Corney, directeur général de la Citibank en Israël, semble être à la tête de la délégation de la Citibank. La Citibank n’a pas répondu à notre demande de commentaire.
Cette rencontre est l’une des rares à avoir été accordée à Smotrich depuis son arrivée aux États-Unis dimanche dernier. Des fonctionnaires du gouvernement américain, des représentants du Fonds monétaire international (FMI), de la Chambre de commerce des États-Unis et des dizaines de groupes juifs de tous horizons politiques ont refusé de le rencontrer après son appel à raser la ville palestinienne de Huwara au début du mois. Le ministre des Finances s’est depuis excusé.
Smotrich a pris la parole lors de la conférence « Israel Bonds » dimanche et a visité le musée américain de la Shoah et l’ambassade d’Israël à Washington lundi.
Arrivé à New York lundi soir, il s’est rendu à l’improviste à l’Ohel Habad-Lubavitch, où repose le rabbin Menachem Mendel Schneerson, chef spirituel du mouvement Habad.
שר האוצר בצלאל סמוטריץ' המקיים בימים אלו סבב פגישות בארה"ב, הגיע הלילה לציונו הקדוש של הרבי מליובאוויטש, בשכונת קווינס. pic.twitter.com/IgSjL6Clxa
— לוי נוישטט – levi noishtat (@levi_noishtat) March 14, 2023
Smotrich semble avoir organisé la visite avec un membre de la communauté Habad d’Israël, sans en avoir informé la direction du mouvement à New York.
Des manifestants opposés à la réforme judiciaire du gouvernement et au ministre d’extrême droite ont eu vent de la visite prévue par Smotrich peu de temps avant et ont organisé un petit rassemblement pour protester contre sa présence à New York.
Les manifestants pensaient que le ministre se rendrait au siège mondial du Habad, situé à côté de l’ancienne résidence de Schneerson. Le siège se trouve à Brooklyn, alors que le Ohel est situé dans le Queens.
Les manifestants, rassemblant un groupe d’expatriés israéliens à New York et d’autres groupes de juifs américains principalement de gauche, se sont rassemblés devant le siège et ont été accueillis par des membres de la communauté de Habad avec des boissons chaudes.
Rain can't stop New Yorkers from making sure racist fascists like Bezalel Smotrich know they are not welcome in our city.
Proud to gather tonight with @jvpliveNY & @IfNotNow_NYC as #JewsAgainstApartheid. pic.twitter.com/qM3mTvN2wI
— Jews for Racial & Economic Justice (@JFREJNYC) March 14, 2023
Le porte-parole de Smotrich a déclaré que le ministre prévoyait de rencontrer d’autres dirigeants de la communauté juive lors de son séjour à New York, mais n’a pas fourni d’autres détails.
L’Orthodox Union (OU) et l’organisation de droite Zionist Organization of America (ZOA) sont les seules organisations juives à avoir confirmé publiquement leur désir de rencontrer M. Smotrich.
Le ministre des Finances a rencontré plus tôt mardi à New York le président de la ZOA, Morton Klein, et ce dernier a déclaré que les deux hommes avaient discuté de la suppression de la clause dite des petits-enfants dans la loi du retour.
Cette clause permet à toute personne ayant au moins un grand-parent juif d’immigrer sans contraintes en Israël, à condition qu’elle ne pratique pas une autre religion. De nombreux immigrants en Israël, notamment mais pas uniquement en provenance de l’ex-Union soviétique, obtiennent la citoyenneté grâce à cet article dans la loi du retour.
« Nous avons parlé de la nécessité de supprimer la clause des petits-enfants », a déclaré Klein au Times of Israel, expliquant que cette disposition avait entraîné une diminution progressive de la population juive d’Israël.
« Il était très sérieux à ce sujet et a exprimé sa crainte que nous perdions Israël comme État juif », a déclaré Klein.
Les partis religieux formant la coalition – les ultra-orthodoxes de Yahadout HaTorah et Shas, et les nationalistes-religieux Otzma Yehudit, Noam et HaTzionout HaDatit – soutiennent que, dans la mesure où de nombreux nouveaux immigrants ne sont pas juifs selon les critères orthodoxes de la loi juive, cette clause affaiblit le « caractère juif » de l’État.
Les législateurs de l’opposition, y compris les orthodoxes, sont fermement opposés à cette modification de la Loi du retour et le Likud s’y est opposé, proposant un amendement plus nuancé. Les principales organisations juives aux États-Unis et à travers le monde ont averti que la suppression de la clause relative aux petits-enfants risquait de compromettre les liens d’Israël avec les juifs de la Diaspora.
Le président de la ZOA a déclaré qu’il avait également discuté avec Smotrich de la réforme judiciaire du gouvernement et que tous deux étaient d’accord sur la nécessité d’une réforme. Klein a néanmoins indiqué à Smotrich qu’il n’était pas d’accord avec la législation que la coalition cherche à faire passer et qui permettrait à la Knesset d’annuler les décisions de la Cour suprême avec une majorité simple de 61 députés.
« Je lui ai dit que selon moi, il fallait une majorité de 65 députés », a déclaré M. Klein, notant que Smotrich n’a pas répondu à cette remarque.
Le président de la ZOA a rencontré Smotrich en privé à New York, et le conseil d’administration du groupe rencontrera le ministre des Finances dans la ville mercredi.