À Safed, un médecin israélien espère sauver les esprits des Syriens blessés
En 2013, Salman Zarka, alors à la tête du corps médical de Tsahal dans le nord, envoyait des Syriens blessés vers un hôpital de Safed ; aujourd'hui, il en est le directeur
WASHINGTON — Pour les soldats israéliens montant la garde à la frontière nord du pays, la matinée du Shabbat est souvent – si ce n’est toujours – tranquille, même avec la guerre civile qui fait rage à seulement quelques kilomètres.
L’armée israélienne s’est efforcée, tout naturellement, d’être vigilante pour empêcher le conflit syrien de déborder sur le territoire israélien et en particulier l’année dernière, lorsque l’Iran a essayé de s’enraciner dans l’État arabe assiégé. Mais, la plupart du temps, ce ne sont pas des hommes armés qui se dirigent vers les frontières de l’Etat juif : ce sont des civils blessés.
Un phénomène particulièrement remarquable en cette matinée de février 2013 où sept Syriens nécessitant une attention médicale sérieuse se sont présentés à la frontière israélienne. Les médecins les prirent en charge, mais il devînt rapidement évident qu’aucun soin médical ne permettrait de leur sauver la vie.
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À cette époque, Salman Zarka était à la tête du Corps médical du commandement du nord au sein de l’armée israélienne. Il détermina rapidement que les Syriens blessés devaient être transférés dans un hôpital civil, où ils recevraient des soins plus poussés.
Le plus proche était le centre médical Ziv de Safed – une ville antique surplombant le lac de Tibériade. Salman Zarka ordonna leur transfert vers la structure dans les meilleurs délais. Ils furent pris en charge, certains subissant des opérations chirurgicales, et tous survécurent.
Dix jours plus tard, ils rentraient chez eux, en Syrie.
Aujourd’hui, Salman Zarka est le directeur de l’hôpital Ziv — un poste qu’il occupe depuis 2014 – et continue de soigner les Syriens se rendant à la frontière israélienne, nécessitant des interventions médicales d’urgence.
Depuis 2013, Ziv joue un petit rôle – toutefois déterminant – dans le traitement apporté aux Syriens blessés dans la guerre civile qui déchire le pays. Ceci en raison, au moins partiellement, de la localisation stratégique de l’hôpital : à seulement onze kilomètres de la frontière avec le Liban et à un peu plus de 80 de la frontière syrienne.
Au début, Salman Zarka pensait que ces 80 kilomètres étaient déjà une distance trop longue à parcourir pour les malades dans un état critique (ce voyage s’effectue en 30 minutes en ambulance, avec les sirènes). Il craignait que les patients les plus grièvement touchés ne survivent pas au trajet.
« Nous avons décidé que si nous devions assumer la mission de sauver des vies, nous le ferions de notre mieux. Et d’après ce que nous savions, ce que nous avions expérimenté, nous avons pris la décision de mettre en place un hôpital militaire à la frontière de manière à ce que les blessures les plus graves puissent être traitées sur place », explique le médecin au Times of Israel.
Et c’est ainsi qu’au mois de mars 2013, après des consultations avec les responsables du gouvernement, Israël construisit une structure sur la frontière, à proximité d’un village druze. Une structure qui ferma néanmoins ses portes un an et demi plus tard.
« Nous avons découvert qu’elle n’était pas nécessaire », indique Salman Zarka, Druze israélien. « La majorité des blessés nécessitaient des soins orthopédiques, mais pas d’attention médicale immédiate. Ces blessés pouvaient attendre d’être pris en charge dans des hôpitaux civils. »
Aujourd’hui, la majorité des Syriens qui viennent en Israël pour demander de l’aide sont traités à l’hôpital Ziv. Depuis le mois de février 2013, il en a accueilli près de 5 000, selon Zarka.
Cette expérience, explique-t-il, semble avoir un impact sur les malades – un grand nombre d’entre eux ont grandi en pensant que leur voisin du sud était profondément malveillant.
« J’ai rencontré de nombreux Syriens. Quand ils me voyaient pour la première fois, ils avaient peur à l’idée de rencontrer un ennemi et de recevoir une assistance médicale de notre part », explique le physicien.
« Ils ne nous disaient pas toujours la vérité. Nous avions remarqué que, quelques fois, ils changeaient leur nom. Mais les choses ont changé. Ils commencent à sourire, à parler hébreu. Un certain nombre d’entre eux nous ont dit que pendant de nombreuses années, on leur a enseigné que nous étions le mal incarné et qu’il fallait nous jeter à la mer », ajoute-t-il.
À Ziv, les soins reçus par les Syriens restent confidentiels pour les protéger des autorités syriennes, qui prendraient assurément mal le fait qu’ils aient accepté une aide de la part de l’Etat juif.
Leur séjour à l’hôpital peut durer de quelques jours à quelques mois. Dans de rares cas, ils restent plus d’un an. Quand ils sont là, souligne Salman Zarka, ils reçoivent le même niveau de soins que les Israéliens.
« Nous ne leur offrons pas seulement le traitement pour leurs blessures, nous les soignons conformément aux normes israéliennes », dit-il. « Nous faisons de notre mieux non seulement pour leur sauver la vie, mais également pour améliorer leur qualité de vie. »
Zarka se souvient d’une Syrienne venue à la frontière avec sa fillette de 10 ans, diabétique, après le bombardement de leur village. L’enfant était inconsciente, et sa mère pensait qu’elle était morte. Peu de temps après leur arrivée à la frontière, les militaires les ont conduites à Ziv, où la fillette fut prise en charge pendant trois mois.
Au cours de cette période, le personnel médical forma la mère aux soins à apporter à son enfant une fois qu’elles auraient quitté l’unité – lui apprenant à contrôler le taux de sucre de sa fille et à lui administrer de l’insuline. Les employés de l’hôpital voulaient s’assurer que la mère soit en mesure de s’occuper de la santé de sa fille une fois en Syrie.
Salman Zarka raconte avoir eu peur pour l’avenir de la petite malade et de sa mère après leur départ.
« Nous étions particulièrement inquiets de ce qui arriverait à cette merveilleuse petite fille à son retour en Syrie », explique-t-il.
Quatre mois plus tard, l’enfant était revenue à Ziv pour un check-up.
« Voir qu’elle avait survécu et qu’elle avait pris du poids, que sa situation s’était améliorée… On a alors le sentiment de vraiment changer quelque chose », dit-il.
Zarka se rappelle qu’à son retour à l’hôpital, la petite malade lui avait apporté un cadeau : un dessin du drapeau israélien avec un grand cœur et son nom.
Le dessin disait « Toda raba » — « Merci beaucoup » en hébreu.
Pour Zarka, des expériences pareilles démontrent qu’il est possible de changer la vision des Syriens sur leurs voisins israéliens. C’est peut-être peu de chose, dit-il, mais cette petite fille grandira en nourrissant de la reconnaissance pour le pays qui lui est venu en aide tandis que le sien était piégé par une catastrophe humanitaire.
« Elle pensera que les Israéliens sauvent des vies, que ce sont de bonnes personnes », espère Salman Zarka. « Et peut-être qu’un jour, nous entretiendrons une relation différente. »
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