Israël en guerre - Jour 434

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Analyse

Abbas furieux de l’ingérence jordanienne dans la question de son successeur

Selon des sources palestiniennes, des officiels d’Amman ont rencontré plusieurs candidats pouvant diriger les Palestiniens

Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix

Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas (à droite) avec le roi Abdallah de Jordanie à Ramallah, en novembre 2011. (Crédit : Issam Rimawi/Flash90)
Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas (à droite) avec le roi Abdallah de Jordanie à Ramallah, en novembre 2011. (Crédit : Issam Rimawi/Flash90)

Surprenant un journaliste d’un site d’informations palestinien il y a deux mois, le célèbre homme de lettres palestinien Sari Nusseibeh avait déclaré que le concept de fédération jordano-palestinienne devrait être reconsidéré.

L’idée d’une confédération avait été presque complètement discréditée ces dernières années, un processus qui avait commencé en 1988 avec l’annonce du défunt roi Hussein de Jordanie de l’abandon de sa revendication de territoires contrôlés par les Palestiniens.

Les remarques de Nusseibeh, président de l’université Al-Quds, ont donc été largement perçues par les Palestiniens comme un exemple hors de propos, telle son initiative de paix malheureuse de 2003 avec l’ancien chef du Shin Bet et ancien député travailliste Ami Ayalon.

Ces remarques ont déclenché un dialogue, en particulier parmi la plus ancienne génération et la partie la plus aisée de la société palestinienne, les hommes d’affaires et les marchands. Il est cependant clair que la famille royale hachémite n’a aucun intérêt à raviver l’initiative.

Le président de l'université Al-Quds, le professeur Sari Nusseibeh, à son bureau de Beit Hanina, à Jérusalem Est. (Crédit : Nati Shochat/Flash 90)
Le président de l’université Al-Quds, le professeur Sari Nusseibeh, à son bureau de Beit Hanina, à Jérusalem Est. (Crédit : Nati Shochat/Flash 90)

Mais une autre déclaration surprenante a alors été entendue, provenant cette fois d’un membre de l’establishment jordanien.

La semaine dernière, l’ancien Premier ministre de Jordanie, Abdelsalam al-Majali, visitait Naplouse, en Cisjordanie, comme invité de Ghassan Shakaa, ancien maire de la ville et membre du comité exécutif de l’OLP [Organisation de libération de la Palestine].

S’exprimant devant 100 Palestiniens importants de la région de Naplouse, Majali a exprimé son soutien à une confédération jordano-palestinienne, après la mise en place d’un Etat palestinien.

« La Jordanie ne peut pas vivre sans la Palestine et la Palestine ne peut pas vivre sans la Jordanie, a déclaré Majali. Le Premier ministre d’Israël, Benjamin Netanyahu, veut qu’une telle confédération soit mise en place. Il a demandé plusieurs fois mais s’est toujours vu opposé un refus. »

La confédération, a déclaré Majali, devrait être dirigée par un gouvernent et un parlement communs qui garantiraient la sécurité, superviseraient l’économie et gèreraient les Affaires étrangères. Au stade actuel, a-t-il dit, la oumma [communauté] arabe ne se bat pas pour les Palestiniens puisqu’ils n’ont pas de capacité économique viable par eux-mêmes.

(D’ailleurs, Majali a également critiqué les systèmes scolaires du monde arabe, disant qu’ils ne préparaient pas assez bien les étudiants à affronter les sujets scientifiques, et que « cela leur permet de n’apprendre que l’histoire ».)

Abdelsalam al-Majali, ancien Premier ministre de Jordanie, pendant la signature du traité de paix entre Israël et la Jordanie, le 26 octobre 1994. (Crédit : GPO, CC BY-SA 3.0, via WikiCommons)
Abdelsalam al-Majali, ancien Premier ministre de Jordanie, pendant la signature du traité de paix entre Israël et la Jordanie, le 26 octobre 1994. (Crédit : GPO, CC BY-SA 3.0, via WikiCommons)

Le discours de Majali a créé une réelle agitation parmi les Palestiniens. Bien qu’il ne détienne plus de poste officiel à la cour du roi Abdallah de Jordanie, il est toujours considéré comme un homme d’influence auprès de l’élite jordanienne et parmi les politiciens locaux, étant donné qu’il a été deux fois Premier ministre.

