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Accusés d’hérésie, les ahmadis d’Algérie prient clandestinement

Le courant musulman pacifique, dont les fidèles sont libres en Israël, est accusé par un ministre du gouvernement algérien de travailler avec l'Etat juif pour déstabiliser le pays

Un membre de la petite communauté ahmadie d'Algérie avec une photographie de Mirza Ghulam Ahmad, le fondateur du mouvement, dans une maison de Tilpasi, le 30 juin 2017. (Crédit : Ryad Kramdi/AFP)
Un membre de la petite communauté ahmadie d'Algérie avec une photographie de Mirza Ghulam Ahmad, le fondateur du mouvement, dans une maison de Tilpasi, le 30 juin 2017. (Crédit : Ryad Kramdi/AFP)

Opprobre, arrestations, emprisonnements… Dans le collimateur des autorités et honnis par certains compatriotes, les ahmadis d’Algérie, fidèles d’un courant réformiste et minoritaire de l’islam considéré comme hérétique par les deux grandes branches sunnites et chiites, sont contraints à la clandestinité.

Fondé par Mirza Ghulam Ahmad à la fin du XIXe siècle dans le nord de l’Inde, l’ahmadisme n’a pris racine en Algérie qu’à partir de 2007, quand une chaîne de télévision du mouvement a pu être captée par satellite dans le pays.

Pendant presque 10 ans, les ahmadis d’Algérie ont pratiqué librement et discrètement. Si discrètement que la plupart des Algériens n’ont découvert leur existence qu’en juin 2016, lorsqu’a commencé la répression médiatisée du mouvement, qualifié de « secte » par les autorités algériennes.

L’islam est religion d’Etat en Algérie, où domine la doctrine malékite sunnite. Mais la Constitution garantit la liberté de culte, sous réserve d’agrément des autorités pour le lieu de culte et le prédicateur. Ce que n’ont jamais demandé les ahmadis, estimant qu’ils ne l’obtiendraient jamais.

Membres de la petite communauté ahmadie d'Algérie avec une photographie de Mirza Ghulam Ahmad, le fondateur du mouvement, dans une maison de Tilpasi, le 30 juin 2017. (Crédit : Ryad Kramdi/AFP)
Membres de la petite communauté ahmadie d’Algérie avec une photographie de Mirza Ghulam Ahmad, le fondateur du mouvement, dans une maison de Tilpasi, le 30 juin 2017. (Crédit : Ryad Kramdi/AFP)

Le 2 juin 2016, le chef du mouvement ahmadi algérien, Mohamed Fali, commerçant de 44 ans, et son adjoint sont arrêtés, leurs domiciles perquisitionnés et leurs passeports confisqués, peu après avoir finalement sollicité auprès du ministère de l’Intérieur l’enregistrement d’une association caritative.

Depuis cette date, 286 personnes, dont cinq femmes, responsables ou simples fidèles âgés de 20 à 71 ans, ont été poursuivies, selon Fali. Toutes ont été condamnées à des peines de prison, allant de 3 mois avec sursis à 4 ans ferme, sauf trois, qui se sont vu infliger des amendes.

Des condamnations prononcées pour diverses infractions au droit d’association, mais en réalité en raison de leur foi, assurent leurs avocats. La plupart ont fait appel.

Laïcité et non-violence

Mohamed Fali est lui poursuivi dans six procès différents pour « collecte de dons non autorisée », « constitution d’association sans agrément », « distribution de documents portant atteinte à l’intérêt national », « offense au prophète et aux envoyés de Dieu » et « dénigrement du dogme et des préceptes de l’islam ».

Bien qu’il se revendique musulman, l’ahmadisme a été déclaré secte non liée à l’islam en 1973 par l’Organisation de la coopération islamique (OCI), dont l’Algérie est membre, et ses fidèles, estimés à environ 10 millions dans 190 pays, sont victimes de nombreuses persécutions à travers le monde.

