Abdelkader Merah – 20 ans de réclusion pour association de malfaiteurs mais pas pour complicité
Fettah Malki, reconnu coupable d'avoir vendu l'arme et le gilet pare-balles à Mohamed Merah en connaissant sa radicalisation, a écopé de 14 ans de prison
La cour d’assises spéciale de Paris a condamné jeudi Abdelkader Merah à 20 ans de réclusion criminelle, la peine maximale pour association de malfaiteurs terroriste criminelle, mais l’a acquitté du chef de complicité des sept assassinats perpétrés en mars 2012 par son frère Mohamed.
Fettah Malki, reconnu coupable d’avoir vendu l’arme et le gilet pare-balles à Mohamed Merah en connaissant sa radicalisation, a écopé de 14 ans de prison, également pour association de malfaiteurs terroriste criminelle. Les peines des deux hommes sont assorties d’une période de sûreté des deux tiers.
L’accusation avait requis la perpétuité contre Abdelkader Merah et 20 ans de réclusion criminelle contre Fettah Malki.
« Les juges, et c’est leur honneur, ont résisté à la pression de l’opinion publique », a estimé Me Eric Dupond-Moretti, avocat d’Abdelkader Merah, alors qu’il se faisait vivement hué à la sortie du tribunal.
La cour a rendu son verdict après huit heures de délibéré, au terme de cinq semaines d’un procès sous haute tension, marqué par les témoignages poignants de proches de victimes de Mohamed Merah et un contexte pesant de menace terroriste persistante depuis la vague d’attentats sans précédent ayant frappé la France.
Mohamed Merah a « toujours été seul » au moment où il a commis ses assassinats, les 11, 15 et 19 mars 2012 à Toulouse et Montauban, avant d’être abattu par le Raid le 22 mars, a souligné la cour. Et « s’il partageait bien les motivations » du jihadiste, « aucun élément de la procédure ne montre » qu’Abdelkader Merah « connaissait les objectifs visés et les crimes commis par son frère », a-t-elle ajouté.
« C’est un jugement qui devrait satisfaire les parties civiles », a commenté Me Simon Cohen, principal avocat des familles de victimes : « La cour (…) n’a pas cédé ni devant les terroristes de tout poil ni devant certaines menaces ».
Cette satisfaction était loin d’être partagée par deux figures emblématiques des parties civiles, Latifa Ibn Ziaten, mère du premier soldat tué par Mohamed Merah et Samuel Sandler, père et grand-père de trois victimes de l’école juive de Toulouse.
« On est trop naïf en France. Il faut qu’on se réveille pour protéger notre pays, pour protéger nos enfants », a réagi la première, pour qui les magistrats « n’ont pas été jusqu’au bout ».
« C’est mieux que rien mais nos enfants, eux, ont pris perpétuité. Dans quinze ans, il aura tout oublié. Nous, notre peine, notre malheur est éternel », a abondé le second.
« Complicité délicate à qualifier »
Mais pour Me Olivier Morice, avocat d’une famille de victime, c’est bien « une justice sereine qui a été rendue ». « Nous savions depuis le début que la complicité était délicate à qualifier », a-t-il convenu, estimant que le verdict pourrait conduire Abdelkader Merah à ne pas faire appel.
« En acquittant Abdelkader Merah du crime de complicité d’assassinats, la cour a rappelé que même dans les affaires de terrorisme les plus graves, la preuve et la règle de droit n’étaient pas reléguées au rang d’accessoires », a déclaré Me Dupond-Moretti, à sa sortie de l’audience, sous les huées.
L’avocat, qui avait plaidé l’acquittement, a aussi adressé ses pensées « pour le désarroi et le chagrin des victimes injustement confrontées à un faux coupable que l’on a fabriqué pour étancher leur soif de justice ».
Fettah Malki a en revanche « décidé » de faire appel, selon l’un de ses avocats.
Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) a exprimé dans un communiqué sa crainte « que les terroristes islamistes voient dans ce verdict un signe de faiblesse ». « Justice est presque rendue. Ce procès a permis de bien comprendre la façon dont la haine se fabrique en France et doit nous inciter à une vigilance de tous les instants », souligne le texte.
« Abdelkader Merah reste totalement coupable au regard de la douleur des familles et de l’horreur du crime commis par son frère, qu’il avait radicalisé et instrumentalisé en bras armé de son idéologie mortifère », ajoute-t-il.
Verdict « fatalement décevant au regard des vies brisées », a réagi le président du Consistoire Joël Mergui.
« Si à défaut de preuves matérielles, le frère de l’assassin n’a pas été condamné pour complicité de meurtre, il est en revanche parfaitement établi que ce dernier est parfaitement responsable de la haine antisémite qui a nourri le projet terroriste de son frère et armé son bras meurtrier », a estimé M. Mergui dans un communiqué.
Selon lui, ce procès « nous aura permis de rentrer dans le mécanisme de la haine antisémite, lentement mais implacablement distillée au sein du milieu familial », et aura « attiré (…) l’attention sur l’apprentissage de la terreur et la fabrication de tueurs implacables, endoctrinés pour répandre l’horreur, désorganiser nos sociétés et en saper les fondations ».
« Il est plus que temps de nous interroger sur les moyens de combattre cette haine nourrie dans l’intime pour exploser à l’extérieur, dans l’espace public que nous fréquentons tous », a ajouté le président du Consistoire, instance représentative du culte juif.
Le maire de Toulouse (LR), Jean-Luc Moudenc, a estimé jeudi qu’Abdelkader Merah et Fettah Malki avaient été condamnés « a minima » et rendu hommage aux « neuf victimes » de Mohamed Merah, dans un communiqué publié après le prononcé du verdict.
« A l’heure où la Justice de notre République vient de juger de la culpabilité d’Abdelkader Merah et Fettah Malki en les condamnant a minima, j’ai une pensée très forte et émue pour les 9 victimes, 7 tués dont 3 enfants et 2 blessés graves », écrit le maire de Toulouse, à propos des « dix jours de terreur et d’horreur » de mars 2012.
Ce dernier exprime par ailleurs « sa vive reconnaissance aux quatre policiers blessés en intervention ».
De son côté, le Front national a dénoncé une décision de justice « dérisoire et incroyablement laxiste ».
Présenté comme un mentor religieux dissimulateur ayant téléguidé sept assassinats par l’accusation mais comme un bouc-émissaire expiatoire des crimes de son frère jihadiste par ses avocats, Abdelkader Merah, frère aîné du « tueur au scooter » avait clamé une dernière fois son innocence jeudi matin.
« Je dis et je redis que je n’ai rien à voir avec les assassinats commis par mon frère », a déclaré Merah, 35 ans, accusé d’avoir « sciemment » facilité « la préparation » des crimes de son frère en l’aidant à dérober un scooter et à acheter un blouson utilisés lors des tueries et d’avoir participé « à un groupement criminel affilié à Al-Qaïda ».