Dans le passé, Majali était perçu comme un associé proche du roi Hussein. Son discours avait-il été coordonné avec la monarchie jordanienne, dans le cadre d’un effort pour raviver la foi palestinienne – et particulièrement israélienne – en une paix possible ? Ou était-ce simplement les paroles d’un ancien politicien vieillissant, qui n’a pas d’influence sur le roi Abdallah ?

Un expert jordanien de l’université de Tel Aviv a rejeté le discours de Majali.

« Cela sonne comme une autre tentative de l’un des ‘anciens’ de faire les gros titres, a déclaré le Dr Yoav Alon. Majali a parlé de cela il y a deux ou trois ans, et l’idée remonte en fait à 1982, c’était une initiative du roi Hussein. Il y a ensuite eu un accord entre Hussein et [l’ancien dirigeant de l’OLP Yasser] Arafat, que le leadership de l’OLP a rejeté. Donc, en 1988, le roi a annoncé qu’il se désengageait de Cisjordanie. Pourtant, on peut toujours souligner que la position jordanienne officielle ne rejette pas la possibilité d’établir une confédération, mais seulement après la mise en place d’un Etat palestinien. »

« Cette idée refait surface de temps à autre quand les Palestiniens sont en détresse et que la diplomatie n’offre pas d’espoir, a continué Alon. Peut-être aide-t-elle aussi Israël à avaler l’idée qu’un Etat palestinien pourrait naître. Pour l’instant, l’idée d’une confédération n’est pas contraignante, donc personne ne sait précisément ce que cela signifie. De plus, je ne vois aucun soutien d’officiel jordanien ou de la famille royale à cette idée. La situation démographique de la Jordanie est assez délicate en l’état. Les Palestiniens y composent 50 % de la population. Les Jordaniens sont entre 25% et 30 % et les autres sont des réfugiés syriens ou irakiens. C’est pourquoi ils sont si sensibles à cette notion. Le régime jordanien n’a aucun intérêt à promouvoir l’idée d’une confédération et c’est pourquoi je pense qu’il n’y a rien de concret ici. »

De hauts fonctionnaires palestiniens parlant au Times of Israël ont également rejeté l’idée d’une confédération. Ils ont eux aussi vaguement dit qu’ils pourraient reconsidérer l’idée après la mise en place d’un Etat palestinien.

D’autres sources palestiniennes ont déclaré que la monarchie hachémite était préoccupée, en ce qui concerne les Palestiniens, par la résolution de l’impasse diplomatique israélo-palestinienne, la lutte contre la peur d’une détérioration de la violence en Cisjordanie qui impacterait la Jordanie, et les tensions dans ses relations avec le président de l’Autorité palestinienne (AP) Mahmoud Abbas.

Amman n’est pas ravie des récentes démonstrations d’indépendance d’Abbas, dont la prise d’actions diplomatiques sans consulter d’abord le roi Abdallah, créant des tensions entre les deux hommes, selon les sources.

Mohammad Dahlan en 2006 (Crédit : Michal Fattal/Flash90)
Mohammad Dahlan en 2006 (Crédit : Michal Fattal/Flash90)

Ramallah a également été agacée par des articles sur des représentants du royaume hachémite qui ont rencontré plusieurs officiels palestiniens, évaluant leur adéquation pour prendre la présidence de l’AP un jour. Ce qui a particulièrement exaspéré Abbas, ont dit les sources, est que les Jordaniens ont rencontré son ennemi numéro 1, Mohammad Dahlane.

Les Jordaniens ont également rencontré Nasser al-Kidwa, le neveu d’Arafat et ancien ministre des Affaires étrangères de l’AP, dont le nom continue à être évoqué, et l’ancien chef de la sécurité de l’AP Jibril Rajoub, parmi d’autres.

Une telle ingérence jordanienne dans la politique palestinienne, la préparation de l’après-Abbas, est vu extrêmement négativement à Ramallah, selon les sources.

La tension entre Ramallah et Amman souligne à quel point l’idée d’une confédération semble actuellement improbable, au grand regret de certains des « anciens de Cisjordanie », qui se rappellent encore de l’époque où le roi Hussein était souverain en Cisjordanie et où les Palestiniens avaient des ministres dans le gouvernement jordanien et des représentants dans son Parlement.

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