Membres de la petite communauté ahmadie d'Algérie avec une photographie de Mirza Ghulam Ahmad, le fondateur du mouvement, dans une maison de Tilpasi, le 30 juin 2017. (Crédit : Ryad Kramdi/AFP)
Membres de la petite communauté ahmadie d’Algérie avec une photographie de Mirza Ghulam Ahmad, le fondateur du mouvement, dans une maison de Tilpasi, le 30 juin 2017. (Crédit : Ryad Kramdi/AFP)

En Algérie, les ahmadis se disent environ 2 000. Suscitant la méfiance, voire l’opprobre de leurs compatriotes, ils font profil bas et se réunissent clandestinement chez les uns ou les autres pour prier, ne disposant d’aucune mosquée ou lieu de prière officiel.

Leur culte est similaire à ceux des courants majoritaires de l’islam, mais ils voient dans Mirza Ghulam Ahmad le « Messie des derniers temps » annoncé par le prophète Mohammed. Une hérésie pour les musulmans dogmatiques.

Et comme la non-violence, la laïcité est pour les ahmadis une valeur fondamentale, une vision dénoncée par les partisans rigoristes d’un islam d’Etat et notamment par les wahhabistes en Arabie saoudite.

Apostasie

Rencontré chez lui, dans la région de Tipasa (80 km à l’ouest d’Alger), avec d’autres fidèles, Mohamed Fali entame la discussion par la chahada, la profession de foi de l’islam, et souligne que le Coran est le texte de référence de l’ahmadisme, tout en précisant qu’il en privilégie l’esprit à la lettre.

Il dénonce le « déchaînement » de certains médias algériens qui ont « dénaturé les pratiques des ahmadis et tenté de [les] faire passer pour des non-musulmans ».

Commerçants, enseignants, ingénieurs, médecins ou étudiants, ces hommes rencontrés par l’AFP racontent que l’ahmadisme a apporté des réponses à leurs questionnements et à leurs doutes. Ils refusent d’être filmés et s’expriment anonymement par peur de représailles contre leurs proches, moins de la part des autorités que d’extrémistes musulmans.

Commerçant de 42 ans, Abderahmane, a conservé la tenue du salafiste (adepte d’un islam rigoriste) « pas violent mais intolérant » qu’il était avant de rejoindre l’ahmadisme.

Ses anciens compagnons l’ont dénoncé à l’imam local qui l’a accusé publiquement d’apostasie et a commandé aux fidèles d’empêcher leurs enfants de jouer avec ceux des ahmadis. Puis, « les fiançailles de ma sœur ont été annulées car on a dit à son fiancé que j’étais un kâfir« , un mécréant, raconte-t-il.

‘Acharnement’ unique au Maghreb

« Le débat ne devrait pas porter sur l’ahmadisme, mais sur la liberté de culte ! », lance Hamid, dans le grand salon faisant office de salle de prière, décoré seulement d’un portrait de Mirza Ghulam Ahmad.

Mohamed Aissa, ministre algérien des Affaires religieuses. (Crédit : capture d'écran YouTube)
Mohamed Aissa, ministre algérien des Affaires religieuses. (Crédit : capture d’écran YouTube)

En juillet dernier, le ministre algérien des Affaires religieuses, Mohamed Aissa, a accusé devant la presse les ahmadis d’être impliqués dans un « complot » visant à déstabiliser l’Algérie depuis Israël, un pays où les ahmadis peuvent pratiquer librement leur culte et où une petite communauté est installée, à Haïfa, avec mosquée et chaîne de télévision dédiée.

Pour Mohamed Fali, la répression des ahmadis en Algérie est « politique » et n’est pas sans lien avec le fait que « l’Arabie saoudite combat l’ahmadisme, car c’est un danger pour le wahhabisme » en vigueur dans ce pays.

Après avoir accepté d’accorder une interview à l’AFP, le ministre algérien a finalement décliné.

Pour Sirine Rached, d’Amnesty International, les accusations contre les ahmadis sont « sans fondement ». Elles ne font que « stigmatiser et nourrir l’intolérance religieuse », dit-elle en appelant les autorités algériennes à protéger « les minorités et la diversité religieuse, aussi bien au sein de l’islam qu’à l’extérieur ».

Selon Rached, « l’acharnement contre les ahmadis en Algérie est une situation unique au Maghreb ». « Notre organisation n’a pas reçu de signalement de violations de liberté religieuse d’Ahmadis au Maroc, en Tunisie ou ailleurs dans le Maghreb ».

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