Agression antisémite d’un couple à Créteil en 2014: ouverture du procès mardi
Un troisième suspect est toujours en fuite depuis 2014 ; Verdict attendu le 6 juillet
Symbole de « l’antisémitisme d’aujourd’hui » pour l’accusation, cambriolage qui a mal tourné pour la défense : le procès des agresseurs présumés d’un jeune homme juif et de sa compagne dans un appartement de Créteil s’ouvre mardi devant les assises du Val-de-Marne.
L’affaire, très médiatisée à l’époque, remonte à décembre 2014. Laurine et Jonathan, 19 et 21 ans, se trouvent dans l’appartement des parents du jeune homme. Peu après midi, on sonne à la porte et Laurine ouvre, croyant reconnaître un cousin de son compagnon. Surgissent trois hommes, cagoulés et gantés, dont deux munis d’armes de poing.
Elle et son compagnon sont maîtrisés, maintenus sur le canapé du salon. Deux agresseurs fouillent l’appartement, un autre appuie son arme sur le front de Jonathan. Nerveux, il l’invective : « Me prends pas pour un con », lui lance-t-il quand Jonathan assure qu’il n’y a pas d’argent liquide caché dans l’appartement. « Les Juifs, ça ne met pas d’argent à la banque ».
Au fil des conversations, le couple se rend compte que les agresseurs savent que le frère de Jonathan travaille dans un magasin voisin – et semblent croire qu’il en est le gérant -, que son père possède une Mercedes et qu’il a l’habitude de se rendre à la synagogue le samedi « un truc sur la tête ».
Après une heure de fouille infructueuse, l’un des agresseurs demande sa carte bleue et son code à Jonathan en menaçant de « prendre sa copine » s’il n’obtempère pas. Lui et sa compagne sont ligotés avec de l’adhésif, qu’on leur plaque aussi sur la bouche.
Un des agresseurs se retrouve seul avec la jeune femme dans une chambre. Il la force à déplier ses jambes et lui impose des caresses sur la poitrine et une pénétration digitale.
Les agresseurs finissent par quitter les lieux avec près de 400 euros retirés au distributeur et des biens trouvés dans l’appartement, dont des bijoux et des appareils électroniques.
Un suspect en fuite
Deux d’entre eux, 19 et 22 ans à l’époque et originaires du département, seront rapidement interpellés. Le troisième, toujours en fuite, fait l’objet d’un mandat d’arrêt. Deux autres complices présumés seront jugés en même temps qu’eux.
Tous nient avoir ciblé leurs victimes en raison de leur judéité présumée et attribuent les propos antisémites à l’accusé en fuite. Celui qui est renvoyé pour le viol de la jeune femme nie également les faits.
Leur mise en examen les mettait notamment en cause pour « violences en raison de l’appartenance religieuse » mais la juge d’instruction avait abandonné le caractère antisémite au terme de son enquête, avant de finalement la rétablir après appel du parquet.
Des « revirements successifs » qui « démontrent la fragilité » d’un dossier « construit médiatiquement » et « instrumentalisé politiquement », avait dénoncé Me Marie Dosé, qui défend l’un des accusés.
« Ce crime n’est pas compréhensible sans la dimension antisémite », estime de son côté Patrick Klugman, l’un des avocats des victimes. « On est dans un immeuble quelconque, d’une banlieue peu réputée pour sa bourgeoisie, chez une famille peu fortunée. On part d’un préjugé juif = argent », dit-il, parlant d’une affaire symptomatique de « l’antisémitisme d’aujourd’hui ».
Dans un contexte de forte hausse des actes et menaces antisémites, l’agression avait provoqué une vive émotion dans le pays et la communauté juive, et avait été dénoncée par le président François Hollande comme symbole du « pire » et du « mal » qui traversent la société française.
Il ne s’agit pas d’un « simple fait divers », avait déclaré le ministre de l’Intérieur de l’époque, Bernard Cazeneuve, dans un discours à Créteil, quelques jours après les faits. « Derrière ce crime, il y a un mal qui ronge la République et que nous devons combattre à tout prix », avait-il dit, annonçant que le gouvernement ferait de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme une « cause nationale ».
Le verdict est attendu le 6 juillet.