Abbas durcit sa position sur le droit au retour palestinien
Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas durcit sa position au sujet d’une éventuelle négociation sur « le droit au retour » des Palestiniens
S’adressant à une foule de Palestiniens de Jérusalem-Est, samedi 11 janvier, jour de la mort de l’ancien Premier ministre israélien Ariel Sharon, Abbas a déclaré qu’aucun accord de paix ne serait possible sans Jérusalem-Est comme capitale du futur Etat palestinien. Il a déclaré a déclaré qu’il ne pouvait en aucun cas sacrifier le droit absolu des réfugiés palestiniens et de leurs descendants de revenir en Israël.
Il refuse également de s’accorder avec la définition qu’Israël se donne, à savoir qu’Israël est l’Etat du peuple juif – prise de position également défendue par les ministres arabes des Affaires étrangères.
La position traditionnelle palestinienne sur le « droit au retour » reprend les termes de la Feuille de route de 2002, faisant référence à une « solution juste et convenue fondée sur la résolution 194 de l’ONU ». Formule reprise par Abbas dans son discours à l’ONU en septembre dernier, ainsi que dans son discours au Forum économique mondial en Jordanie de juin dernier.
Principal argument côté palestinien, cette résolution a été adoptée le 11 décembre 1948 et concerne strictement le droit au retour des Palestiniens. Réaffirmée en 1974 par l’ONU, elle a toujours été refusée par l’Etat d’Israël, en raison notamment d’un danger de déséquilibre démographique.
« Je vais le dire simplement : le droit au retour est une décision personnelle. Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie, que ni l’Autorité palestinienne, ni l’Etat d’Israël, ni l’OLP, ni Abou Mazen [Mahmoud Abbas, ndlr], ni aucun dirigeant palestinien ou arabe n’a le droit de priver quiconque de son droit au retour », a t-il souligné.
Un système de compensation destiné aux réfugiés qui choisissent de rester dans leur pays d’accueil peut être établi, a t-il noté, mais le dernier mot revient au réfugié palestinien.
« Ce choix est le vôtre. Vous voulez revenir ? Eh bien, vous reviendrez. Vous décidez de rester ? Vous êtes libre de le faire et vous aurez des compensations pour cela… Je voulais juste souligner que le droit au retour est un droit personnel. Même un père ne peut renoncer au droit de ses enfants ».
Abbas s’est montré ferme alors que le secrétaire d’Etat américain John Kerry tente désespérément d’obtenir d’Israël et des Palestiniens qu’ils acceptent un « cadre » viable en vue de la poursuite des négociations concernant toutes les questions essentielles d’un futur accord de paix.
Le secrétaire d’Etat américain John Kerry s’est déplacé à une dizaine de reprises dans la région, pour négocier avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. Il se dit prêt à renouveler une onzième fois son périple.
L’ambassadeur américain en Israël, Dan Shapiro, a déclaré la semaine dernière que l’éventuel accord final sera présenté sous peu, mais Netanyahu et Abbas sont soupçonnés d’être en désaccord sur quasiment l’ensemble des aspects clés – notamment sur les questions aussi essentielles que les droits des réfugiés palestiniens ou le statut de Jérusalem.
Les pourparlers israélo-palestiniens menés par John Kerry ont débuté en juillet dernier. A l’époque, le secrétaire d’Etat espérait conclure un accord dans les neuf mois suivants. Toutefois, il a récemment opté pour l’élaboration d’un accord-cadre afin d’entretenir les négociations entre les différentes parties après avril et qui servira de base à l’accord final.
« Il fallait s’attendre au durcissement des positions palestiniennes d’un leader qui est largement considéré par le peuple palestinien comme trop conciliant sur la question des réfugiés », souligne le politologue palestinien Bassem Ezbidi de l’Université de Bir Zeit, située près de Ramallah.
« A ce stade, Abbas n’est pas vraiment intéressé à se montrer souple, surtout si l’interlocuteur israélien continue d’être têtu », a déclaré Ezbidi au Times of Israel lors d’un entretien téléphonique. « Les Israéliens se montrent inflexibles sur diverses questions, Abbas fait la même chose », ajoute-t-il.
Les Palestiniens ont souligné que la demande d’Israël de laisser les forces de Tsahal dans la vallée du Jourdain contredit les accords conclus avec les anciennes administrations israéliennes, qui avaient accepté la seule présence d’une force internationale.
« Abbas est conscient que par le passé, sa principale vulnérabilité concernait les réfugiés. Il s’est montré franc en affirmant qu’une solution ‘non conventionnelle’ était nécessaire. Comme quelqu’un qui n’a pas triomphé sur la question du droit au retour, il voit maintenant l’occasion de défaire cela » ajoute Ezbidi.
Abbas, lui-même, est un réfugié de la ville de Safed. Il a été largement critiqué par les Palestiniens après un entretien avec la chaîne israélienne Channel 2 en novembre 2012, où il affirmait n’avoir pas le droit de retourner dans sa ville natale et n’avait aucune revendication territoriale au-delà des frontières de 1967.
Lors de son discours, Abbas a été interrompu à plusieurs reprises par la foule enthousiaste, qui scandait des slogans palestiniens, dont celui « des millions de martyrs [qui] marchent à Jérusalem, » – un slogan étroitement lié à son prédécesseur Yasser Arafat, qui le reprenait souvent lors des rassemblements publics. Ce slogan fait référence aux « martyrs » des attentats meurtriers qu’ils perpétraient où eux-mêmes perdaient la vie.
« Des millions de héros, ou des millions d’hommes libres sont en marche à Jérusalem, nous voulons nous y rendre en vie. Nous ne cherchons pas la mort, mais nous félicitons les martyrs si cela arrive. »
« Des millions de héros, ou des millions d’hommes libres sont en marche à Jérusalem, nous voulons nous y rendre en vie. Nous ne cherchons pas la mort, mais nous félicitons les martyrs si cela arrive », a déclaré Abbas, remaniant le texte pour son public réuni. Au début de son discours, Mahmoud Abbas a salué le comportement des villageois palestiniens de Qusra, qui ont capturé et frappé un groupe de 13 colons juifs qui ont pénétré mardi 7 janvier dans le village palestinien avec l’intention de mener une attaque « prix à payer » pour protester contre le déracinement par l’administration civile d’oliviers qu’ils avaient plantés près d’Esh Kodesh.
« Les villageois ont encerclé les colons sans armes… ils les ont seulement encerclés, ils ne les ont pas attaqués parce que nous sommes des personnes civilisées, et nous défendons une cause juste. Pas comme eux, qui attaquent les arbres et les mosquées. Ils ont été remis aux de forces de sécurité sains et saufs. Ce devrait être une leçon dans les mœurs de bon voisinage. Ils veulent être nos voisins et nous voulons être les leurs, mais pas de cette façon, pas avec ces manières ».